Wengen Wengen : quand la rivalité suisse pousse tout le monde vers le haut

Nicolas Larchevêque, à Wengen

16.1.2022

Avec cinq podiums en quatre jours de course, la délégation suisse n’a pas manqué son rendez-vous à Wengen. Retour sur un week-end intense et riche en émotions, qui laisse présager le meilleur pour la suite.

A l’image de Marco Odermatt et Beat Feuz, l'équipe de Suisse a brillé sur ses terres ce week-end.
A l’image de Marco Odermatt et Beat Feuz, l'équipe de Suisse a brillé sur ses terres ce week-end.
Keystone

Nicolas Larchevêque, à Wengen

16.1.2022

Que la fête fut belle à Wengen ! Des Suisses, avec notamment Marco Odermatt et Beat Feuz aux avant-postes, qui ont répondu présents, un Carlo Janka qui tire sa révérence, un Vincent Kriechmayr qui s’impose sans entraînement et dans la polémique ou encore un Daniel Yule qui met fin à une attente de 23 ans en slalom : la 92e édition du Lauberhorn, qui accueillait quatre courses cette année, a réservé son lot d’émotion et a été remplie d’enseignements.

A commencer par le phénomène Marco Odermatt. Le Nidwaldien, qui se mesurait pour la première fois de sa carrière à la célèbre piste bernoise, a une nouvelle fois prouvé qu’il était le meilleur skieur du monde actuellement. Il a ainsi quitté l’Oberland bernois avec une victoire en Super-G, mais aussi des deuxième et quatrième places en descente.



Le leader de la Coupe du monde peinait d'ailleurs à réaliser la portée de ses exploits sur le Lauberhorn. «Je me sentais tout sauf favori à Wengen», assurait-il après son succès de jeudi. «C'est magnifique et le résultat dépasse largement mes attentes. Je n'aurais jamais pensé réussir une si grosse performance ici», ajoutait-il après sa première expérience en descente.

Du haut de ses 24 ans, «Odi» semble «skier dans les traces» de son ainé Carlo Janka, qui, au même âge, était devenu champion olympique de géant et vainqueur du classement général de Coupe du monde en 2010. Les courses de Wengen ont donc résonné comme un passage de flambeau symbolique. «Comme je l’ai dit jeudi soir, c’est la vie. L’un vient, l’autre part», a philosophé Urs Lehmann, président de Swiss-Ski.



«Pour le moment, et ça fait très plaisir en Suisse, on a une très belle équipe. Cela veut dire qu’on a d'un côté des anciens qui sont encore forts, prenons en exemple Carlo Janka ou Beat Feuz. Et de l’autre côté, on a des jeunes, des sauvages si on veut, sans trop d’expérience mais qui sont là tout de suite comme Marco Odermatt. Première fois qu’il vient ici sur la piste et il gagne (en Super-G) et finit deuxième (de la première descente). C’est quand même incroyable !», s’est exclamé le patron de la fédération rouge à croix blanche.

Feuz : «Odermatt doit en profiter parce que dans 15 ans...»

Une belle équipe qui vit visiblement très bien ensemble. «Je peux clairement remercier Beat Feuz», a ainsi avoué Odermatt après son podium de vendredi. «Il m'a vraiment aidé à me développer aussi rapidement en descente. Il m'a toujours donné de nombreux et précieux conseils.»

A n'en pas douter, ce doux mélange entre expérience des anciens et fougue des plus jeunes porte plutôt bien, pour ne pas dire très bien, ses fruits. «Odermatt, on ne peut l’expliquer que par un flow. Il peut faire ce qu’il veut ces temps, il est rapide. Il doit en profiter parce que dans 15 ans quand il sera ici, il verra que ce n’est pas forcément toujours le cas. Il est ici sans pression, il peut juste profiter et attaquer», a de son côté constaté Feuz.



Ce dernier n’est néanmoins pas encore prêt à laisser son statut de leader des descendeurs à ses compatriotes juvéniles. «Jusqu’à quand je pourrais être le meilleur Suisse en vitesse ? On va voir. Un Didier Cuche a été pendant longtemps le plus rapide. On va voir si les autres Suisses arrivent à être assez rapide pour se débarrasser de moi», a ironisé le Bernois de 34 ans au terme des trois épreuves de vitesse.

Quand Yule se fait «remonter les bretelles» par Murisier

L’entraide entre camarades semble aussi bien présente chez les slalomeurs. Et cela malgré une forte concurrence dans une discipline où seuls quatre (ou cinq) d'entre eux décrocheront leur ticket pour les Jeux olympiques de Pékin. «A la fin, c’est les meilleurs qui vont aux JO. Si un est mieux que moi, il mérite d’y aller», a ainsi lâché Ramon Zenhäusern après sa 15e place en slalom dimanche. «C’est cool comme ça on grandit ensemble. La rivalité dans l’équipe pousse tout le monde vers le haut.»

Cet élan de motivation entre les membres de Swiss-Ski dépasse même les disciplines, comme le prouve Daniel Yule qui s’est fait «remonter les bretelles» par Justin Murisier samedi soir. «Je connais Justin. Je le connais tellement bien et il me connaît tellement bien depuis le temps que, quand il me dit quelque chose, je sais que ça vient du coeur. En général, s’il me le dit, il a raison quand même. Justement, j’ai bien écouté ce qu’il m’a dit. C’est vrai que ça m’a fait tilt, les mots qu’il m’a dit et c’est ça qui m’a permis de skier comme j’ai skié aujourd’hui», a reconnu Yule dimanche.



Et cela a fonctionné, puisque le skieur de La Fouly est monté sur le podium en slalom, mettant fin à une disette de 23 ans pour l’équipe helvétique à Wengen. «C’était des encouragements entre autres. Justin m’a surtout dit qu’il fallait arrêter de skier à moitié, qu’il fallait jouer ses cartes à fond. Pour moi, il est un exemple pour ça. Il ne se tire jamais en arrière, il prend tous les risques. Justement, il m’a dit de faire pareil et je crois que j’ai bien réussi à le faire aujourd’hui (ndrl : dimanche)», a-t-il poursuivi.

Au-delà des performances individuelles hallucinantes de Marco Odermatt, les résultats d’ensemble de ces derniers temps montrent que l’armada masculine est montée en puissance. Et avec un tel esprit d’équipe, le public suisse peut commencer à rêver du meilleur à quelques semaines du coup d’envoi des JO de Pékin...