Arts, culture, et spectacles Soleure: coup de chapeau au cinéma d'animation

bu, ats

17.1.2024 - 10:00

Soleure donne un coup de chapeau au film d'animation. Trois pionniers romands, Claude Luyet, Georges Schwizgebel et Daniel Suter, auront droit à leur première rétrospective. Les fondateurs du studio genevois GDS feront le déplacement au bord de l'Aar.

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«C'est impossible de s'intéresser au film suisse d'animation sans connaître les trois cinéastes du studio GDS de Carouge», a dit à Keystone-ATS Christian Gasser, journaliste, curateur et enseignant en cinéma d'animation à la haute école de Lucerne. «En particulier Georges Schwizgebel, le grand maître du cinéma suisse d'animation.»

«Il est là depuis les débuts. Il l'a marqué par sa personnalité et son travail. De sa génération, c'est le seul qui a réussi à mener une carrière dans le film d'animation et de créer une oeuvre assez considérable, aussi en comparaison internationale, avec près de 25 films et courts-métrages.»

Peintures en mouvement et sans parole

Les peintures en mouvement et sans parole de Schwizgebel ont été primées dans les festivals du monde entier. En Suisse, il a reçu le prix d'honneur du cinéma suisse en 2018.

C'est en 1971 que les trois graphistes, qui s'étaient connus dans une agence de publicité, fondent le studio GDS à Carouge, à côté de Genève. Georges Schwizgebel et Daniel Suter ont décroché leur diplôme à l'Ecole des Arts Décoratifs, et Claude Luyet vient de terminer sa formation de graphiste.

Depuis la fondation de leur atelier, le studio GDS, les trois acolytes ont peint et animé plus de 40 courts métrages d'animation.

La «Rencontre» aux journées de Soleure, qui commencent le 17 janvier pour une semaine, présente l'intégrale de l'œuvre cinématographique du studio GDS. Elle comprend 42 courts métrages, animés et réalisés au moyen de diverses techniques.

«Certains films ont dû être restaurés», a expliqué Claude Luyet à Keystone-ATS dans le studio GDS à Carouge. Il l'a fait lui-même ou en payant de sa poche. Quelques films de Daniel Suter, en plus mauvais état, ont été numérisés par la Cinémathèque suisse.

Si Claude Luyet écrit un scénario, Georges Schwizgebel part souvent d'un morceau de musique. Il exploite aussi les mythes et les contes (Faust, Frankenstein, Icare, Cendrillon) et met en scène ou interprète un grand nombre d'oeuvres picturales (Bonnard, Chirico, Vermeer, Escher, Hopper, etc).

«C'est presque un échec de faire un cut»

Georges Schwizgebel privilégie le plan-séquence: «c'est presque un échec de faire un cut. J'aimerais arriver à enchaîner les plans dans un film avec la même aisance et la même logique que l'on trouve dans les rêves», explique-t-il, cité dans un livre de Patrick Barrès.

Daniel Suter se distingue par son style épuré, souvent proche de la bande dessinée. Le «punk» de l'équipe, c'est Claude Luyet, dont un sujet récurrent sont les prétendus gagnants et perdants de notre société, un millionnaire du loto ou un détective privé.

Si les trois hommes ont longtemps partagé ce local de travail, leur production est individuelle. Autodidactes, les trois hommes ont toutefois collaboré sur un de leurs premiers films «Patchwork» (1971). «Il va passer à Soleure, mais on aurait bien aimé qu'il soit oublié», ont dit Claude Luyet et Daniel Suter. Ils le trouvent trop typé 68.

Contrairement à Schwizgebel qui a tracé son chemin en développant un style – la peinture, la musique, la géométrie – et «qui ne cesse de s'améliorer au fil du temps», Luyet est allé de film en film sans penser en termes de carrière, un prix appelant à la réalisation du film suivant.

Luyet s'appuie sur un scénario qu'il invente et a varié les styles: expérimental dans «Rush» avec l'artiste contemporain Xavier Robel ou BD noire dans «Robert Creep». Ce dernier film de 26 minutes, une co-production avec Arte notamment, a été réalisé entre autres avec le dessinateur alémanique de BD, Thomas Ott, son premier stagiaire.

Son film préféré: «Ricochet»

Son film préféré est «Ricochet», le premier qu'il a réalisé. «Il a été fait dans une totale liberté et naïveté surtout. C'est grâce à lui que je suis encore là à faire des films: cela a décidé de tout», a-t-il expliqué.

Il se qualifie d'artisan, raison pour laquelle le prix dont il est le plus fier, c'est justement celui des artisans des communes genevoises, reçu en 2022. «Cette qualification, c'est ce qui me correspond le mieux», a-t-il relevé.

Dès le début de leur production, leurs films sont passés à Soleure. «Le Macaque» de Daniel Suter a même été projeté en 1972 sur la Piazza Grande à Locarno, raconte-t-il.

Avant que de nouveaux festivals uniquement consacrés au cinéma d'animation ne fassent leur apparition, comme Fantoche à Baden (AG) en 1995 ou Animatou, plus modeste, à Genève, en 2006.

Daniel Suter dessine, mais ne fait plus de film: il exposera d'ailleurs à Soleure. Claude Luyet, dont le dernier film est sorti en 22 «Lucky man», travaille à son dernier film, affirme-t-il.