Banques centralesLa BCE au chevet de l'économie européenne
ATS
12.9.2019 - 15:13
Sous pression comme rarement, la Banque centrale européenne a surmonté ses divisions pour adopter jeudi une panoplie de mesures destinées à accroître son soutien déjà important à l'économie en zone euro.
Baisse de taux, nouveaux rachats de dettes publiques et privées, système de taux dégressif et prêts géants pour soulager les banques: l'institut a dégainé en une fois le «paquet» anti-crise guetté tout l'été par les marchés financiers, qui font reposer sur les banques centrales leurs espoirs de relance conjoncturelle.
Le président italien de la BCE, Mario Draghi, évacue ainsi les grandes décisions attendues avant de passer la main fin octobre à la Française Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international, après huit ans d'un mandat scandé par les crises.
«C'est le cadeau d'adieu de Mario Draghi aux marchés», résume Uwe Burkert, chef économiste de la banque LBBW, même s'il y lit aussi le signe inquiétant que la BCE «voit la récession poindre en zone euro».
Dans le détail, l'institut basé à Francfort a abaissé pour la première fois depuis mars 2016 son taux «de dépôt», porté de -0,40% à -0,50%, une mesure destinée à inciter les banques à prêter aux entreprises et aux ménages, plutôt qu'à laisser dormir leurs liquidités à la Banque centrale.
Rachats de dette controversés
Autre signe de sa volonté de soutenir l'économie, la BCE a laissé ses deux autres taux directeurs inchangés, dont le principal fixé à zéro, et indiqué qu'elle n'envisageait plus de les remonter tant que l'inflation n'aura pas «solidement convergé» vers son objectif de 2%, une formule inédite.
Dissipant le principal suspense, la BCE a aussi relancé son vaste programme de rachats d'actifs, baptisé «Assouplissement quantitatif» ou «QE», par lequel elle avait acquis 2600 milliards d'obligations publiques et privées entre mars 2015 et décembre 2018 en zone euro.
Malgré l'opposition publiquement exprimée par plusieurs banquiers centraux, dont l'Allemand Jens Weidmann et le Néerlandais Klaas Knot, ces achats reprendront le 1er novembre au rythme de 20 milliards d'euros par mois et «aussi longtemps que nécessaire».
Par ailleurs et comme évoqué depuis plusieurs mois, la BCE a adopté un système de taux par paliers pour alléger la charge d'intérêt pesant pour plus de 7 milliards par an sur les banques, dont elle livrera les détails dans l'après-midi.
Enfin, l'institut a confirmé la nouvelle vague à compter du 19 septembre de prêts géants aux banques, alloués à des conditions préférentielles, pour stimuler la distribution de crédit dans l'économie.
Attention à Trump
Si ce cocktail était attendu, les réactions ont néanmoins été vives: le marché de la dette s'est nettement détendu, en particulier en Italie, et les Bourses européennes ont avancé vers leurs plus hauts annuels.
L'euro est de son côté passé sous 1,10 dollar, un effet sur les changes qui pourrait «être perçu par le président des États-Unis comme un comportement anticoncurrentiel de la BCE», avertissait avant la réunion Chiara Zangarelli, économiste à la banque Nomura.
D'ailleurs, aussitôt les mesures de la BCE connues, Donald Trump a tancé les responsables européens, qu'il a accusés dans un tweet de «nuire aux exportations américaines», «en dépréciant l'euro par rapport au dollar TRES fort». Tout en renouvelant ses critiques contre la Fed, coupable de rester «assise sans rien faire», c'est-à-dire de ne pas baisser les taux assez vite.
Toutefois, selon l'économiste, le risque est surtout de voir l'administration américaine taxer les importations d'automobiles, un dossier reporté à novembre par Washington et qui menace particulièrement les constructeurs allemands.
Face à la presse, le président de la BCE Mario Draghi devrait lever le voile à 12H30 GMT sur les dernières prévisions de croissance et d'inflation, probablement plus pessimistes que celles présentées en juin, le climat conjoncturel ne s'étant guère amélioré pendant l'été.
Il devrait souligner les multiples «risques» pesant sur la zone euro, à commencer par le conflit commercial entre Washington et Pékin, qui dissuade les entreprises d'investir et déprime depuis plus d'un an l'industrie allemande très tournée vers l'export.
Si l'incertitude politique en Italie a reflué, le Brexit reste toujours un sujet d'inquiétude, tant la perspective d'une sortie britannique de l'Union européenne sans accord se rapproche un peu plus chaque jour.
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