Alain Chamfort «On n'est pas obligé de tout subir sans réagir ni se défendre»

AFP

8.4.2024

A l'approche de ses 60 ans de carrière, Alain Chamfort sort «L'impermanence», son ultime album, pour en «terminer en beauté» avec ce format, sans écarter l'idée de singles à l'avenir.

A l'approche de ses 60 ans de carrière, Alain Chamfort sort «L'impermanence», son ultime album.
A l'approche de ses 60 ans de carrière, Alain Chamfort sort «L'impermanence», son ultime album.
IMAGO/ABACAPRESS

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«Des albums, j'en ai fait 16, j'avais envie de terminer avec un album un peu conséquent. Aujourd'hui, les gens écoutent la musique autrement», expose l'artiste à l'AFP. «Ca permet d'envisager l'avenir de façon plus légère, pour m'associer avec des gens sans avoir à faire un album qui coûte cher», poursuit le septuagénaire.

La rencontre «charmante» avec Sébastien Tellier, franc-tireur de la pop, a d'ailleurs débouché sur un EP, format quatre titres, sorti en janvier. «L'impermanence» tire son nom d'un concept bouddhiste embrassé par Alain Chamfort: «Accepter l'idée que rien n'est définitif».

«Vieillir est une blessure sévère» mais «Doux sera l'hiver», entend-on dès le premier morceau, «L'apocalypse heureuse», oxymore de la sérénité du dandy de la chanson face au temps qui s'écoule inexorablement. «L'impermanence» colle aussi parfaitement avec la carrière de l'artiste, entre cimes et précipices.

«Le maître»

Dans le clip «Les beaux yeux de Laure», primé aux Victoires de la musique en 2005, le chanteur faisait défiler des pancartes où on lisait notamment «J'ai été viré de ma maison de disques». «On n'est pas obligé de tout subir sans réagir ni se défendre», sourit-il aujourd'hui.

Sa carrière est parsemée de clips notables. On se souvient du morphing de «L'ennemi dans la glace», signé Jean-Baptiste Mondino, sacré aux Victoires en 1994. La vidéo de «La grâce», récemment parue, convie les pairs de Chamfort, Juliette Armanet, Alain Souchon et Laurent Voulzy, ou encore Véronique Sanson, filmés en quête d'inspiration.

C'est une idée de Pierre-Dominique Burgaud, parolier du chanteur. Un autre parolier du passé est évoqué dans la chanson «Vanité vanité»: ce «grand fumeur de Gitanes» c'est évidemment Serge Gainsbourg, qui lui a écrit «Manureva», tube de 1979. «Il reste le maître», glisse Chamfort, qui l'avait sollicité et a connu le Gainsbourg de «la belle période» et le Gainsbarre quand «ça s'est gâté».

La première version de «Manureva» -alors «Adieu California»- «ne portait pas». «Au fond de lui, Serge le savait. Quelques jours après, il m'appelle et me parle de +Manureva+, ça devenait évident». C'est le nom du bateau du navigateur Alain Colas, disparu en mer en 1978.

«Un marginal»

La suite sera plus épineuse, quand, Jane Birkin partie, Gainsbourg se «noie dans l'alcool». Chamfort l'emmène aux Etats-Unis pour le changer d'air et travailler sur de nouveaux morceaux.

Gainsbourg trouve des titres pour des chansons sur les musiques de Chamfort mais tarde à remettre les paroles. «Un jour, il arrive au studio, il a tout écrit en sortant d'un bar à côté et tout était à chier». Chamfort lui dit. Gainsbourg, vexé, fait ses valises et donne la seule chanson potable, «Souviens toi de m'oublier», à Catherine Deneuve. Après un «dîner de réconciliation à Paris», Gainsbourg livrera à Chamfort de nouveaux textes. «Il s'était repris en main».

Le chanteur a fait d'autres rencontres marquantes. Comme Jacques Dutronc, pour qui il joue du piano dans son groupe à 17 ans. «D'un seul coup, j'ai découvert la vie». «Dutronc est un marginal, c'est chouette de découvrir le show-biz à travers lui, qui est tout en esquive, en fuite, pas du tout dans le truc, toujours là pour amuser son équipe».

Un dilettantisme absent, en revanche, chez Claude François, que Chamfort côtoie quand il signe, «pour faire des chansons», dans la maison de disques créée par cet «archétype de la star».

«C'était assez fascinant de voir une machine au service de son succès. Oui, Claude était colérique, exigeant, mais savait être très généreux pour se faire pardonner». Toutefois, dans la flottille «Clo-Clo», Chamfort se sent «un peu coincé». «Ce n'était pas une finalité, il y avait d'autres choses à explorer». Sa carrière le prouve.