Interview Lorànt Deutsch: «Si ce Monsieur pouvait nous donner la marque de la lime, on serait bien informés!»

Caroline Libbrecht/AllTheContent

4.2.2019

Son travail foisonnant sur l'histoire ne laisse pas indifférent: génial pour les uns, bourré d'approximations pour d'autres... Lorànt Deutsch répond à ses détracteurs, avec force et conviction. Il raconte quel est le véritable moteur de sa vie: la passion

Bluewin: sur quoi travaillez-vous en ce moment?

Lorànt Deutsch: mon grand projet actuellement, c’est d’adapter pour la scène mon dernier livre «Romanesque». Je pars en Asie pour le créer, fin mars. C’est ce qui m’occupe essentiellement et cela me prend beaucoup de temps!

Vous qui êtes touche-à-tout, vous sentez-vous aujourd’hui davantage acteur, auteur… ou historien?

Historien, non! Attention, il faut être prudent: si vous dites que je suis historien, je vais encore avoir des soucis! Je suis avant tout un passionné d’histoire. Mon métier, que ce soit à travers mes rôles ou à travers mes livres, c’est de raconter des histoires. Aussi bien des petites histoires que la grande Histoire. Mon seul but est de divertir, de captiver et de renseigner les gens sur leur réalité, car l’histoire offre les racines de notre présent.

«Si vous dites que je suis historien, je vais encore avoir des soucis!»

En 2009, votre livre «Métronome» (Ed. Michel Lafon) a pris tout le monde de court. Tiré à 8000 exemplaires initialement, il a finalement été vendu à 2 millions d’exemplaires. Comment avez-vous vécu ce succès retentissant?

J’ai été émerveillé de voir que je pouvais avoir autant de complices! On écrit pour les autres. Ecrire, c’est une transmission, un partage. Savoir qu’autant de gens me suivent est un plaisir dont je ne me lasse pas. Ma passion, ma stratégie, c’est de m’intéresser à mon environnement immédiat: je questionne l’origine des noms des rues, des villes… Derrière ces noms, il y a des histoires. Raconter aux gens ces histoires sur leur environnement immédiat, ça les intéresse car ça les concerne! L’histoire, c’est notre ADN, nous en sommes les héritiers. S’intéresser à l’histoire, c’est s’intéresser à nous-mêmes.

Comment êtes-vous devenu comédien?

Je suis devenu comédien par accident, par combine. Ma soeur m’a inscrit à un cours de théâtre, à Paris. Je faisais des tournages pendant les vacances scolaires et cela remplissait le frigo. A 15 ans, je suis parti de chez moi, cela m’a permis d’être indépendant. J’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes, notamment Djamel Bensalah qui a réalisé la comédie «Le Ciel, les Oiseaux et… ta mère!», en 1999. Il m’a poussé à arrêter mes études et à le suivre. C’était le début de mon aventure au cinéma.

Vos sorties de livres s’accompagnent d’un certain nombre de critiques. Comment l’expliquez-vous?

Les détracteurs sont arrivés avec le succès, quand j’ai commencé à être la personnalité invitée sur les plateaux pour parler d’histoire. Donc je peux comprendre que cela déplaise à des historiens, des universitaires… Au début, j’ai tenté de me justifier. Très vite, j’ai compris que ce qui compte, ce n’est pas ce qu’on me reproche, mais qui me le reproche. Je me suis rendu compte que cela ne sert à rien de rentrer dans la polémique et de répondre aux critiques, sauf quand elles sont constructives. La vérité historique ne se construit pas dans le combat, mais dans le débat, dans un faisceau d’éclairages sans cesse renouvelé. Je propose mon propre éclairage, libre à chacun de me suivre ou pas. Je ne suis pas dans le militantisme politique. Avoir le dernier mot ne m’intéresse pas.

«Je ne suis pas dans le militantisme politique. Avoir le dernier mot ne m’intéresse pas.»

On vous reproche parfois une vision pro-royaliste des faits historiques. Que répondez-vous à cela?

J’ai envie de répondre «Prouvez-le!». Je n’oriente pas le propos, je ne suis pas dans le prosélytisme. Je ne suis pas encarté, je ne suis pas militant. Je suis un démocrate viscéralement attaché au fait que le peuple doit être souverain. Je constate que les pays où s’exerce le mieux la démocratie sont les monarchies du Nord (Suède, Danemark, Norvège, Pays-Bas…). Donc pourquoi pas une monarchie parlementaire, si cela peut permettre de faire progresser la démocratie? La République n’est pas forcément le gage d’une démocratie parfaite.

Vous venez d’inventer une série diffusée sur internet, «A toute berzingue». Comment l’idée est-elle née?

Sur les réseaux sociaux, j’ai été victime de faux comptes, d’usurpations d’identité, de comptes farfelus où on disait tout et n’importe quoi en mon nom. Donc après avoir délaissé les réseaux sociaux, je me suis dit qu’il fallait que j’y sois. Je cherchais une idée qui me permette d’être présent de façon ludique et rapide… Je ne voulais pas étaler ma vie intime sur les réseaux sociaux; je suis suffisamment médiatique pour tenter de protéger ce qui peut encore l’être, à savoir ma vie privée. Ce qui m’intéresse, c’est de raconter l’histoire d’une ville, en courant, à fond la caisse, à la Benny Hill. D’où le nom «A toute berzingue», où je tente d’apprendre des choses aux gens, en cinq minutes chrono.

L’épisode consacré à Genève a été la cible de critiques concernant des approximations. Que répondez-vous au journal «Le Matin» qui vous épingle?

J’ai lu l’article en question. Le journaliste a consulté un historien qui a relevé des imprécisions. En cinq minutes, je ne peux pas tout dire, je ne peux pas entrer dans le détail. L’historien me reproche d’avoir dit que Jules César était empereur. Dans les faits, il était imperator. On joue sur les mots. Tout comme pour le château de l’Île. Moi, je veux rappeler l’impact du fleuve sur la ville, je parle du château du Rhône, ce qui revient à la même chose. L’article me reproche de dire que Sissi a été tuée d’un coup de couteau, alors qu’elle a été tuée d’un coup de lime à métaux. Là encore, on joue sur les mots… Si ce Monsieur pouvait nous donner la marque de la lime, on serait bien informés! (rires)

Parlez-nous de votre dernier livre «Romanesque»…

C’est une histoire de la langue française, de ses origines à nos jours. D’où vient cette langue? Que raconte-t-elle? Cela nous questionne sur notre identité, cela raconte nos usages, nos rencontres, nos voyages, nos métissages… Mon travail n’est qu’une porte d’entrée pour s’intéresser à l’histoire et inviter au débat. Un débat qui doit être passionné, passionnant, contradictoire si on le veut, mais jamais violent. Soyons curieux, enthousiastes, positifs et ouverts!

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En librairie:
2018: «Romanesque, la folle histoire de la langue française», Ed. Michel Lafon
2016: «Métronome 2. Paris intime au fil de ses rues», Ed. Michel Lafon
2013: «Hexagone», Ed. Michel Lafon
2009: «Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien», avec Emmanuel Haymann, Ed. Michel Lafon

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