Produit diminué, prix augmenté La «shrinkflation» dans le viseur des associations de consommateurs

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16.10.2023 - 12:07

(Paris) – Moins de produit dans l'emballage, mais un prix qui ne baisse pas. Cette pratique s'appelle la «shrinkflation» en anglais. Si elle semble limitée en Suisse, les associations de consommateurs montent au créneau en France, où le gouvernement va l'interdire.

Outre-Jura, Foodwatch a lancé en septembre 2022 une pétition pour dénoncer cette «inflation masquée». Parmi les destinataires se trouvent notamment les patrons de grands distributeurs (Carrefour, Système U, Leclerc, Auchan, Casino), mais aussi des responsables de fournisseurs, comme le directeur général de Lindt & Sprüngli en France. (image d'illustration)
Outre-Jura, Foodwatch a lancé en septembre 2022 une pétition pour dénoncer cette «inflation masquée». Parmi les destinataires se trouvent notamment les patrons de grands distributeurs (Carrefour, Système U, Leclerc, Auchan, Casino), mais aussi des responsables de fournisseurs, comme le directeur général de Lindt & Sprüngli en France. (image d'illustration)
IMAGO/ABACAPRESS

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«Si la 'shrinkflation' a pu être marginale avant l'inflation, on a constaté une généralisation depuis le renchérissement des prix alimentaires en France. Et récemment, les cas se sont multipliés», a assuré auprès d'AWP Audrey Morice, chargée de campagnes chez Foodwatch France.

L'ONG surveille ce procédé, qui consiste à réduire une quantité de produit sans en baisser le prix voire même en l'augmentant au kilo, dans le pays voisin mais également en Allemagne ou en Autriche. Elle bataille pour davantage de transparence alors que l'inflation alimentaire a dépassé les 12% en France en août sur un an et les 21% comparé à août 2021.

Outre-Jura, Foodwatch a lancé en septembre 2022 une pétition pour dénoncer cette «inflation masquée». Parmi les destinataires se trouvent notamment les patrons de grands distributeurs (Carrefour, Système U, Leclerc, Auchan, Casino), mais aussi des responsables de fournisseurs, comme le directeur général de Lindt & Sprüngli en France. En cause, les chocolats Les Pyrénéens qui ont «subi une réduction de taille incognito», alerte l'association. Celle-ci pointe aussi le fromage à tartiner Kiri, l'eau gazeuse Salvetat aux mains de Danone ou encore le sirop de grenadine de la marque Teisseire.

Lindt & Sprüngli a été également visé par l'enseigne Carrefour elle-même pour un trio de tablettes de chocolat au lait extra fin qui «a vu son grammage baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter». Le paquet est passé à 300 grammes de 330 quand son prix au kilo a grimpé de 26%, selon Carrefour.

Augmentations de prix de plus de 9%

En réponse, le chocolatier des bords du lac de Zurich a indiqué à AWP toujours respecter les lois et réglementations en matière d'étiquetage. Le groupe de Kilchberg a souligné avoir «augmenté ses prix en moyenne de 9,3% à l'échelle du groupe, en prenant en compte à chaque fois les structures de coût locales». Une porte-parole a rappelé que la hausse des prix résulte de celle des coûts des matières premières et des matériaux. «Seuls les coûts que nous ne pouvions pas absorber nous-mêmes ont été répercutés sur les clients sous la forme d'augmentations de prix», a-t-elle conclu.

Autre entreprise suisse pointée du doigt par Carrefour, Nestlé, pour du lait Guigoz passé de 900 à 830 grammes et dont le prix au kilo a grimpé de 4,28%. Contactée, sa filiale française n'a pas répondu à AWP.

Reste qu'il est difficile de quantifier la pratique. L'association de défense des consommateurs UFC Que Choisir, sollicitée par AWP, a indiqué avoir «des doutes sur l'ampleur du phénomène de la shrinkflation». Il serait «assez faible en nombre de références et ne concernerait pas seulement de l'alimentaire, mais aussi des produits de DPH (droguerie, parfumerie, hygiène).»

Le gouvernement français s'est toutefois emparé du sujet. Dès novembre, la «shrinkflation» sera interdite en France, a assuré la Première ministre Elisabeth Borne dans une interview au journal Le Parisien mi-septembre. A partir du mois prochain, «tous les produits concernés par des changements de quantité devront le signaler sur les étiquettes pour ne plus tromper le consommateur», a expliqué la cheffe du gouvernement.

Pouvoirs limités

Le fait que les autorités hexagonales s'intéressent à cette pratique n'a pas échappé à la Fédération romande des consommateurs. «Un appel à témoignages auprès des consommateurs a notamment été lancé et quelques cas nous on été dénoncés (tels que des barres chocolatées, des chips, des lessives, des cosmétiques ou des produits pour animaux)», a indiqué Rebecca Eggenberger.

Cette responsable alimentation à la FRC a noté qu'en début d'année en France, la répression des fraudes avait mené une enquête, démontrant que plusieurs entreprises avaient réduit les quantités de produits sans informer les consommateurs, «alors qu'en Suisse, il n'y a pas eu de ressources débloquées sur ce thème».

La FRC plaide pour un équivalent à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, rattaché aux ministères français de l'Economie et de l'Agriculture, estimant que les missions de l'observatoire des prix de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) «ne sont pas si étendues».

Mme Eggenberger voit ainsi d'un bon oeil l'initiative parlementaire de la Verte genevoise Isabelle Pasquier-Eichenberger. Intitulée «Pour un observatoire des prix efficace dans les filières agroalimentaires», elle vise à renforcer «la transparence», notamment en publiant les marges aux différents niveaux de la chaîne de valeur, «pour permettre aux consommatrices et consommateurs d'acheter en connaissance de cause».

L'initiative sera discutée le 30 octobre à la commission de l'économie du Conseil national.