«Crimes du Futur» Cronenberg sort ses tripes sur la Croisette

ATS

24.5.2022 - 02:04

Profond ou fumeux? Le public tranchera mais David Cronenberg n'a pas failli à sa réputation de pape du gore avec la présentation à Cannes des «Crimes du Futur». Il y pousse plus loin que jamais son obsession pour le corps et ses viscères.

David Cronenberg (à droite) en compagnie de Viggo Mortensen et Kristen Stewart, qui jouent dans son dernier film "Crimes du Futur", présenté lundi soir à Cannes.
David Cronenberg (à droite) en compagnie de Viggo Mortensen et Kristen Stewart, qui jouent dans son dernier film "Crimes du Futur", présenté lundi soir à Cannes.
ATS

24.5.2022 - 02:04

Le film, dans un futur indéterminé «post-catastrophe», un monde en ruine où la douleur a été abolie, met en scène l'acteur fétiche du réalisateur, Viggo Mortensen ("A History of Violence», 2005; «Les Promesses de l'ombre»; 2007, «A Dangerous Method», 2011). Cette fois dans la peau d'un artiste performeur très particulier, Saul.

Ses créations? Des tatouages réalisés à vif sur ses organes internes, au cours d'opérations chirurgicales menées en public. Mot d'ordre: «la chirurgie, c'est le nouveau sexe».

Le scalpel est manié par Caprice, interprétée par une Léa Seydoux au visage de cire, tandis qu'un nébuleux service de police, le Bureau du Registre National des Organes, représenté par Kristen Stewart, les surveille à distance.

«Body horror»

Le propos est parfois obscur, sur l'évolution de l'humanité et le «naturellement non-naturel», ces «néo-organes» cultivés à l'intérieur des corps par des machines semblant sorties des années 1980 et ses «punchlines» déroutantes ("les braguettes ont leur propre sex-appeal"). Le film marque surtout le retour au «body horror» du réalisateur, après huit ans d'absence.

«Dans ce film, j'ai essayé de regarder ce qu'il y avait à l'intérieur du corps», résume-t-il pour l'AFP, pour sa sixième fois en compétition. «Mon intérêt n'est pas de choquer et mon but n'est pas que les gens quittent la salle, mais ça peut arriver», poursuit le réalisateur des cultes «La Mouche» ou «Vidéodrome», qui a mûri plus de vingt ans ce projet.

Dès la séquence d'ouverture, les âmes sensibles seront éprouvées: on y voit un enfant croquer dans une chaise en plastique comme dans une tablette de chocolat, avant d'être assassiné, étouffé sous un coussin, par sa mère.

«Il y a des choses que je n'aimerais pas voir, mais c'est très spécifique. La cruauté je n'aime pas, en particulier la cruauté envers les enfants (...) Je ne dirais pas que ça me choque mais je n'aime pas regarder», nuance celui qui a trois enfants et quatre petits enfants.

«Avance sur son temps»

Le parfum de souffre qui entoure le réalisateur de 79 ans n'est pas nouveau: dès ses débuts en compétition en 1996, il faisait scandale, divisant la critique mais remportant un Prix spécial du jury, avec «Crash». Ce film tout de sexe, violence et accidents de voiture a inspiré «Titane», Palme d'or 2021, de Julia Ducournau. Un autre type d'accident a eu lieu sur «Crimes du futur», avec un tournage arrêté abruptement pour budget épuisé.

Acteur magnétique rendu célèbre par le «Seigneur des Anneaux», «Captain Fantastic» ou «Green book: sur les routes du sud», Mortensen, déjà souvent filmé nu par Cronenberg, sort cette fois ses tripes, au sens propre.

«Pour certaines prises, j'étais bien content de ne pas être dans ma propre peau», confie l'acteur à l'AFP, en référence notamment aux scènes d'éviscération, tournées à Athènes par plus de 40 degrés. «Clairement, il y a des choses que l'on ne peut pas faire à votre corps en faisant ensuite une deuxième ou une troisième prise!»

«C'est une histoire bien écrite et structurée de film noir mais aussi une histoire d'amour, entre Léa Seydoux et mon personnage, une confiance sans bornes, une connexion physique très forte et une histoire de sacrifice pour le bien-être physique de l'autre», poursuit-il.

«Nous avons une amitié avec David et une confiance qui me permet de le laisser essayer des choses inhabituelles que je n'essaierais pas forcément avec d'autres sans savoir s'ils les demandent pour la valeur du plan ou pour le show», poursuit-il. Pour lui, Cronenberg est «en avance sur son temps» et ses films doivent être vus «quatre ou cinq fois de suite» pour être compris.

ATS