People Marc Veyrat, trois étoiles sinon rien

AFP

5.2.2018 - 19:35

Des problèmes d'argent ou de santé l'ont souvent fait chanceler, mais il s'est toujours relevé. A 67 ans, dont 40 passés en cuisine, Marc Veyrat a obtenu 3 étoiles au Michelin pour la troisième fois.

"Je crois qu'il faut toucher le fond pour se rendre compte du meilleur", a-t-il lancé lundi, en étant sacré par le Michelin.

Derrière La Maison des Bois, ouverte en 2013 et couronnée aujourd'hui au col de la Croix-Fry à Manigod (Haute-Savoie), sur les terres de ses ancêtres et de ses débuts, il y a eu plus qu'un retour aux sources: "comme un instinct de survie", confiait-il récemment au site Atabula.

"J'ai connu de graves accidents dans ma vie, j'ai même failli la perdre à plusieurs reprises. Sans mes clients, je serais probablement déjà mort".

Mais Veyrat est toujours là, avec son chapeau noir, ses lunettes teintées, ses plantes aromatiques et sa grande gueule.

Jusqu'à menacer de sortir du prestigieux guide rouge s'il ne décrochait pas de 3e étoile cette année même s'il concède s'être senti "orphelin" pendant les mois où il n'y figurait pas.

Dans une profession où l'on débute souvent jeune, cette "toque d'exception" - dixit le Gault&Millau - a commencé plutôt tard.

Né le 8 mai 1950 à Annecy, il se rêve bien cuisinier mais, renvoyé de l'école hôtelière, il travaille comme berger et moniteur de ski.

Las! Il se forme seul en lisant Michel Guérard et Paul Bocuse, dont il a assisté aux obsèques en janvier. En 1978, il ouvre sa première auberge à la Croix-Fry et un jour, avec une herbe, la chénopode, il concocte une soupe. Son aventure créative commence. Les affaires aussi.

En 1985, il lance un nouveau restaurant à Annecy-le-Vieux qui reçoit une étoile dès 1986, la deuxième en 1987. Veyrat déménage ensuite au Veyrier-du-Lac, dans une belle villa au bord de l'eau: l'Auberge de l'Eridan obtient les trois précieux macarons en 1995 mais frise aussitôt la faillite: un accord intervient in extremis avec les banques.

Le chef se relance et ouvre, fin 2000 à Megève, La Ferme de mon père: trois nouvelles étoiles. On parle alors d'une installation à Paris quand survient un terrible accident de ski qui le contraindra à tout lâcher un jour de février 2009.

- Chantre du bio -

"Ce n'est qu'un au revoir", assure-t-il alors. Quatre ans passent et il ouvre La Maison des Bois autour d'un concept de ferme d'hôtes, autarcique et écologique.

A 1.600 mètres d'altitude, on y trouve une chapelle, un four à pain, un poulailler, des bassins à poissons et un rucher, des suites de luxe, un spa, un parcours botanique et un héliport. Sans compter une école de cuisine et une fondation contre la malbouffe...

Et dans les assiettes ? Celui qui se fourvoya dans la cuisine moléculaire par effet de mode - et "par vanité créatrice" - se fait désormais le chantre du bio. Ouverte aux produits du monde, la table de Veyrat célèbre avant tout la nature environnante, à commencer par les plantes.

Chez lui, le foie gras se déguste en "aspiration" avec myrrhe odorante; le "thé de poisson" infuse au serpolet; la langoustine se parfume à "l'ache des montagnes"; le cerf cuit dans la terre de bruyère et "un beignet de lichen" amorce la transition vers "l'avalanche" des desserts.

Ce retour n'a pas été sans embûches: en 2015, Veyrat est condamné pour atteinte à l'environnement au moment où il participe au menu de la COP21. La même année, un incendie ravage La Maison des Bois et des rumeurs courent. Cet "homme d'excès", comme il se définit lui-même, n'a pas que des amis. Mais il rebondit encore une fois et en 2017, deux macarons tombent tout cuits.

L'avenir ? L'ouverture de deux enseignes "Rural" à Lyon et Paris; une offre de "restauration courte" sur les aires d'autoroute et une nouvelle table à Manigod, "plus abordable".

"Si je veux, je peux arrêter demain, j'ai besoin de rien. Je n'ai plus de dettes, tout va bien", assure le chef. Pas près de rendre son tablier.

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