Uber a creusé ses pertes à cause du «Grand confinement» mais l'attention portée à la livraison de repas et d'autres produits semble avoir rassuré les investisseurs sur sa capacité à atteindre, enfin, la rentabilité – même si ce sera plus tard que prévu.
Le leader mondial de la réservation de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) a perdu 2,9 milliards de dollars au premier trimestre, soit quasiment le triple d'il y a un an, à cause de la crise liée au Covid-19 mais aussi de charges fiscales exceptionnelles.
Le coeur de métier d'Uber, les trajets en VTC, a été «durement frappé par la pandémie», a reconnu le patron, Dara Khosrowshahi, dans un communiqué de résultats paru jeudi.
Mais «nous sommes encouragés par l'augmentation récente des livraisons de nourriture et par les premiers signes de réouverture de certains marchés», a-t-il continué.
Uber Eats, le service de livraisons de repas à domicile, profite des mesures de distanciation sociale, avec un chiffre d'affaires en hausse de 53% à 819 millions, une portion encore maigre des 3,5 milliards de recettes accumulées en tout.
Les réservations brutes de trajets (essentiellement les recettes avant déductions des taxes, péages ou diverses rémunérations des chauffeurs) ont diminué de 5% en un an à 10,9 milliards de dollars, tandis que celles d'Uber Eats bondissaient de 52%.
Vaches maigres
Alors que la société basée à San Francisco prévoyait d'atteindre la rentabilité tant attendue au dernier trimestre 2020, elle a indiqué jeudi que cet objectif serait retardé de plusieurs trimestres, en 2021 – pas de plusieurs années.
Le titre du groupe entré en Bourse il y a un an gagnait plus de 6% lors des échanges électroniques après la clôture de Wall Street.
Uber a annoncé mercredi la suppression de 3.700 emplois parmi les équipes chargées du recrutement et du renseignement des usagers pour réduire les coûts face à la grave crise provoquée par le nouveau coronavirus.
Ces suppressions d'emplois représentent environ 14% du nombre total d'employés que comptait l'entreprise de réservation de voitures avec chauffeurs à la fin de l'année.
Alors que les perspectives de déconfinement se précisent, Dara Khosrowshahi estime qu'Uber aura un rôle essentiel à jouer, sachant que de nombreuses personnes seront réticentes à utiliser les transports en commun.
«Les trajets du domicile au travail seront moteurs de la reprise de la mobilité», a-t-il indiqué aux analystes lors d'une conférence téléphonique.
Le groupe note que 80% des réservations brutes viennent de trajets depuis un foyer. Mais 15% viennent des aéroports, une activité qui ne va pas redémarrer avant longtemps.
Signe d'espoir pour le groupe, le niveau de réservations brutes à Hong Kong est désormais à 70% de celui d'avant le nouveau coronavirus.
Vaches sacrées
Pour parvenir à dégager des profits, Uber s'est aussi engagé, avant la pandémie, dans la recherche d'optimisations, en sortant des marchés où il n'était pas en première ou deuxième position.
«Uber (et son concurrent américain) Lyft font face à des tâches herculéennes. La nouvelle réalité va changer en profondeur leur modèle économique», remarque l'analyste Daniel Ives, de Wedbush Securities.
Jeudi Uber a présenté un accord avec la start-up californienne Lime, qui va acquérir le service de vélos et de trottinettes en libre service Jump d'Uber.
«Le monde a changé et nous ne savons pas quand la reprise aura lieu (...), mais nous continuons de renforcer notre activité de trajets et d'examiner toute la plateforme dans les détails. Il n'y a pas de vaches sacrées», a déclaré Dara Khosrowshahi.
La plateforme a déjà commencé à livrer des courses depuis le début de la pandémie et a en plus lancé «Uber Direct» pour livrer des colis, et «Uber Connect», qui permet à des particuliers d'envoyer des objets personnels à de la famille ou des amis.
Interrogé sur le potentiel d'Uber Eats, le PDG a noté que ce marché était soudain devenu «beaucoup plus gros» et «qu'il y avait de la place pour d'autres acteurs».
Il n'envisage pas d'acquisition: «Nous n'allons pas acheter notre part de marché, nous allons la mériter».
Il s'est félicité que de nombreux chauffeurs, en partie désoeuvrés par la crise, aient rejoint la plateforme Uber Eats pour diversifier leurs revenus.
Mais les mois à venir ne seront pas évidents, d'autant qu'Uber est engagé dans un bras de fer juridique avec la Californie, qui l'a assigné en justice mardi pour ne pas avoir donné à ses conducteurs dits «indépendants» le statut de salariés, comme la loi de cet Etat américain le prévoit depuis le début de l'année.
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