Fléau monstrueux Au cœur des ténèbres amazoniennes, l'exploitation sexuelle

Gregoire Galley

21.3.2025

En salles mercredi, le film brésilien «Manas» plonge au cœur des ténèbres amazoniennes, où les caméras ne vont jamais, pour lever le voile sur le fléau des violences sexuelles dans des villages reculés du Brésil.

Le film brésilien «Manas» plonge au cœur des ténèbres amazoniennes (image d’illustration).
Le film brésilien «Manas» plonge au cœur des ténèbres amazoniennes (image d’illustration).
Imago

Agence France-Presse

Le film, primé en section parallèle au Festival de Venise, est coproduit par de grands noms du cinéma, le réalisateur brésilien Walter Salles ("Central do Brasil", «Carnets de voyage» et dernièrement l'oscarisé "Je suis toujours là") et les porte-drapeau du cinéma social francophone, Luc et Jean-Pierre Dardenne.

Il raconte l'histoire de Tielle, une enfant de 13 ans qui vit avec ses parents et ses frères et sœurs sur l'île de Marajo, dans une zone déshéritée de l'Etat du Pará, à l'embouchure de l'Amazone.

Une vie rythmée par l'immense fleuve, où le danger peut venir aussi bien des immenses barges qui transportent les hommes et marchandises chargés du commerce, que du foyer. Les violences sexuelles ne sont que pudiquement suggérées, «Manas» préférant décrire avec délicatesse le douloureux parcours de sa jeune héroïne.

«Quand je disais que je faisais un film sur les violences sexuelles en Amazonie, on m'a dit, +mais qui ira voir ça ?», explique la réalisatrice Marianna Brennand, à l'AFP. «Personne ne veut voir ça, car c'est horrible ! Donc mon défi c'était qu'on puisse ressentir ce que cette fille vit, qu'on se mette dans ses baskets, pour créer de l'empathie».

Isolement

A l'origine, la cinéaste voulait «faire un documentaire pour éveiller les consciences et faire changer les choses. Mais très rapidement, j'ai réalisé que ce ne serait pas possible d'un point de vue éthique, car cela nécessiterait de faire subir à des filles et des femmes victimes de graves traumatismes l'épreuve de raconter cela devant une caméra, et cela serait une nouvelle violence pour elles. C'est pour ça que j'ai décidé de faire une fiction» très documentée.

Il doit permettre de faire comprendre que le fléau des violences sexuelles est universel, précise-t-elle. «Dans le cas de l'île de Marajo, on ne peut pas fuir, en raison de l'isolement et des distances entre les maisons, parfois à plusieurs kilomètres de bateau. Le fleuve vous nourrit, vous donne tout, mais vous emprisonne aussi», poursuit-elle.

«Les filles ne peuvent pas juste se jeter à l'eau et partir, tout est si grand. Cette situation fait que l'exploitation sexuelle se poursuit», poursuit-elle, racontant avoir, lors des très longs repérages, rencontré des policiers qui n'avaient pas assez d'essence pour aller recueillir la parole de plaignantes, à des heures de navigation. Le film doit sortir en mai au Brésil.