Interview Camille Cottin: «J’avais demandé à mon copain de ne pas la regarder»

de Samuel Bartholin / AllTheContent

3.6.2019

Après un passage marquant et déjanté sur Canal Plus avec «Connasse», Camille Cottin revient à l’antenne de la chaîne cryptée ce mois de juin dans «Mouche», l’adaptation française de la série britannique «Fleabag». La série devenue culte, écrite et interprétée par l’actrice Phoebe Waller-Bridge (également créatrice de «Killing Eve») raconte la vie tragi-comique d’une trentenaire qui tente de se rebâtir après le décès de son amie. Un rôle taillé sur-mesure pour la comédienne française, passée maîtresse dans l’alternance de séquences d’humour grinçant à d’autres moments plus émouvants. Interview pour «Bluewin».

Connaissiez-vous déjà «Fleabag», la série anglaise, avant de tourner ce remake?

C’est ma sœur, qui est réalisatrice et monteuse, qui avait monté un documentaire sur la sexualité dans les séries anglo-saxonnes, il y a trois ans. «Fleabag» venait de sortir, et elle m’a dit: «Il faut que tu regardes, les sœurs de la série, c’est nous, c’est génial». Je me souviens, je l’ai regardé alors que j’étais sur le tournage du film «Larguées» à la Réunion…

Comment avez-vous fait pour vous approprier une série qui reste délibérément très proche de l’original?

La série originale, je l’ai adorée – mais vraiment, adorée – en tant que téléspectatrice. Quand on me l’a proposée, j’ai eu un peu peur car je suis une fan inconditionnelle de Phoebe Waller-Bridge (scénariste et actrice principale de «Fleabag», ndlr), de sa plume, de son jeu… Il y avait l’excitation de jouer une partition superbe, comme du théâtre, mais avec un peu l’appréhension de trahir l’excellence de ce travail…

«Le fait que ce soit Jeanne Herry qui réalise m’a mise en confiance»

Et puis, je me suis apaisée en me disant qu’en France, la série n’était pas connue et que ce qu’on allait faire s’apparentait ainsi à du passage de relais. Le fait que ce soit Jeanne Herry qui réalise m’a aussi mise en confiance, je m’en suis totalement remise à elle, elle a une idée très précise de la direction d’acteurs. Mais bon, en tout cas, je n’ai pas revu la série au moment de tourner, j’en ai parlé à Jeanne, qui m’a dit «surtout pas!» J’avais aussi demandé à mon copain de ne pas regarder la série originale, mais il l’a fait quand même, pendant le tournage, en plus à coté de moi, dans le lit, en tournant l’ordinateur de l’autre coté!

Je n’ai pu m’empêcher de regarder cinq minutes et ce qui m’a saisi, c’est la vivacité avec laquelle elle passe de la confidence à la caméra au personnage, je me suis dit qu’il ne fallait pas oublier l’importance de ce rythme, mais c’est tout, sinon je n’ai rien revu d’autre.

Trouvez-vous la série représentative de la génération des trentenaires d’aujourd’hui?

Elle est peut-être représentative du fait que les trentenaires sont aujourd’hui moins ancrés qu’ils ne l’étaient peut-être il y a vingt ans. Les gens changent plusieurs fois de métier, les femmes font des enfants plus tard… On prend plus de temps pour se construire, d’où un coté instable, donc parfois encore un peu immature à cet âge… Immature, donc avec une capacité de se connaître et ainsi de se réaliser qui vient plus tard, oui, je pense que la série explore bien cette réalité.

La comédienne française Camille Cottin.
La comédienne française Camille Cottin.
Keystone

En quoi votre prestation rend le personnage principal distinct de l’original?

C’est difficile de dire: «J’ai mis plus de ceci, moins de cela…» Je n’en ai aucune idée, c’est trop délicat de jouer à ce jeu-là! J’appréhendais un peu de devoir assister à la projection de «Mouche» car le personnage y est filmé sous tous les angles… Il y a parfois des moments douloureux! (sourire) Mais j’ai surtout été happée par le récit, le travail de tous les comédiens présents, l’harmonie qui se dégage, grâce au travail de Jeanne Herry: j’y ai retrouvé l’âme de la série anglaise.

Il y a un aspect très théâtral dans la série, et on y retrouve beaucoup de comédiens de théâtre…

C’est vrai que Jeanne Herry a dirigé beaucoup de théâtre, il y a des acteurs, comme Suliane Brahim ou Benjamin Lavernhe, qui viennent de la Comédie française… Je crois que Jeanne avait très envie de créer l’état d’esprit d’une troupe, après, je ne pense pas que ça a forcément été délibéré de prendre pour cela beaucoup d’acteurs venus du théâtre.

Mais je sais que Phoebe avait aussi auparavant joué au théâtre, et effectivement, il y a cette théâtralité, cette précision dans le rythme et dans le jeu, qui rappellent le travail théâtral, il y a le rôle qui joue l’aparté avec le spectateur, qui est aussi un code qui appartient au théâtre.

Il y a-t-il eu des moments marquants, soit par le plaisir pris, soit par la difficulté ressentie, sur le tournage?

Il y a eu une scène, dans l’épisode 5 avec Anne Dorval, l’actrice québécoise qui joue «Marraine», où elle raconte qu’elle a moulé des trucs sur le corps de mon père nu, et qu’on va voir ainsi son corps, son sexe, à l’exposition, tout en prenant cette voix un peu transparente… Elle m’a fait tellement rire que je n’arrivais plus à tourner. J’ai été heureuse de jouer avec tout le monde, mais particulièrement avec Anne Dorval, qui est une grande actrice et une partenaire merveilleuse de douceur et de professionnalisme.

«Je crois que je n’avais jamais autant "baisé" devant autant de gens!»

Sinon, il y a pas mal de scènes dans l’intimité: je crois que je n’avais jamais autant «baisé» devant autant de gens! (rires) Mais je suis très sensible à la démarche de Phoebe, à l’approche très franche et sans censure de la sexualité du personnage, mais sans nudité, je trouve cela très féministe, sans être pour autant dans une démarche militante. C’est très intéressant pour une actrice: il y a une crudité dans les scènes, dans les propos, mais avec une vraie élégance de mise en scène, sans qu’il y ait de peau, ni de corps mis à nu. Elle l’a dit dans une interview: les femmes sont très, très souvent dénudées à l’écran, et là c’est un peu différent.

Vous avez semble-t-il joué un rôle dans le titre français de la série?

On cherchait un titre, on ne voulait pas d’une traduction littérale de «Fleabag», soit «sac à puces». Il y avait beaucoup de choix de titres, mais qui sonnaient trop réducteur… «Fleabag», il y a quelque chose d’un peu mystérieux, c’était en fait le surnom de Phoebe quand elle était petite… Quand on voit le nom sur l’affiche, on ne sait pas trop à quoi on a affaire.

Et beaucoup de titres tentés en français, «Hors cadre», «Toxique», «Punaise»… orientaient trop le spectateur, c’était comme lui dire: voilà, c’est comme cela que tu dois comprendre les choses, c’est vers ça que ça va aller alors qu’au début de la série, on est un peu perdus avant d’être saisis par l’histoire et sa profondeur. Donc j’ai proposé «Mouche», qui était mon surnom quand j’étais plus petite, Camille, «Camouche»… Et Canal Plus a fait des essais, et a trouvé que ça collait bien et que c’était cohérent.

Vous pouvez retrouver «Mouche», de Jeanne Herry, avec Camille Cottin, Anne Dorval, Suliane Brahim, Didier Flamand, depuis le 3 juin, sur Canal Plus et My Canal. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

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