Carnet noir Mort du chorégraphe américain Paul Taylor, géant de la danse moderne

AFP

30.8.2018 - 20:08

Paul Taylor, un des pères de la danse moderne, s'est éteint à l'âge de 88 ans le 29 août 2018. Sur cette photo prise par Carl Van Vechten le 12 janvier 1960 et fournie par la bibliothèque du Congrès américain, Paul Taylor est avec le New York City Ballet
Paul Taylor, un des pères de la danse moderne, s'est éteint à l'âge de 88 ans le 29 août 2018. Sur cette photo prise par Carl Van Vechten le 12 janvier 1960 et fournie par la bibliothèque du Congrès américain, Paul Taylor est avec le New York City Ballet
Source: Library of Congress/AFP

Paul Taylor, l'un des pères de la danse moderne, est mort mercredi à New York à l'âge de 88 ans, après 60 ans de carrière durant lesquelles il a défié les conventions et profondément influencé la création chorégraphique.

Lisa Labarado, une porte-parole de la compagnie qu'il avait fondée à Manhattan, la Paul Taylor Dance Company, a confirmé à l'AFP la mort du chorégraphe, à la suite d'une "défaillance rénale".

Avec lui disparaît le dernier géant de la danse moderne, après les décès de Martha Graham, Merce Cunningham ou Pina Bausch.

"Paul Taylor était l'un des plus grands chorégraphes au monde, et sa mort nous attriste profondément, non seulement nous qui avons travaillé avec lui, mais toutes les personnes dans le monde qui avaient été touchées par son art incomparable", a déclaré le directeur artistique de la compagnie, Michael Novak, cité dans un communiqué.

Il a joué un rôle-clé de passeur entre danse classique et danse contemporaine, en apportant des éléments de danse expérimentale à la danse des années 1950.

Expérimentations

Lors d'une célèbre représentation de 1957, Taylor se produisait en solo, avec uniquement une horloge parlante.

Une autre de ses productions, "Duet", explorait l'immobilité: elle se terminait avec Paul Taylor, en costume de ville, debout, complètement immobile, alors que sa partenaire était assise à ses pieds, le regard parfaitement fixe, poussant le public à quitter la salle.

Il a aussi monté un très satirique "Sacre du printemps", de Stravinsky, présenté comme une histoire de rapt d'enfant par la mafia. Et dans "Company B", il célébrait l'optimisme des Américains en pleine Seconde guerre mondiale.

D'abord danseur surdoué pour lequel Merce Cunningham, Martha Graham ou George Balanchine ont créé des rôles, Paul Taylor lance, en 1954, sa propre compagnie, qui connaîtra son premier succès e 1962 avec "Aureole", puis "Orbs" en 1966.

Au début des années 1970, il arrête de danser et se consacre entièrement à la chorégraphie, collaborant avec des artistes d'avant-garde comme Robert Rauschenberg ou le peintre new-yorkais Alex Katz.

Sa compagnie, qui deviendra la Paul Taylor Dance Company, créera au total 147 spectacles, dont beaucoup sont devenus des icônes du monde de la danse. Le danseur-étoile Rudolf Noureev sera régulièrement invité à danser avec la compagnie.

Ancien nageur

Né à Pittsburgh, en Pennsylvanie, le 29 juillet 1930, élevé dans la capitale Washington, Paul Taylor, fils d'une cuisinière, avait décidé de devenir danseur après avoir découvert à l'université un livre sur Vaslav Nijinski, le danseur virtuose des Ballets russes.

Cette découverte poussera ce nageur de compétition à changer d'orientation et à intégrer la célèbre école Juilliard à New York.

Son style était très athlétique: profonde flexion des jambes, grande variété de sauts, diagonales foudroyantes, selon Gérard Mannoni, auteur d'un livre sur "Les grands chorégraphes du 20ème siècle".

"C'était un nageur, et ses mouvements de bras donnaient à sa danse puissance et grâce", a expliqué Ashley Roland, co-directrice de la compagnie Bodyvox, basée à Portland (ouest). Elle a déploré la mort d'un "grand conteur par la danse", "maître de la chorégraphie moderne américaine".

Paul Taylor travaillera jusqu'à sa mort, créant encore en 2014 la Paul Taylor American Modern Dance, aidant à former et promouvoir une nouvelle génération de danseurs.

Invité depuis cette année-là à se produire trois semaines durant au prestigieux Lincoln Center, il en profitait pour présenter tant des productions de sa compagnie que des oeuvres de chorégraphes contemporains.

"Paul a planifié agressivement l'avenir pour s'assurer que les générations à venir pourront voir son travail génial, les autres chefs-d'oeuvre de la danse moderne, et les grandes oeuvres à venir", a souligné le directeur exécutif de la Paul Taylor Dance Company, John Tomlinson.

Refus de toute étiquette

Dès l'annonce de son décès, les hommages du monde de la danse ont afflué.

Il était "l'un des véritables maîtres de la danse moderne", a tweeté le chorégraphe britannique Matthew Bourne, célèbre pour son "Lac des Cygnes" dansé uniquement par des hommes. Son "influence continue d'être une inspiration pour les danseurs du monde entier".

"Il a élargi le champ de la danse moderne et l'a rendue surtout plus populaire, moins prétentieuse, en y ajoutant une pincée d'humour malicieux", a indiqué à l'AFP Marina Harss, critique de danse new-yorkaise.

S'il s'est fait connaître par ses expérimentations, Paul Taylor a exploré de nombreux styles et rejetait toute étiquette.

"Les critiques veulent sans cesse me classer dans un genre bien déterminé. Je n'appartiens à aucun, je cherche toujours à pratiquer de nouvelles expériences", avait-il déclaré un jour au journal Le Figaro.

Aretha Franklin

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