Pakistan Les Pakistanais et leurs lions de compagnie

ATS

7.7.2019 - 03:15

A Karachi, il y aurait jusqu'à 300 lions gardés comme animaux de compagnie dans des jardins, à l'intérieur de cages sur des toits ou encore dans des fermes (image symbolique).
A Karachi, il y aurait jusqu'à 300 lions gardés comme animaux de compagnie dans des jardins, à l'intérieur de cages sur des toits ou encore dans des fermes (image symbolique).
Source: KEYSTONE/EPA/ABIR SULTAN

Bilal Mansoor Khawaja ne masque pas sa fierté lorsqu'il caresse la crinière de son lion blanc, l'un des milliers d'animaux exotiques de son «zoo» personnel à Karachi au Pakistan, où un commerce florissant d'espèces sauvages approvisionne l'élite dorée.

«Ce sont... (certains) des animaux les plus rares que je possède», se rengorge cet industriel de 29 ans, en tenant le félin en laisse. Importer des animaux exotiques est relativement aisé au Pakistan, la législation étant peu regardante en la matière, et une fois à l'intérieur du pays, il n'y a quasiment pas de réglementation.

Ces dernières années, des centaines d'entre eux ont été transportés au Pakistan ou élevés sur place. Les grands félins, considérés comme des symboles de richesse et de puissance, ont particulièrement la cote. Les réseaux sociaux fourmillent de vidéos de riches Karachites paradant avec des lions assis dans leurs 4X4 de luxe. Les journaux font parfois état de l'arrestation de certains d'entre eux.

Bilal Mansoor Khawaja estime qu'il y a jusqu'à 300 lions dans la seule ville de Karachi (sud), mégalopole portuaire d'environ 20 millions d'habitants, réputée pour ses trafics multiples. Dans cette cité chaotique à la chaleur étouffante, les félins sont gardés dans des jardins, à l'intérieur de cages sur des toits ou encore dans des fermes.

«Joyaux de la couronne»

L'industriel bientôt trentenaire confie posséder plus de 4000 animaux de 800 espèces différentes, dont des zèbres, des flamants roses et des chevaux. Ils vivent pour partie dans une propriété de près de 4 hectares au beau milieu de la jungle urbaine. Parmi eux, une poignée de lions et de tigres, ses «joyaux de la couronne».

Sa collection n'est pas une question de statut ou de prestige, affirme-t-il, mais plus simplement une manifestation de son amour pour les animaux de compagnie. «Nous, les Pakistanais, nous avons un problème : là où notre coeur est doux, il est très doux. Quand il est dur, il est très dur», lance-t-il.

Plus de 30 personnes travaillent par roulement et quatre soignants se relaient pour s'occuper des bêtes, explique Bilal Mansoor Khawaja, qui confie dépenser un argent fou pour son zoo personnel, sans toutefois accepter d'en révéler le montant.

«Eleveurs très louches»

Mais qu'importe le budget, ou même les blessures, mineures, qu'il a accumulées au fil des ans: «Avec chaque blessure, mon amour pour ces animaux (...) grandit», sourit-il.

Si les espèces indigènes sont relativement protégées au Pakistan, un certain flou entoure le sort des animaux importés. Et «la loi est silencieuse» sur l'élevage de fauves, regrette Javed Mahar, le chef du département de la faune de la province du Sindh, dont Karachi est la capitale. Or «il y a beaucoup d'éleveurs privés et ils sont très louches», déplore Uzma Khan, conseillère technique pour l'ONG de protection de la nature WWF (Fonds mondial pour la nature).

Les contraintes sur les zoos privés sont infinitésimales, remarque-t-elle, alors même que les zoos publics sont réputés pour leur négligence et qu'aucune autorité n'est en charge de leur surveillance.

Déficiences en calcium

Certains propriétaires, comme Bilal Mansoor Khawaja, peuvent avoir les moyens et la passion pour fournir une alimentation saine à leurs animaux. Mais d'autres sont connus pour ne pas être à la hauteur. Isma Gheewala, vétérinaire à Karachi, affirme avoir traité entre 100 et 150 gros félins dans sa clinique ces dernières années pour des déficiences en calcium.

«Leurs os deviennent extrêmement fragiles», explique-t-elle. «Et s'ils sautent d'à peine 30 centimètres de haut, ils se blesseront un os ou autre chose, et mettront du temps à s'en remettre.»

Le propriétaire et le vendeur d'animaux exotiques rencontrés par l'AFP réfutent toutefois l'idée que retirer ces espèces de leur habitat naturel et les élever au Pakistan leur serait nuisible. «Beaucoup d'animaux sont soit éteints, soit sur le point de l'être», soutient Bilal Mansoor Khawaja. «Je ne veux pas que les prochaines générations ne voient pas ces animaux.»

Un argument qui fait bondir Uzma Khan, de WWF. «Un animal en captivité n'est pas ce qu'il est dans la nature», observe-t-elle. Et d'ajouter : «quel est l'intérêt d'avoir un animal qui ne chasse pas, qui est dans une cage sans montrer son comportement naturel ?»

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