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Interview Evelyne Thomas: «Je ne m’imaginais pas toucher un public aussi jeune»
Samuel Bartholin/AllTheContent
6.8.2018
En charge de la présentation de «Snapped» sur Chérie 25, Evelyne Thomas revient sur son parcours dans les médias, riche en péripéties, de ses débuts comme chroniqueuse judiciaire à la renaissance de «C’est mon choix», de la cause des femmes à son amour de la Corse… Confession d’une battante qui se défie des étiquettes qu’on lui colle sur le dos.
Bluewin: Pouvez-vous décrire «Snapped: les femmes tueuses», le magazine que vous présentez sur Chérie 25?
Evelyne Thomas: «Snapped», c’est un format américain qui existe là-bas depuis 25 saisons, qui cartonne, et qui est diffusé sur la chaîne américaine Oxygen. On le diffuse depuis avril sur Chérie 25, cela traite des grandes meurtrières aux États-Unis, des femmes qui passent à l’acte contre toute attente et à la surprise de leur entourage: de bonnes mères de famille, des grand-mères tranquilles…
Cela vous rappelle-t-il votre période de chroniqueuse judiciaire?
C’était en 1984, cela ne date pas d’hier! (rires) J’avais terminé un Master de droit à la fac de Lille, et j’avais trouvé ce job de chroniqueuse judiciaire auprès des assises du Pas-de-Calais. C’est là que j’ai fait mes premières armes, mon premier travail de journaliste, en presse écrite, avec cette confrontation au crime.
«On ne se transforme pas en meurtrière du jour au lendemain.»
Avez-vous noté alors des particularités concernant les crimes commis par des femmes?
Il n’y a pas beaucoup de données sur le crime au féminin… On sait qu’un crime sur 19 est commis par des femmes, mais que, sur 100 femmes incarcérées, 16 le sont pour meurtre, contre seulement 12 pour les hommes. Donc, quand des femmes vont en prison, c’est souvent parce qu’elles ont tué: elles sont moins aux prises que les hommes avec des problèmes de délinquance, petite ou grande. On dit parfois -c’est un peu un poncif- que les femmes sont là pour donner la vie, pas pour la prendre… Les raisons pour cette transgression sont diverses: motifs crapuleux, divorces, violences conjugales, crimes passionnels…
«J’étais tétanisée, par l’horreur des faits, mais aussi par la souffrance de cette femme.»
Il y a-t-il tout de même un profil qui se détache?
En général, ce sont des femmes qui ont souffert. On ne se transforme pas en meurtrière du jour au lendemain. Elles mettent souvent longtemps à passer à l’acte, quitte à déployer des trésors d’imagination pour cacher leur acte, ou se venger. Ma première chronique judiciaire était ainsi une femme qui partageait depuis 15 ans sa vie avec un conjoint violent. Elle ne disait rien, et un soir, alors qu’il dormait, elle l’a abattu à coups de carabine. Malgré le contexte, elle s’est prise quand même 13 ans de réclusion criminelle, c’était une autre époque, il n’y avait pas encore le mouvement #Metoo… Après n’avoir rien dit, ne pas avoir osé aller voir la police, elle est finalement passée à l’acte. Je me souviens, j’étais tétanisée, par l’horreur des faits, mais aussi par la souffrance de cette femme.
«J’ai dû aussi me battre pour réussir, pour aller contre les étiquettes qu’on vous colle.»
Vous avez dernièrement beaucoup traité de la condition féminine, avec aussi une série de portraits intitulés «Être une femme», sur Chérie 25…
Oui, avec parfois des portraits de femmes résilientes, qui ont dû lutter pour s’imposer, contre la hiérarchie, contre le fameux «plafond de verre», qui réussissent avec de la «niaque». Je m’y retrouve, j’ai dû aussi me battre pour réussir, pour aller contre les étiquettes qu’on vous colle. Les choses changent petit à petit, mais il faut encore se battre pour qu’elles changent vraiment.
Pour autant, vous dites veiller à ce que les femmes ne soient pas traitées comme une catégorie à part.
Les femmes sont des hommes comme les autres! Nous avons, certes, nos spécificités. Mais il n’y a pas d’hommes ou de femmes, pas de races qui tiennent, il n’y a que des gens, bons ou mauvais, compétents ou incompétents. C’est vrai qu’il y a encore une domination masculine assez répandue, c’est aussi une question d’éducation à changer, de la part des mères comme des pères… Les garçons sont souvent encouragés à ne pas pleurer, à cacher leurs émotions, à montrer qu’ils «en ont» dans le pantalon. Je ne pense pas qu’on doit éduquer les garçons d’une façon, et les filles d’une autre. On vit à cet égard encore dans une société assez misogyne, machiste.
