Festival de Locarno Stefan Jäger: «L'esprit du Monte Verità nous a porté»

zm, ats

8.8.2021 - 11:46

Avec «Monte Verità – L'ivresse de la liberté», le réalisateur alémanique Stefan Jäger a exaucé un vœu: réaliser un film sur l'ancienne colonie d'artistes et de marginaux, rassemblés sur ce mont dont il a ressenti l'énergie pour la première fois il y a plus de trente ans. Samedi soir, le long métrage a été présenté en première mondiale sur la Piazza Grande au festival de Locarno.

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Le réalisateur Stefan Jaeger de Suisse du Film, Monte Verita, posant lors d'un photocall au 74e Festival international du film de Locarno à Locarno, Suisse, le samedi 7 août 2021.
Le réalisateur Stefan Jaeger de Suisse du Film, Monte Verita, posant lors d'un photocall au 74e Festival international du film de Locarno à Locarno, Suisse, le samedi 7 août 2021.
KEYSTONE

Stefan Jäger, alors professeur stagiaire, s'est rendu pour la première fois au Monte Verità en 1989. «L'endroit dégage une atmosphère merveilleuse qui m'a immédiatement touché», déclare cet homme de 51 ans dans une interview accordée à Keystone-ATS. Il rayonne sur place encore aujourd'hui cette atmosphère que les personnes, qui ont rendu la colline tessinoise célèbre dans le monde entier, ont dû ressentir: un lien fort avec la nature et le sentiment d'une liberté sans limites.

Entre-temps, le Lucernois, devenu réalisateur, a tourné des longs métrages ("Der grosse Sommer"), des documentaires pour la télévision alémanique et travaillé comme producteur ("Blue My Mind"). Il enseigne également la mise en scène, l'écriture de scénarios et la dramaturgie. Et l'envie de tourner un film sur Monte Verità n'a jamais disparu.

Il s'est finalement lancé dans ce projet avec la scénariste Kornelija Naraks, d'abord intitulé «Monte Libertà». Ce film a longtemps porté ce titre, car la liberté en est le thème central.

Le scénario n'a jamais prévu un documentaire historique: il raconte l'histoire d'une jeune femme qui, au début du XXe siècle, était prise en tenaille entre ses devoirs stricts d'épouse et de mère et une vie libre d'artiste.

Ce funambulisme entre les deux rôles sociaux, mais aussi celui entre film historique et fiction, a convaincu Stefan Jäger. Cela a influencé la narration: «Une personne qui ne connaît pas l'histoire du Monte Verità peut comprendre le film sans que celui-ci ne soit trop didactique».

Frontières floues entre fiction et réalité

Les frontières entre la fiction et la réalité sont finalement moins faciles à discerner qu'on pourrait le croire à première vue. La protagoniste Hannah Leitner (Maresi Riegner) est une invention tandis que les personnages comme l'écrivain Hermann Hesse (Joel Basman), le psychanalyste Otto Gross (Max Hubacher) ou l'écrivaine et musicienne Ida Hofmann (Julia Jentsch) sont réels.

La maison dans laquelle vivaient les écrivains et les artistes de l'époque a été minutieusement reconstruite à l'aide des plans originaux, car l'édifice actuel sur le Monte Verità n'a plus le même aspect que celui de 1906.

Et c'est en parlant avec Stefan Jäger que l'on comprend que très peu des photos montrées dans le film – un élément visuel central – sont réelles. Le réalisateur a d'abord envisagé que les photos soient prises avec un véritable appareil de l'époque. Il a finalement réussi à obtenir de la société Alpa de Zurich une caméra spécialement conçue pour ce film.

Cet appareil peut non seulement imiter les photos prises avec un Hasselblad suédois, mais aussi filmer le processus de prise de vue. «Cela nous a permis de rendre visible le processus de la photographie», explique le réalisateur. «Et seul un professionnel peut voir où nous avons pris quelles libertés.»

Le chant des grillons

Selon Stefan Jäger, l'une des principales raisons pour lesquelles les spectateurs devraient voir «Monte Verità» au cinéma et non sur un écran à la maison, est le son, en plus d'une conception visuelle élaborée.

«Nous avons passé une quantité incroyable de temps sur la conception sonore, ne serait-ce que pour rendre audible chaque espèce de grillon.» Le delta de la rivière la Maggia au Tessin est l'une des zones où l'on trouve le plus d'espèces de grillons au monde, ajoute-t-il.

Et malgré le «bruit incessant des hélicoptères» que l'on pouvait entendre pendant les jours de tournage en raison d'une tempête survenue les jours précédents, les techniciens ont réussi à capturer le son du vent d'une manière très fine, a-t-il poursuivi.

Cette production a coûté plus de sept millions de francs. Le budget a augmenté avec des mesures liées à la pandémie et des suspicions de contamination ont allongé les temps de tournage. Deux tempêtes ont également traversé le Tessin quand les équipes travaillaient sur place.

Mais l'objectif de pouvoir montrer le film au Festival du film de Locarno sur la Piazza Grande samedi soir a été tenu. Pour Stefan Jäger, c'est clair : «L'esprit de Monte Verità nous a portés». Le film sort en salles en Suisse romande le 25 août.