Aéronautique Le patron de Boeing sur la sellette avant les résultats 2023

afp

29.1.2024 - 07:27

Le patron du géant aéronautique Boeing, qui publie mercredi ses résultats du quatrième trimestre, se trouve sur la sellette depuis l'incident début janvier sur un 737 MAX 9 de la compagnie Alaska Airlines, mais il ne semble pas à ce stade être sur un siège éjectable.

Le PDG de Boeing, Dave Calhoun, s'adresse brièvement aux journalistes après une réunion dans le bureau du sénateur Mark Warner (D-Va) au Capitole à Washington, mercredi 24 janvier 2024. Une partie de la flotte de Boeing 737 MAX 9 a été clouée au sol à la suite de l'explosion d'un panneau de cabine en plein vol sur un avion d'Alaska Airlines. (AP Photo/J. Scott Applewhite)
Le PDG de Boeing, Dave Calhoun, s'adresse brièvement aux journalistes après une réunion dans le bureau du sénateur Mark Warner (D-Va) au Capitole à Washington, mercredi 24 janvier 2024. Une partie de la flotte de Boeing 737 MAX 9 a été clouée au sol à la suite de l'explosion d'un panneau de cabine en plein vol sur un avion d'Alaska Airlines. (AP Photo/J. Scott Applewhite)
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Keystone-SDA, afp

«Nous n'avons pas l'impression que des changements soient imminents au niveau de la direction, mais ces choses sont très difficiles à prévoir», déclare à l'AFP Christopher Raite, analyste de Third Bridge.

D'autant que ce qu'il s'est produit le 5 janvier «n'est pas encore clair».

Ce jour-là, une porte-bouchon de la carlingue d'un Boeing 737 MAX 9 d'Alaska Airlines s'est décrochée en vol.

Dans la foulée, l'agence américaine de régulation de l'aviation (FAA) a cloué au sol les appareils de même configuration --171 des 218 Boeing 737 MAX 9 livrés à ce jour. Alaska Airlines et United Airlines en possèdent la grande majorité, avec respectivement 65 et 79 avions reconfigurés.

Le régulateur a dévoilé mercredi un «vaste» programme de maintenance et d'inspections pour permettre leur remise en service. C'est Alaska Airlines qui a rouvert le ballet aérien, avec un Seattle-San Diego vendredi après-midi.

L'avion du 5 janvier, mis en service en novembre, «avait eu trois problèmes de pressurisation juste avant l'incident», rappelle M. Raite, soulignant qu'Alaska Airlines «savait qu'il avait un problème mais a continué à le faire voler» en évitant tout survol d'eau «par prudence».

«Tout le blâme n'est pas forcément pour Boeing», estime-t-il.

Jeff Guzzetti, consultant en sécurité aérienne ayant travaillé pour la FAA et l'agence d'enquête NTSB, s'attend, lui, «à un changement au niveau de la direction» de Boeing.

«Ils vont devoir montrer un changement», explique-t-il à l'AFP. «A ce stade, Boeing sait ce qui a dysfonctionné et la FAA également», et le constructeur «pourrait annoncer mercredi des changements (dans son usine de) Renton et avec Spirit AeroSystems», son sous-traitant.

«Mode crise»

Nicolas Owens, analyste de Morningstar, n'anticipe pas de changement de dirigeant à court terme car «Boeing est en +mode crise+».

Et, à l'instar de Christopher Raite, il ne pense pas qu'un changement au sommet résoudra les problèmes de Boeing, qui enchaîne depuis plusieurs mois des contreperformances de production.

Après l'incident du 5 janvier, le groupe a nommé un expert indépendant pour examiner son contrôle qualité et la supervision de ses fournisseurs. Il a aussi lancé jeudi une série de journées de formation pour ses personnels de production.

Dave Calhoun, patron de Boeing, et Stan Deal, chargé de sa branche d'aviation commerciale, ne paraissent donc pour l'instant être poussés vers la sortie.

«Nous sommes vraiment désolés des perturbations importantes et de la frustration pour nos clients», a indiqué vendredi soir M. Deal dans un message aux salariés.

M. Calhoun a pris les commandes du groupe en 2019, succédant à Dennis Muilenburg, très critiqué après deux accidents mortels du 737 MAX 8 ayant fait 346 morts.

Le sénateur démocrate Mark Warner a indiqué il y a quelques jours avoir confiance en M. Calhoun, constatant une «approche différente en terme de transparence».

«Le Boeing du passé, qui a caché la vérité après le désastre du MAX (les deux accidents, NDLR)» n'existe plus, a-t-il relevé. «Il faut préciser clairement que les dirigeants de l'époque ont quitté le groupe».

M. Calhoun peut théoriquement rester jusqu'en 2028, depuis le relèvement en avril 2021 de l'âge de la retraite à 70 ans.

Le groupe a nommé en décembre Stephanie Pope au poste tout nouvellement créé de directrice des opérations, la plaçant en bonne position pour lui succéder à terme.

Expansion bloquée

Outre renforcer sa supervision du constructeur, la FAA l'a informé de son refus d'autoriser toute expansion de la production de la famille du 737 MAX --son avion vedette.

Un coup dur pour Boeing qui s'est fixé des objectifs financiers ambitieux pour 2025, comptant sur une hausse de sa production pour y parvenir. Il vise une cadence mensuelle de cinquante 737 à horizon 2025/2026, contre 31 début 2023.

«Nos experts s'attendent à l'annonce mercredi d'un ralentissement de la production», précise M. Raite.

«La solution la plus raisonnable serait que Boeing maintienne sa cadence actuelle jusqu'à la fin de cette année», poursuit-il, souhaitant que le groupe se concentre aussi «sur la qualité de son personnel».

«Selon nos experts, il a 20% d'inspecteurs qualité en moins qu'en 2017-2018», avance-t-il.

Pour Marie Cantwell, présidente de la commission sénatoriale au Commerce devant laquelle M. Calhoun s'est exprimé à huis clos le 24 janvier, les passagers américains et les employés de Boeing «méritent une culture d'entreprise (...) qui place la sécurité avant les bénéfices».