Santé «Même le café ne sent rien!»: après le Covid, la quête de l'odorat perdu

Relax

31.10.2021 - 17:25

Encarna Oviedo ne sait plus si elle sent bon. Alors, elle se douche plus souvent. Depuis un an et demi, elle a perdu l'odorat à cause du Covid-19 et se bat, à l'instar de milliers de patients, pour le retrouver.

Cristina Valdivia a elle aussi contracté le Covid en mars 2020 et perdu l'odorat pendant trois mois avant de le retrouver, mais mal.
Cristina Valdivia a elle aussi contracté le Covid en mars 2020 et perdu l'odorat pendant trois mois avant de le retrouver, mais mal.
Pau BARRENA / AFP

31.10.2021 - 17:25

«Même le café, je ne le sens plus!», s'étonne cette sexagénaire vivant près de Terrassa, une ville située au nord-ouest de Barcelone, qui a contracté le virus lors de la première vague de l'épidémie au printemps 2020.

Alors que le pays, traumatisé, comptait ses morts, avoir une forme légère de la maladie lui semblait être une chance et la perte de l'odorat, un détail pour des médecins complètement dépassés.

Grâce à la vaccination, la pandémie a marqué le pas mais au moins un demi-million d'Espagnols ne peuvent toujours pas sentir, estime le docteur Joaquim Mullol, directeur du service de l'odorat à l'Hôpital Clinic de Barcelone, l'un des rares spécialistes que le pays comptait avant la pandémie.

«La perte de l'odorat a lieu chez environ 70% des patients qui ont le Covid», explique-t-il. Un quart d'entre eux environ ne l'ont toujours pas retrouvé intégralement, ajoute-t-il, et une grande partie ne consultent pas.

Pour ceux qui le font, les nouvelles ne sont pas très rassurantes car le seul traitement ayant démontré une efficacité jusqu'ici est l'entraînement olfactif, un long processus.

Rééducation

Face au grand nombre de cas, l'hôpital Mutua Terrassa, à une trentaine de kilomètres de Barcelone, a créé en février une unité de l'Odorat, comme d'autres établissements dans le pays.

Environ 90 patients, la plupart atteints de Covid long, y ont été traités. Après un premier bilan, ils se lancent dans une rééducation, à raison d'une séance par semaine pendant quatre mois durant laquelle ils s'efforcent d'identifier des odeurs.

En fin de parcours, ils retournent voir l'ORL et sont soumis à un nouveau test.

«Miel, vanille, chocolat ou cannelle ?», demande le spécialiste à Encarna en lui tendant une des 48 éprouvettes aromatiques. «... Vanille ?», hésite-t-elle. Chez elle, c'est surtout l'odeur du linge propre et de sa maison qui lui manquent le plus.

Cristina Valdivia a elle aussi contracté le Covid en mars 2020 et perdu l'odorat pendant trois mois avant de le retrouver, mais mal. «J'ai commencé à trouver que tout sentait le brûlé, comme si j'avais le nez au-dessus d'une friteuse», explique cette Barcelonaise de 47 ans.

Après des mois d'angoisse, et des consultations chez plusieurs spécialistes, elle a frappé à la porte de l'Hôpital Clinic, où on lui a diagnostiqué une parosmie, une perception déformée de l'odorat.

Bonne nouvelle: cette reconnexion erronée des sens se produit généralement chez des patients en cours de guérison.

Café et essence

Mais pour être certaine de retrouver l'odorat, Cristina plonge ses narines deux fois par jour dans six boîtes aux odeurs différentes. Concentrée, elle aspire le contenu de chacune d'entre elles pour régénérer ses connections olfactives. Certaines odeurs, comme les agrumes, s'imposent, mais d'autres résistent.

«Avec le café, c'est terrifiant. C'est comme un mélange entre l'essence et quelque chose de pourri», dit-elle.

Bien que l'on n'y fasse pas toujours attention, l'odorat, ou plutôt son absence, complique la vie beaucoup plus qu'on ne le pense.

Cristina n'est toujours pas parvenue à retrouver l'odeur de son fils. Avec d'autres personnes, c'est pire: «Je prends dans mes bras ma belle-mère, ma mère et l'odeur est horrible... C'est compliqué de gérer tout ça».

L'odorat «nous permet de sentir ce que nous mangeons, ce que nous buvons, de nous connecter avec le monde extérieur», explique le Dr Mullol.

«On détecte des choses qui peuvent être dangereuses, comme le gaz, la nourriture avariée. Quand une personne en est privée, elle est coupée du monde», met-il en garde, évoquant des patients souffrant de dépression ou de brusques pertes de poids.

Lassée de ne pouvoir savourer la nourriture, Encarna confie d'ailleurs une perte d'appétit mais elle garde espoir: «Un jour je vais peut-être me réveiller le matin et je sentirai quelque chose».

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