«Shambhala» au cinémaElle vit sur le toit du monde, a trois maris et un paradis à trouver
Valérie Passello
4.2.2025
Le long-métrage népalais «Shambhala» sort dans les salles de Suisse romande ce 5 février. On y découvre l'histoire de Pema, une femme résolument moderne dans un monde encore très empreint de tradition. L'éclairage du réalisateur Bahadur Bham, qui répond aux questions de blue News.
«Shambhala» au cinéma le 5 février: découvrez le trailer
Le film «Shambhala», réalisé par Min Bahadur Bham, sortira dans les cinémas de Suisse romande le 5 février 2025.
29.01.2025
Valérie Passello
04.02.2025, 10:00
04.02.2025, 10:06
Valérie Passello
Dans votre film, vous parlez d'une tradition qui persiste encore dans certains villages népalais: le fait qu'une femme puisse avoir plusieurs maris. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette tradition ? À quoi sert-elle ? D'où vient-elle ?
La tradition de la polyandrie a des racines historiques profondes dans les régions himalayennes, notamment au sein de certaines communautés népalaises.
blue News a vu le film pour vous
Affiche du film
Dans un village reculé de l’Himalaya népalais, considéré comme le plus haut du monde, Pema vit avec ses trois maris. Mais l’équilibre de sa vie vacille lorsque Tashi, son premier mari, disparaît sur la route commerciale de Lhassa. Parallèlement, des rumeurs surgissent: l’enfant qu'elle porte serait d'un homme étranger... Bien que la vie de Pema soit à des années-lumière de la vie en Occident, les problèmes auxquels elle est confrontée sont universels. C'est l'une des forces du film, qui a le don de renvoyer le spectateur à lui-même. La pression de la société, la quête de sens, la liberté: des thèmes qui occupent l'humanité depuis toujours. L'autre force, c'est celle des images, à couper le souffle. «Shambhala» nous emmène en voyage, au sens propre comme au figuré... avec une issue qui peut toutefois dérouter les plus cartésiens. Notrenote: 7/10
Née d'une nécessité socio-économique, elle répond à de multiples objectifs : préserver les terres et les ressources familiales, veiller à ce que les femmes disposent d'hommes pour les travaux agricoles exigeants, l'élevage des yaks et le commerce, et contrôler la croissance démographique face à des ressources agricoles limitées.
Dans «Shambhala», j'ai cherché à explorer les complexités de cette tradition, en mettant en lumière ses avantages et les défis qu'elle pose à des femmes comme Pema. À travers son histoire, je cherche à saisir les réalités nuancées de leur vie, révélant à la fois la force et les luttes inhérentes à ce mode de vie.
Au début du film, on voit que Pema épouse trois frères, dont un enfant. Pour les Occidentaux, cela peut sembler choquant...
Bien que le concept puisse être choquant pour certains, mon but est de le présenter d'une manière qui favorise la compréhension plutôt que le jugement. En décrivant de manière authentique les relations de Pema, je souhaite remettre en question les idées préconçues et encourager les spectateurs à réfléchir aux différences culturelles qui façonnent notre monde.
«Les cultures et traditions peuvent nous relier à l'échelle mondiale»
Cette exploration met en lumière la beauté des diverses cultures et traditions, révélant comment elles peuvent nous relier à l'échelle mondiale. Grâce à l'empathie et à la prise de conscience, nous pouvons combler les fossés et apprécier la richesse de l'expérience humaine.
En cherchant son premier mari à travers l'Himalaya, Pema va finir par se trouver elle-même.
Shambhala
Pema, l'héroïne du film, est une femme très libre d'esprit. Mais elle est sur le point d'être rattrapée par la société dans laquelle elle vit. Vous vouliez montrer une certaine collision entre le monde d'aujourd'hui et les traditions ancestrales ?
Oui, Pema incarne la lutte profonde entre la liberté personnelle et les attentes de la société. Son parcours illustre la tension entre modernité et tradition et montre comment des coutumes profondément enracinées peuvent façonner les choix individuels.
«Mon but n'est pas de défendre ou de dénoncer»
Ce conflit est le thème central du film, obligeant les spectateurs à réfléchir à l'équilibre délicat entre le respect des traditions et l'acceptation des défis et des changements auxquels notre monde est confronté.
À travers l'histoire de Pema, nous sommes invités à nous confronter aux complexités de l'identité et au courage qu'il faut pour forger sa propre voie au milieu des pressions de la société.
Personnellement, défendez-vous les traditions qui existent encore (et que l'on voit dans le film) ou les dénoncez-vous ?
Je crois qu'il faut présenter les traditions avec nuance. Si certaines pratiques peuvent sembler dépassées ou oppressives, elles peuvent aussi avoir une signification et un sens dans leur contexte culturel. Mon but n'est pas de défendre ou de dénoncer, mais d'encourager le dialogue.
«Certains acteurs et membres de l'équipe ont même dû être secourus par hélicoptère»
Comment s'est passé le tournage dans ces paysages austères ? Y a-t-il eu des difficultés particulières ?
Le tournage a été à la fois époustouflant et brutal. Les lieux isolés ont offert des décors époustouflants qui ont incarné l'essence du film, mais ils se sont accompagnés de défis redoutables. Les terrains difficiles et les conditions météorologiques imprévisibles ont mis à l'épreuve notre détermination. Nous avons dû faire face à des problèmes d'accessibilité redoutables, en transportant souvent du matériel sur des chemins accidentés, tandis que l'altitude élevée a fait des ravages au sein de l'équipe, entraînant de graves difficultés respiratoires.
Certains acteurs et membres de l'équipe ont même dû être secourus par hélicoptère en raison du mal de l'altitude. Pourtant, au milieu de ces épreuves, la beauté époustouflante des paysages a transformé nos luttes en une riche tapisserie de récits, faisant en sorte que chaque difficulté en vaille la peine.
Le film est long : selon vous, fallait-il ne pas précipiter les choses, afin d'accompagner la longue quête de Pema vers Shambhala ?
Tout à fait. La longueur du film est un choix délibéré, qui reflète la profondeur du voyage de Pema et le déroulement progressif de ses expériences. Se précipiter dans sa quête diminuerait la profondeur de son personnage et la complexité de sa recherche de sens.
«Cette aventure m'a permis de transformer mes troubles personnels»
Ce rythme intentionnel capture le rythme authentique et le style de vie du peuple himalayen, tout en évoquant une ambiance méditative qui résonne profondément avec la philosophie bouddhiste.
Qu'est-ce qui vous a inspiré pour faire ce film ? Et aujourd'hui, en êtes-vous fier ?
Mon inspiration pour ce film est née d'un besoin profond de libérer l'étouffement et les croyances qui me hantent depuis l'enfance - les échos d'une vie passée en tant que moine dans cette région, très présents dans mes rêves récurrents et mes systèmes de croyances. En tant qu'artiste, j'ai cherché à découvrir et à explorer les énergies féminines en réfléchissant sur le personnage féminin, Pema, de mon point de vue de cinéaste masculin.
En tant que réalisateur originaire de cette région, je suis non seulement fier de «Shambhala», mais aussi profondément satisfait d'avoir pu exprimer et libérer mes émotions et mes luttes intérieures à travers cette histoire.
En faisant appel à la langue, aux acteurs et à l'équipe de tournage locaux, j'honore la diversité des récits et la résilience des habitants de l'Himalaya népalais, en présentant leurs histoires de manière authentique. Cette aventure m'a permis de transformer mes troubles personnels en un récit qui résonne avec d'autres, favorisant une compréhension plus profonde de notre expérience humaine commune.