Des vidéos devenues virales, suivies d'un déferlement de haine en ligne: treize personnes doivent être jugées jeudi à Paris pour avoir participé au harcèlement de l'adolescente Mila, parfois accompagné de menaces de mort, après sa publication d'une vidéo polémique sur l'islam.
L'avocat Richard Malka, le 16 décembre 2020 au Palais de justice de Paris après le verdict du porcès des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher
L'avocat Gérard Chemla photographié à Paris en novembre 2019
Coulois du Palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, en janvier 2021
Affaire Mila: 13 personnes jugées à Paris pour cyberharcèlement et menaces de mort - Gallery
L'avocat Richard Malka, le 16 décembre 2020 au Palais de justice de Paris après le verdict du porcès des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher
L'avocat Gérard Chemla photographié à Paris en novembre 2019
Coulois du Palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, en janvier 2021
Les prévenus, âgés de 18 à 30 ans, sont tous renvoyés devant le tribunal correctionnel pour harcèlement en ligne. Certains seront également jugés pour menaces de mort, et pour l'un d'eux menace de crime.
Deux d'entre eux ont formulé des demandes de renvoi, qui seront examinées à l'ouverture de l'audience jeudi à 13h30, a-t-on appris auprès de plusieurs avocats.
«Ce procès est celui de la terreur numérique qui déchaîne des meutes sexistes, homophobes, intolérantes contre une adolescente», estime auprès de l'AFP Richard Malka, l'avocat de Mila, victime de «raids» sur Internet après deux vidéos sur l'islam en janvier puis novembre 2020.
La jeune femme, qui vient de fêter ses 18 ans et qui publie le 23 juin un livre sur cette affaire, sera présente à l'audience, indique Me Malka.
«Droit de blasphémer»
Pour l'avocat, qui rappelle que Mila n'a fait «qu'exercer un droit», celui de blasphémer, le procès est aussi «celui de 13 personnes, sans histoire, qui, cachées derrière leur écran et leur pseudonyme, ont souhaité broyer le crâne et lacérer le corps d'une mineure devenue leur bouc émissaire».
«Ce lynchage numérique doit être sanctionné», considère Me Malka.
«Sur plusieurs milliers de tweets, on a identifié quelques-uns (des auteurs) et ce sont ceux-là qui sont poursuivis (...) On fait assumer à celui qui a fait un tweet la totalité des menaces des autres», s'inquiète de son côté Gérard Chemla, l'avocat d'un des prévenus.
Ce dernier a, selon son conseil, eu «une réaction assez sotte et épidermique, comme il y en a tous les jours sur Twitter». «Mon client est complètement dépassé par cette affaire là», assure Me Chemla.
«Te faire une Samuel Paty»
Un autre avocat de la défense, Marc Bailly, dénonce «la violence de la procédure», destinée selon lui à mettre «un coup de lumière» sur l'infraction de cyberharcèlement, «qui est nouvelle».
Depuis 2018, ce délit peut être constitué dès lors que plusieurs personnes s'en prenant à une même victime savent que leurs propos ou comportements caractérisent une répétition, sans que chacune de ces personnes ait agi de façon répétée ou concertée.
Les treize jeunes hommes et femmes jugés jeudi sont renvoyés en majorité pour un seul message parmi les milliers d'insultes et menaces reçues par Mila à l'automne via les réseaux sociaux.
Contrainte en janvier 2020 de quitter son établissement après une première vidéo où elle critiquait l'islam et le Coran, la lycéenne de l'Isère, sous protection policière, avait à nouveau fait le «buzz» mi-novembre.
Sur le réseau social TikTok, elle avait lancé à ses détracteurs: «Et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du cul, j'les ai toujours pas sortis».
Fuse alors une nouvelle salve de menaces: «qu'elle crève», «tu mérites de te faire égorger» ou «je vais te faire une Samuel Paty» – du nom du professeur d'histoire-géo décapité en octobre après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves.
Les auteurs des menaces regrettent
Originaires de toute la France, les prévenus avaient été placés en garde à vue en février, mars ou avril, dans le cadre d'une enquête menée par le tout nouveau pôle national de lutte contre la haine en ligne.
Athées, catholiques ou musulmans, ces jeunes gens très actifs sur les réseaux sociaux et pour la plupart sans antécédent judiciaire ont en majorité reconnu être les auteurs des messages et dit les «regretter».
Devant les enquêteurs, ils ont expliqué avoir agi «à chaud» sous le coup de la «colère» ou «choqués» par les propos virulents de Mila.
Les prévenus encourent deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende pour le harcèlement en ligne, trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour les menaces de mort.
Deux personnes ont déjà été condamnées à des peines de prison pour avoir menacé de mort Mila.