Taux directeur à 0% de la BNS Quel impact pour les sociétés et les particuliers?

ATS

19.6.2025 - 10:02

La Banque nationale suisse (BNS) a ramené jeudi son taux directeur à 0% et elle pourrait le descendre en territoire négatif dès sa prochaine réunion en septembre. Quel serait l'impact de cette mesure pour les entreprises et les ménages?

La Banque nationale suisse (BNS) est revenue à un taux directeur nul (archives).
La Banque nationale suisse (BNS) est revenue à un taux directeur nul (archives).
sda

Keystone-SDA

La BNS a-t-elle déjà ramené son taux directeur en territoire négatif?

Oui, la banque centrale helvétique a fait appel à cet instrument à plusieurs reprises. La dernière fois, elle avait agi sur une longue période de fin 2014 à septembre 2022. Le prédécesseur du taux directeur actuellement utilisé par la BNS, la marge de fluctuation du Libor, avait alors été ramenée au plus bas entre -1,25% et -0,25%.

En janvier 2015, l'institut d'émission avait abandonné le taux plancher du franc face à l'euro et la devise suisse s'était fortement appréciée à 0,857 EUR/CHF, un niveau inédit. Pour soutenir ses exportateurs, dont les prix s'étaient proportionnellement renchéris, la BNS avait opté pour les taux négatifs. Par cette mesure, elle rend les placements en francs moins attractifs comparé à d'autres devises, ce qui permet, en théorie, de faire relâcher la pression sur la devise nationale.

Pourquoi la BNS a-t-elle pris une telle mesure?

Le mandat de la BNS est d'assurer la stabilité des prix, en visant une inflation comprise entre 0% et 2%. Lorsque l'inflation est négative et que le taux directeur reste positif, les investisseurs sont incités à conserver leurs avoirs en francs, renforçant ainsi la pression déflationniste et l'appréciation de la devise. En instaurant des taux directeurs négatifs, la BNS cherche à décourager l'accumulation d'avoirs en francs en rendant leur détention coûteuse, afin d'affaiblir la monnaie, de stimuler les dépenses et les investissements et de faire repartir l'inflation par une relance de la demande intérieure.

Quel impact pour les particuliers?

Les taux directeurs négatifs ont pour but de décourager l'épargne et d'encourager la consommation, explique John Plassard. Pour le spécialiste en placement de Mirabaud Banque, cela se traduit pour les particuliers «par des rendements très faibles, voire nuls ou négatifs sur leurs comptes d'épargne et leurs dépôts bancaires. Dans certains cas extrêmes (notamment pour les très gros dépôts), des frais ont même été appliqués aux épargnants». Cette situation peut inciter les ménages à dépenser davantage ou à investir dans des actifs plus risqués comme l'immobilier ou les actions afin de préserver la valeur de leur patrimoine.

Mais les taux négatifs peuvent également «générer une certaine frustration, voire une perte de confiance vis-à-vis du système bancaire, en particulier pour les populations âgées qui comptent sur des revenus d'épargne pour vivre. Ainsi, les taux négatifs favorisent l'activité économique, mais au prix d'une déstabilisation potentielle des comportements financiers traditionnels», avertit M. Plassard.

Et pour les entreprises?

«Les taux négatifs offrent aux sociétés un accès facilité et moins coûteux au crédit», poursuit l'expert de Mirabaud Banque. «Cela leur permet de financer plus facilement leurs investissements, d'augmenter leurs capacités de production, voire de refinancer des dettes existantes à moindre coût». Cette mesure soutient donc théoriquement l'emploi et la croissance économique.

Mais pour les banques, les assureurs ou les fonds de pension, les taux négatifs sont problématiques. «Ils érodent les marges d'intérêt (la différence entre taux de prêts et taux de dépôts) et compliquent la recherche de rendements suffisants pour couvrir leurs engagements futurs. Certaines entreprises financières sont donc fragilisées par ces politiques, notamment celles dont le modèle repose sur des produits d'épargne traditionnels à taux garantis», précise John Plassard.

Selon ce dernier, «les taux négatifs sont globalement favorables aux entreprises actives, mais posent un défi majeur pour les acteurs du secteur financier».