Cinéma «Je suis noires», un doc pour déconstruire le racisme en Suisse

zm, ats

23.3.2023 - 10:07

Elles souffrent de discrimination raciale dans leur propre pays. Dans le documentaire «Je suis noires» de Rachel M'Bon et Juliana Fanjul, des Suissesses noires s'expriment sur leurs expériences du racisme structurel et leurs conflits avec leur propre identité.

En collaboration avec la réalisatrice Juliana Fanjul, la journaliste et cinéaste romande Rachel M'Bon a réalisé un documentaire sur les expériences de femmes noires suisses.
En collaboration avec la réalisatrice Juliana Fanjul, la journaliste et cinéaste romande Rachel M'Bon a réalisé un documentaire sur les expériences de femmes noires suisses.
KEYSTONE

23.3.2023 - 10:07

Il y a la colère contre ses propres cheveux, la blessure profonde après avoir été jugée une fois de plus comme une criminelle par la police ou le souvenir douloureux du rêve non réalisé d'une petite fille noire qui voulait se réveiller le lendemain matin avec la peau blanche.

En collaboration avec la réalisatrice Juliana Fanjul, la journaliste et cinéaste romande Rachel M'Bon a réalisé un documentaire sur les expériences de femmes noires suisses. Des femmes qui sont psychologue, juriste, banquière, étudiante ou écrivaine.

Elles vivent ici depuis des années, sont bien formées et disposent d'un excellent réseau – et «si on ne faisait que les entendre parler, les spectateurs ne pourraient en aucun cas les distinguer des autres Suissesses», a relevé Rachel M'Bon dans un entretien avec Keystone-ATS.

Même passeport, grandes différences

Ce que racontent les protagonistes reflète la propre histoire de Rachel M'Bon. Fille d'une mère blanche et d'un père noir, elle a passé toute sa vie en Suisse. Mais «je suis différente, chaque jour», dit la journaliste helvético-congolaise.

Enfant, cette différence due à la couleur de sa peau l'a tellement désespérée qu'elle a fui son père après l'école. «Je ne voulais pas appartenir à cette personne noire», dit-elle dans la bande-annonce du film. Ce n'est qu'une des nombreuses scènes qui font monter les larmes aux yeux.

«Je suis noires» donne d'innombrables exemples des obstacles, des préjugés et des blessures profondes auxquels sont confrontées les femmes noires en Suisse. On a dit à l'une des protagonistes, lorsqu'elle était enfant, qu'elle avait «une couleur de peau comme du caca» et à une autre femme dans le bus «Retourne dans ton pays». Et toutes les personnes interrogées parlent avec leurs propres mots d'une vie d'outsider. «On est toujours la licorne noire», résume la réalisatrice.

Alors que des communautés se forment souvent parmi les migrants, on est souvent «la seule Noire» quand on est une fille noire née et élevée ici, explique Rachel M'Bon. Même elle, qui a des amitiés de longue date et qui ne vit pas à l'écart grâce à son travail, se sent souvent très seule.

Malgré tous les privilèges que l'on connaît en vivant en Suisse, il a été difficile pour elle de grandir ici. A cela s'ajoute la difficulté de décrire sa propre situation de manière compréhensible à des personnes qui ne sont pas concernées. Expliquer qu'une Suissesse avec une autre couleur de peau ne vit pas tout à fait dans le même contexte que les autres.

Nominé pour le Quartz

Mais il n'est jamais question de culpabilité dans «Je suis noires». Rachel M'Bon souligne qu'elle n'a pas voulu présenter les femmes comme des victimes, ni faire porter l'entière responsabilité aux Blancs. Son intention était plutôt de prendre les gens par la main et de leur faire entrevoir un peu de la réalité des femmes noires en Suisse, qui connaît, selon elle, aussi «un problème de racisme structurel, que nous ne pourrons combattre qu'ensemble».

«Je suis noires» a déjà été diffusé en Suisse romande et au Tessin et actuellement en Suisse alémanique. Les réactions ont été très positives, selon Rachel M'Bon. De plus, le documentaire est nominé dans la catégorie «Meilleur court métrage» pour le prix du cinéma suisse, dont on connaîtra les vainqueurs vendredi soir.

«Pour les personnes noires, ce film peut apporter la guérison, car elles voient qu'elles ne sont pas seules dans leur situation», déclare la réalisatrice. D'autres quittent la salle de cinéma, dans le meilleur des cas, avec un regard nouveau et plus aiguisé sur la discrimination au quotidien.

Le film est actuellement visible sur le site de la RTS sous la section Documentaires: https://www.rts.ch/play/tv/sur-les-docs/video/je-suis-noires?urn=urn:rts:video:13824189. Il est aussi sur les écrans du Grütli à Genève et de Filmpodium à Zurich cette semaine dans le cadre du Prix du cinéma suisse.

zm, ats