Conséquences du conflit Impact à retardement des prix du gaz sur les foyers romands

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9.3.2022 - 10:13

L'augmentation des prix du gaz naturel devrait avoir de forts retentissements sur les factures d'énergie en Suisse romande. Reste à savoir quand. Dans un marché des matières premières déjà très tendu, le conflit russo-ukrainien pourrait avoir des conséquences à retardement.

Les prix du gaz fixés en amont ne bougeront pas cette année. Il faudra cependant composer avec l'inflation.
Les prix du gaz fixés en amont ne bougeront pas cette année. Il faudra cependant composer avec l'inflation.
AFP via Getty Images

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Le monde fait face à une embardée générale des matières premières. Le gaz européen a frôlé lundi sans peine le chiffre record de 345 euros le mégawattheure, avant de retomber mercredi matin à 191 euros. La Russie est l'un des premiers fournisseurs de gaz naturel dans le monde et l'invasion de l'Ukraine est la principale cause de cette brusque poussée des prix. Le pays couvrait ces dernières années environ 25% de l'approvisionnement total de gaz en Suisse romande.

Pourtant, les factures ne s'envoleront pas d'après les professionnels du secteur, du moins pas en 2022. Les SIG (Services Industriels de Genève) ont déjà acheté une bonne partie de leur approvisionnement sur les marchés à terme pour l'hiver 2022. Un délai qui protège à court terme les consommateurs. «Toutefois, la hausse des tarifs pour les clients est inévitable, compte-tenu de la forte hausse des cours,» prévient la société.

Romande Energie fait le même constat: les prix fixés en amont ne bougeront pas cette année. Il faudra cependant composer avec l'inflation. «Les tarifs d'électricité augmenteront aussi. Et cela ne touchera pas que l'énergie», note l'entreprise morgienne.

Pour prévenir la répercussion des coûts sur les locataires, l'Association suisse des locataires (Asloca) souligne la nécessité d'un contrôle des prix et d'un droit de contestation des factures. Pour les SIG, en charge notamment de la distribution de l'eau potable, du gaz ou de l'électricité, «les économies d'énergie doivent être une priorité».

En harmonie avec l'inflation

Pour Maxime Botteron, économiste chez Credit Suisse, les dépenses des ménages pour le gaz, les carburants et le mazout augmenteront d'environ 2,5 à 3 milliards de francs cette année, soit entre 0,6% et 0,7% du revenu disponible. Une estimation en haut de la fourchette, puisqu'elle inclut une hausse des prix qui resteraient élevés toute l'année.

Le coût de l'énergie devrait évoluer en harmonie avec l'inflation générale en Suisse, qui a accéléré de 2,2% sur un an en février. «Les ménages devraient financer les dépenses supplémentaires essentiellement en diminuant leur épargne plutôt qu'en diminuant d'autres dépenses de consommation», précise M. Botteron. Se prononcer pour les semaines à venir relève de la boule de cristal dans cette situation. «C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'évolution des prix sur divers marchés, qui peuvent fluctuer avec des pourcentages à deux chiffres, en quelques heures, sans avoir d'explications fondées en dehors des événements géopolitiques», explique Holdigaz.

L'énergéticien vaudois parle de «fluctuations subies, non prévisibles et pas forcément en évolution parallèle sur les différentes places». Les prix renforcés de près de 2900% en quelques mois (10 à 300 euros/mégawattheure) démontrent «un système déréglementé, qui va chercher ses références auprès de sources différentes expliquant ces phénomènes totalement imprévisibles», précise la société veveysane.

Avec un marché erratique depuis l'annonce du conflit, le gaz risque un arrêt de flux entre l'Europe et la Russie à une période où certes, la demande pour le chauffage commence à baisser, mais où en parallèle, les réserves n'ont jamais été aussi basses. Pour Romande Energie, «l'amplitude des évolutions reflète le niveau d'inquiétude du marché.» A la question des dispositions à prendre, la production locale d'énergie renouvelable, hydraulique ou solaire doit être privilégiée, tout comme les économies d'énergie.

Les SIG ont mis en place un programme de chaleur renouvelable poussant les propriétaires à abandonner leur chaudière alimentée par du carburant fossile au profit de pompes à chaleur. En février dernier, près de 80% de la population genevoise a voté en faveur de la création de réseaux de chauffage à distance principalement alimentés par du renouvelable (eau du lac, géothermie, etc.). Le chauffage représente plus de trois quarts de la consommation de gaz à Genève.

Avec l'arrivée du printemps, la consommation de gaz va diminuer. Pour son prix par contre, rien n'est moins sûr. Alors que l'éventuel embargo sur le gaz et pétrole russe par l'Union européenne n'est pas encore officiellement annoncé, la confirmation du président américain Joe Biden, mardi, a propulsé les craintes du marché au plus haut.