L'acteur français Michel Piccoli au festival de Cannes le 18 mai 2013
Michel Piccoli, le 22 octobre 1983 à Nice
Michel Piccoli et le réalisateur Jean-Luc Godard, le 24 mai 1982 à Cannes, avant la projection de «Passion»
Michel Piccoli, disparition d'un grand du cinéma
L'acteur français Michel Piccoli au festival de Cannes le 18 mai 2013
Michel Piccoli, le 22 octobre 1983 à Nice
Michel Piccoli et le réalisateur Jean-Luc Godard, le 24 mai 1982 à Cannes, avant la projection de «Passion»
Monstre sacré à l'écran, grand pudique dans la vie, le comédien Michel Piccoli est décédé à 94 ans, après une carrière de près de 60 ans où il a incarné des personnages sombrement extravagants comme des séducteurs bouleversés par «les choses de la vie».
Avec lui, se tourne une page du cinéma français et même européen, ainsi que toute une époque: celle des Trente glorieuses, des films de Sautet et de Buñuel, des repas s'éternisant durant des heures et des hommes discutant clope au bec.
Son regard saisi quelques secondes avant l'accident de voiture dans «Les choses de la vie» (1970) de Claude Sautet, dont il a été un de comédiens fétiches, faisait partie des photos largement relayées sur les réseaux sociaux, après l'annonce de son décès.
Ainsi que celle tirée du «Mépris» – le film de Godard qui l'a révélé en 1963 – où il est assis sur le rebord de la baignoire, chapeau sur la tête, au côté de Brigitte Bardot.
Il «s’est éteint le 12 mai dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants Inord et Missia, des suites d’un accident cérébral», a indiqué lundi sa famille, sans donner plus de détails.
Son décès est survenu dans l'Eure, a précisé à l'AFP le conseiller départemental et maire de Saint Philbert sur Risle, Francis Courel, qui s'est entretenu avec sa veuve, la scénariste Ludivine Clerc.
- Justesse -
«Toutes ces années de cinéma, la magistrale présence de Michel Piccoli nous a si bien accompagnés... Grand vide, immense tristesse», lui a rendu hommage sur Twitter le Festival de Cannes, qui devait avoir lieu cette semaine.
«On ne dirigeait pas Piccoli. On le filmait. C'était inutile de lui donner des indications de jeu. Le personnage qu'il interprétait le guidait. Il accueillait l'évidence des choses de la vie», a réagi auprès de l'AFP son ami Gilles Jacob. L'ancien président du Festival de Cannes avait écrit un livre d'entretiens avec le comédien en 2015 («J'ai vécu dans mes rêves»), l'occasion de revenir sur sa carrière au théâtre et au cinéma.
«+Faire+ est devenu plus difficile avec l'âge et la mémoire qui flanche: Je suis comme un stylo qui n'a plus d'encre, et je me mets à râler comme un fou: +Où est mon encre?+», confiait alors le comédien, absent des écrans depuis sa participation à «Holy Motors» de Leos Carax et surtout «Habemus Papam» (2011) de Nanni Moretti, où il incarnait un pape en proie au doute.
Emmanuel Macron a salué, dans un communiqué, un «géant» du cinéma qui, «avec cet immense pouvoir de métamorphose», était «l’un des acteurs les plus complets, les plus éclectiques du cinéma français».
«Magistral dans le cinéma de Claude Sautet, Michel Piccoli était de ces immenses comédiens dont le regard suffit à vous transporter. Du cinéma au théâtre, il impressionnait par l'incroyable justesse de son jeu», a souligné le ministre de la Culture Franck Riester sur Twitter, évoquant aussi son «engagement» à gauche.
- «Les rôles, ça m'est égal» -
«Fougueux et enthousiaste, il était de tous les combats humanistes et sociaux», a renchéri son prédécesseur Jack Lang, citant son combat pour les sans-papiers et les intermittents du spectacle.
L'adjoint à la Culture à la Mairie de Paris, Christophe Girard a lui salué la mémoire d'un «caméléon unique et génial», qui a tourné dans plus de 150 films, sous la direction de Varda, Hitchcock, Costa-Gavras, Renoir, Buñuel, Melville, Demy ou encore Chabrol....
«Je choisis les auteurs ou les textes ou les metteurs en scène, mais les rôles, ça m'est tout à fait égal», disait Michel Piccoli lors d'une interview télévisée en 1970.
«Quand on joue la comédie, il faut arriver à faire les choses même parfois les plus extravagantes mais qui puissent paraître évidentes», soulignait encore celui qui aimait jouer la provocation, chez Bunuel («Belle de jour», «Le journal d'une femme de chambre») comme Marco Ferreri («La grande bouffe»).
Prix d'interprétation à Cannes pour «Le saut dans le vide» de Marco Bellochio en 1980, il a été nommé quatre fois au César mais jamais récompensé. Quand on lui demandait ce qu'il pensait de l'expression «monstre sacré», il répondait «monstre j'accepte, sacré, ça m'inquiète un peu. Disons monstre... points de suspension».
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