Actu people Les toques du monde s'inclinent devant Joël Robuchon à Poitiers

AFP

20.8.2018 - 22:06

Des centaines de grands chefs français et étrangers, au milieu d'anonymes, se sont rassemblés vendredi dans la cathédrale de Poitiers pour rendre un dernier hommage à Joël Robuchon, cuisinier le plus étoilé du monde, mort le 6 août à 73 ans.

Souriant, de noir vêtu comme à son habitude, le chef aux 32 étoiles (au sommet de sa carrière), devenu ambassadeur et emblème mondial de la gastronomie française, dominait sur un poster géant la façade de la cathédrale Saint-Pierre.

De grands restaurants et hôtels de Paris ou Monte Carlo avaient fait déposer de somptueuses gerbes, tout comme des anonymes dont l'un avait écrit "A celui qui a éduqué nos papilles".

Les obsèques de Joël Robuchon, qui a succombé à un cancer à Genève, ont eu lieu la semaine dernière dans l'intimité, selon le voeu de la famille, qui voulait aussi rendre un hommage public dans la ville natale de ce chef "affectueusement attaché" au Poitou.

Vestes blanches de cuisinier, ou noires des ateliers Robuchon, costumes de deuil, les chefs se sont retrouvés dans cette cathédrale qui domine la ville haute.

Parmi eux, les illustres et multi-étoilés Michel Guérard, André Dutournier, Alain Ducasse, mais aussi Jacques Maximin.

C'est sa fille Françoise Bernachon-Bocuse qui représentait Paul Bocuse, l'autre grand chef français disparu cette année, en janvier.

- "Cuisinier universel" -

"Joël Robuchon, c'était par essence le grand cuisinier universel, comme avait pu l'être à son époque, mais évidemment sans les moyens de transport ou de communication d'aujourd'hui, Auguste Escoffier (1846-1935). Il représentait aussi ce symbole du travail de la main, de l'artisan", confiait Michel Guérard, le chef d'Eugénie-les-Bains (Landes).

"Avec lui j'ai tout réappris, tout recommencé à zéro. Il était un artisan hors pair, un palais d'exception, l'excellence dans la simplicité", racontait, la voix secouée par l'émotion, le chef Eric Briffard, ancien second de Robuchon.

Une délégation du Japon, un pays dont Joël Robuchon était épris et où il avait ouvert trois restaurants étoilés à Tokyo, était aussi présente. Tout comme son fils franco-japonais Louis Robuchon-Abe.

Hirohisa Koyama, 69 ans, chef japonais avec 5 restaurants à Tokyo et Osaka, collaborait avec Robuchon depuis 30 ans. "A ma connaissance, il est le premier chef français à avoir maîtrisé la sauce soja... Au Japon on nous demande de plus en plus de cuisine française. C'est l'impact de Joël Robuchon. En France je ne sais pas, mais au Japon il est le Dieu de la cuisine française", dit-il en japonais, traduit par sa fille.

Vestes blanches, cols bleu-blanc-rouge: une centaine de titulaires du titre de Meilleur Ouvrier de France, comme l'était Joël Robuchon, étaient aussi présents.

"Très vite, tu as senti et anticipé ce mouvement planétaire autour de la gastronomie. Ton empreinte et ta marque sont indélébiles", a lancé sous les voutes gothiques le chef Guy Savoy.

"Joël Robuchon a rejoint Paul Bocuse dans le Panthéon des grandes toques. Il ne dissociait pas une vocation professionnelle d'une vocation spirituelle", a dit du très pieux chef le critique gastronomique Périco Légasse.

Jean-Pierre Raffarin, un autre Poitevin, a voulu donner une nouvelle impulsion à un projet auquel tenait le défunt: la création d'une école internationale de cuisine dans le Poitou, à Montmorillon. "Nombreux sont ici les amis, les disciples, prêts à s'impliquer pour donner vie à son rêve", a lancé l'ancien Premier ministre.

La présence de Régis Lebrun, PDG de Fleury-Michon, le groupe alimentaire avec qui Joël Robuchon a longtemps travaillé, rappelait aussi le sens des affaires du cuisinier qui avait su ouvrir des restaurants à Las Vegas, Macao ou Bangkok.

"Vous nous avez ouvert le chemin, un grand merci à vous. Reposez-vous en paix. On est là !", a lancé sous les ovations Eric Bouchenoire, qui fut le fidèle second de Joël Robuchon pendant une trentaine d'années.

La cérémonie se tenait à quelques centaines de mètres du lieu où la vie de Joël Robuchon avait commencé, dans une maison de la "Grand Rue" où il habitait avec ses parents. Il devait ensuite rejoindre une école cléricale dans les Deux-Sèvres, mais sa découverte de la cuisine l'avait détourné de la prêtrise à laquelle il se destinait.

Retour à la page d'accueil