Vous dites avoir aussi bataillé durant votre parcours…
J’ai un parcours atypique pour une journaliste: j’ai commencé comme chroniqueuse judiciaire, puis j’ai fait une émission culturelle branchée sur France 3, j’ai présenté le journal télévisé, j’ai animé des émissions politiques, une émission sur la consommation… Mais les parcours éclectiques sont souvent mal compris en France, à la différence des États-Unis – je ne sais pas comment c’est en Suisse. On aime bien coller des étiquettes… Moi, j’ai toujours voulu mettre en œuvre ma curiosité pour différentes choses, et je suis ravie que, même en étant cataloguée comme la fille qui présentait «C’est mon choix», un talk-show à l’américaine, mon producteur se soit dit, Evelyne sait faire d’autres choses, elle a été chroniqueuse judiciaire, elle peut présenter une émission de faits divers.
Après l’arrêt en 2004 de «C’est mon choix», est-ce que cela a été difficile de retrouver une émission?
Oui, parce qu’encore une fois on vous colle des étiquettes! En plus, «C’est mon choix», il y a quinze ans, était une émission emblématique, deux Français sur trois la regardaient, c’est monté très haut: après, vous avez du mal à convaincre les gens que vous pouvez faire d’autres choses, sans chercher à vous retrouver pour autant sur le devant de la scène. Mais j’ai la chance d’être journaliste et d’avoir réussi, comme un petit poisson, à nager entre ces eaux-là. Je suis très heureuse sur Chérie 25, j’ai été une des premières à partir sur une chaîne de la TNT, d’abord sur RTL 9, alors qu’on me disait: «Mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas?» C’était pareil quand j’ai débuté à la télévision sur France 3 Lille. Là-dessus, encore une fois, les Américains fonctionnent différemment: ils ont je ne sais pas combien de chaînes, les télévisions locales sont hyper-puissantes, un animateur de journal local, à Los Angeles, est une immense star… En France, on n’en est pas là.
«Ce serait dommage d’abandonner une marque qui fonctionne, avec un retour auquel au départ personne ne croyait…»
Est-ce que «C’est mon choix», relancé en 2015 sur Chérie 25, va se poursuivre? Vous avez des infos à ce sujet?
Non, je n’en ai pas, mais je l’espère. On est pour l’instant en période de rediffusion, avec des émissions qui attirent 150’000 spectateurs, alors qu’elles sont déjà pourtant passées deux ou trois fois, donc c’est bien! Ce serait dommage d’abandonner une marque qui fonctionne, avec un retour auquel au départ personne ne croyait… Maintenant, comme je le disais, je ne suis pas que la présentatrice de «C’est mon choix», je présente en ce moment «Snapped», la vie ne s’arrêterait donc pas pour autant. Mais, en terme de stratégie télévisuelle, j’espère qu’il y aura de nouveau des inédits.
Surtout que vous avez réussi à toucher un nouveau public, les «Millenials»…
Je ne vous le fais pas dire! Il y a des gamins de 8 ans, de 15 ans, qui viennent me voir, c’est assez incroyable: dans mes rêves les plus fous, je ne m’imaginais pas toucher un public aussi jeune après l’avoir déjà touché 15 ans auparavant. Il n’y a pas beaucoup d’animateurs qui l’ont fait, c’est quelque chose dont je suis assez fière! Alors on verra bien: pour l’instant, il y a des rediff’ de «C’est mon choix», il y a «Snapped» qui marche bien, et sinon on travaillera avec la chaîne à un nouveau concept, je suis ouverte à plein d’autres choses!
«C’est embêtant parce qu’on va penser que je suis une éternelle célibataire qui ne trouve pas de mec...»
Sur un plan plus personnel, vous élevez seule votre fille de 16 ans, Lola. Vous avez déclaré n’avoir pas pour l’heure retrouvé quelqu’un dans votre vie…
Ah non! Ça, c’est ce qu’on raconte, c’est embêtant parce qu’on va penser que je suis une éternelle célibataire qui ne trouve pas de mec, ce n’est pas ça (rires). J’ai eu des hommes dans ma vie, j’en ai, et j’en aurai: de toute manière, je ne pense pas qu’un amour dure toute une vie. Les chiffres ne me démentent pas, un couple sur trois divorce… Si je devais avoir un compagnon à nouveau, je n’en parlerai pas forcément dans les journaux! Parfois je suis célibataire, parfois pas: je ne le cache pas pour autant, on a même fait une émission sur ce thème, c’était assez rigolo. Ce que je voulais dire, c’est qu’en élevant ma fille, nous formons une famille monoparentale, comme c’est le cas de beaucoup de femmes aujourd’hui. On est des mamans, et on est aussi des femmes: on a plein de dossiers à gérer.
«Je pense que ce sont les Corses qui m’ont adoptée!»
Comme cadre de vie, vous avez choisi la Corse. Comment en êtes-vous venue à adopter cette région?
Je pense que ce sont les Corses qui m’ont adoptée! Ça fait très longtemps que je viens en Corse, je m’y suis fait des amis. Petit à petit, j’ai appris à connaître le peuple corse, à en respecter les traditions, les spécificités… La Corse, c’est la Corse! Petit à petit, on grignote, et maintenant, j’habite ici, et je suis ravie! Je suis loin de la capitale, et de ses tourbillons politico-médiatiques… que je ne citerai pas! (rires)
«Snapped: les femmes tueuses», le mardi à 20h55 sur Chérie 25. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.
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