Pas si «easy» Le fondateur d'easyJet mène la vie dure aux «voleurs de marque»

ATS

27.9.2024 - 08:00

Connu pour la compagnie aérienne britannique easyJet, sa marque phare, easyGroup poursuit sans relâche ceux qui se hasardent à utiliser le précieux préfixe «easy» sans son accord, contraignant des petites entreprises, des sites internet et même un groupe de pop à changer de nom.

EasyGroup et son fondateur, l'entrepreneur chypriote grec Stelios Haji-Ioannou <<8au premier plan), qui vit à Monaco, assurent agir dans l'intérêt du consommateur, pour éviter toute confusion et garantir la qualité de son image.
EasyGroup et son fondateur, l'entrepreneur chypriote grec Stelios Haji-Ioannou <<8au premier plan), qui vit à Monaco, assurent agir dans l'intérêt du consommateur, pour éviter toute confusion et garantir la qualité de son image.
IMAGO/Bestimage

«Easy Life», groupe britannique indépendant, est l'un des dernier à en avoir fait les frais, après l'impression sur ses affiches d'un aéronef ressemblant à s'y méprendre à ceux de la compagnie.

Visé par une plainte, le groupe lancé à Nottingham (centre) a préféré éviter un bras de fer judiciaire et se rebaptiser «Hard Life». Clin d'oeil amer à des fans outrés sur les réseaux sociaux: «On peut dire que les neuf derniers mois n'ont pas été faciles (easy)».

EasyGroup et son fondateur, l'entrepreneur chypriote grec Stelios Haji-Ioannou, qui vit à Monaco, assurent agir dans l'intérêt du consommateur, pour éviter toute confusion et garantir la qualité de son image.

Sans s'arrêter aux frontières britanniques: Easyway, un agent de voyage en France, Easyairpark, exploitant un parking en Grèce, ou encore Easyfly, une compagnie aérienne en Colombie ont tous dû changer de nom.

En preuve de bonne foi, un porte-parole du groupe souligne que «la plupart des bénéfices» de la holding sont reversés à la fondation philanthropique du patron.

Mais il assume: «Le problème avec les petits voleurs de marques (...) c'est qu'ils deviennent rentables et qu'ils grandissent» au détriment d'easyGroup, explique-t-il à l'AFP.

«Easy Jetwash»

La question est cruciale pour une holding dont le modèle économique consiste à toucher des droits sur l'exploitation de sa marque, concédée à des entreprises tierces.

La compagnie easyJet (dont la famille Haji-Ioannou ne possède plus que 15%) doit ainsi verser 0,25% de son chiffre d'affaires à easyGroup, propriété du seul patriarche, sous forme de royalties.

Le groupe assure que la plupart des contentieux «n'arrivent jamais devant les tribunaux, car les voleurs de marques se rendent compte qu'ils ont tort et apportent les changements» exigés. Les entreprises contactées par l'AFP évoquent plutôt les frais de justice pharamineux.

Difficile pour «Easy Jetwash», microentreprise de lavage à la pression de Stoke-on-Trent, petite ville du centre de l'Angleterre, de lutter contre les ténors de droit de la propriété intellectuelle du groupe.

Le gérant, Jozsef Spekker, a jeté l'éponge en août, esquivant le procès grâce à son nouveau nom, «Stoke Jetwash». «Pour une petite entreprise, il était incroyablement difficile de suivre financièrement sur les honoraires d'avocat, je suis heureux de laisser cela derrière moi», explique-t-il à l'AFP.

C'est «David contre Goliath», certains n'hésitant pas à parler «d'intimidation», résume Luke McDonagh, de la London School of Economics, spécialiste de la propriété intellectuelle.

«Guerre d'usure»

«Il ne s'agit pas seulement d'easyGroup, beaucoup de grandes entreprises font pareil», précise-t-il à l'AFP, citant L'Oréal, Apple ou le groupe de médias britannique Sky.

Mais l'expert estime que le groupe aux 1200 marques proclamées (easyCleaning, easyMoney, easyBoat, easyStorage...) va «trop loin». Selon lui, «l'objectif du droit des marques n'est pas de donner un monopole illimité sur un mot», qui plus est un terme anglais extrêmement banal comme «easy».

Si easyGroup revendique «de nombreuses victoires juridiques», il a aussi essuyé plusieurs revers. Dernier en date en septembre, quand la justice lui a donné tort face à «easyfundraising», une plateforme internet qui permet de bénéficier de réductions sur des sites pour les reverser à des bonnes causes.

La Haute Cour de Londres a jugé qu'il n'y avait «aucune preuve» que des utilisateurs aient pu faire la confusion entre la plateforme et les marques d'easyGroup.

La procédure a coûté la bagatelle d'un million de livres (1,2 million d'euros) à easyfundraising en frais de justice --dont elle espère obtenir le remboursement quasi-intégral. Mais easyGroup compte faire appel.

«C'est comme une guerre d'usure, ils espèrent qu'au final les entreprises cèdent, parce que c'est trop long, trop compliqué, trop cher», affirme à l'AFP James Moir, directeur général d'easyfundraising. «Nous continuerons jusqu'au bout.»