Faits divers Trente ans après, une grotte bretonne continue de recracher des téléphones Garfield

AFP

5.4.2019 - 14:05

Coincé dans une fissure à l'entrée d'une impressionnante faille de la pointe du Finistère, un combiné orange à l'effigie du chat Garfield détonne au milieu des tons mauves de la roche. Le gros matou n'a pas fière allure après des années passées dans la mer.

Depuis plus de trente ans, des téléphones en plastique à l'effigie du célèbre félin de bande dessinée s'échouent le long du littoral de l'ouest de la France, sans que personne ne puisse expliquer leur origine. Le mystère vient tout juste d'être levé avec la découverte des restes d'un conteneur coincés au fond d'une grotte. Une vingtaine de combinés complets, électronique et câbles compris, y ont déjà été retrouvés. Située au pied de l'imposante falaise bordant la petite plage de Porsmoguer, sur la commune de Plouarzel, la faille n'est accessible que lors des grandes marées.

«Il faut venir à marée basse et essayer d'éviter les vagues», explique l'un des bénévoles de l'association Ar Viltansoù qui oeuvre à la propreté des plages des environs et est à l'origine de la découverte de la grotte. Le bas des jambes trempé, l'homme de 59 ans avance prudemment entre les amas de roche, une longue tige métallique, recourbée à l'une de ses extrémités, à la main.

«Ici, on a un bout de Garfield», dit-il soudain en montrant un morceau de plastique orange, en partie incrusté de coquillages, coincé entre deux énormes rochers. Après plusieurs tentatives pour le déloger en faisant levier avec sa tige, il se résout à l'évidence. «Il est bien coincé, le rocher le bloque, on ne pourra pas l'avoir celui-là», admet-il.

Non loin, également coincés sous un rocher, les restes, polis par la mer, de l'ossature d'un conteneur, eux aussi impossibles à déloger à mains nues.

- morceaux de conteneur -

Accompagnée par un phoque solitaire pêchant sans se soucier du plastique vraisemblablement avalé par ses proies, la lente progression entre les rochers granitiques sombrant dans la mer, s'achève après une bonne demi-heure: la «faille aux chats», une large ouverture jonchée de rochers verdis par les algues, apparaît au pied de la falaise.

Immédiatement à droite, un combiné orange coincé au plafond suintant de la voûte interpelle. Le chat créé par l'Américain Jim Davis en 1978 a laissé sa patte à l'entrée de celle qui est désormais considérée comme «sa» grotte.

En s'enfonçant dans l'antre de la cavité, les indices de l'échouage du conteneur au début des années 1980 augmentent. Ici, un combiné avec son couvercle, là un cordon téléphonique ou une plaque en fer rouillée.

«Là, on est tout au fond de la faille, on est à peu près à une trentaine de mètres de l'entrée», explique Claire Simonin, présidente de l'association Ar Viltansoù. Entre les deux parois, pas plus d'un mètre de largeur. «On a des morceaux du conteneur qui sont mélangés à une haussière, un très, très gros bout qui sert à amarrer les bateaux, et on voit quelques fils de téléphones Garfield qui sont mélangés dans cet amas de roches, de métal et de bouts», décrit-elle, tout en enfilant des gants pour tenter de récupérer des vestiges de celui qui avait pour habitude d'ouvrir ses grands yeux paresseux lorsqu'on décrochait son combiné.

Plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites annuellement dans le monde, et il y a au moins cinq mille milliards de morceaux de plastique qui flottent dans nos océans, selon des estimations scientifiques. Les pires scenarii prévoient qu'il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans d'ici 2050.

Là-même où se rencontrent l'Atlantique et la Manche, face à la pointe de Corsen, point le plus à l'ouest de l'Hexagone, le petit phoque gris aux grands yeux noirs --une espèce protégée en France-- continue sa chasse dans l'écume des vagues, uniquement jalousé par quelques mouettes ignares.

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