Bogota Une vague de cadavres retrouvés empaquetés dans les rues

ATS

18.9.2022 - 09:25

Depuis le début de l'année, les victimes d'une vendetta entre gangs d'origine vénézuélienne sont retrouvées ici et là à Bogota, en Colombie leurs cadavres emballés dans des sacs en plastique, certains démembrés. L'affaire des «empaquetés», comme la nomme la presse locale, est d'une violence encore jamais vue dans la capitale colombienne.

En neuf mois, au moins 23 corps dans des sacs ont été abandonnés dans les rues de cette métropole de huit millions d'habitants. (image d'illustration)
En neuf mois, au moins 23 corps dans des sacs ont été abandonnés dans les rues de cette métropole de huit millions d'habitants. (image d'illustration)
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En neuf mois, au moins 23 corps dans des sacs ont été abandonnés dans les rues de cette métropole de huit millions d'habitants. Ces découvertes macabres sont allées crescendo pour culminer dans l'horreur la semaine dernière: quatre corps, découpés en morceaux, retrouvés abandonnés, emballés dans des sacs-poubelle, sur des trottoirs.

Sept Vénézuéliens et neuf Colombiens figurent parmi ces victimes, selon la presse. C'est «une manière d'opérer qui n'a jamais été vue auparavant dans la ville», selon le commandant de la police de Bogota.

Des maisons abattoirs

Il s'agit «d'homicides violents, de strangulations, [de meurtres, ndlr] avec arme à feu ou couteau», a déclaré à l'AFP le secrétaire à la sécurité pour la municipalité, qui parle d'actes réalisés avec «beaucoup de cruauté». Ces découvertes macabres ont été faites dans huit des 19 localités d'une capitale théâtre du crime organisé, mais qui reste cependant épargnée par le conflit armé sévissant depuis plus d'un demi-siècle dans les provinces.

Ces meurtres témoignent de la lutte sans merci à laquelle se livrent plusieurs groupes criminels «pour le contrôle des trafics illicites», en particulier la vente de drogues au détail et les extorsions, explique le secrétaire, qui prévient que cette guerre est en train de «s'intensifier».

El Tren de Aragua, une organisation criminelle transnationale née au Venezuela, ainsi qu'un autre gang vénézuélien, Los Maracuchos, et un troisième groupe dont le nom n'a pas été divulgué sont les protagonistes de cette violence hors normes. La police a ainsi confirmé l'existence dans la capitale de maisons «abattoirs» servant de lieu de torture.

Selon le secrétaire, les victimes sont toutes des membres des gangs belligérants. «Ils intimident par un modus operandi macabre».

Les gangs s'étendent

Selon le journal El Tiempo, une «cellule mafieuse mexicaine», proche du cartel de Sinaloa, complète le trio sanguinaire. La presse a également cité en tant qu'autre protagoniste une organisation colombienne, «Los Paisas».

Depuis 2021, les autorités surveillent la présence grandissante du Tren de Aragua à Bogota, où vivent environ un quart des 1,8 million de migrants vénézuéliens en Colombie. Ce gang redouté, aux tentacules internationales, est entré dans le pays via le département frontalier de Norte de Santander.

Au début, a expliqué à l'AFP Jeremy McDermott, codirecteur du groupe de réflexion sur le crime organisé InSight Crime, il «a pris le contrôle du territoire le long de la frontière et facturait des péages aux Vénézuéliens qui traversaient par les sentiers (trochas) illégaux».

Suivant la vague de migration fuyant le Venezuela chaviste, il s'est implanté en Colombie «jusqu'au Panama et au Chili, facturant des frais de 'protection' [...] et essayant d'exploiter ou de recruter des migrants vulnérables», ajoute l'expert. Sa présence est signalée au Brésil, en Equateur et au Pérou.

«Une organisation puissante»

«C'est une organisation puissante», dont l'un des principaux cerveaux est Hector «Niño» Guerrero, incarcéré dans la prison vénézuélienne de Tocorón, note Ronna Risquez, chercheuse sur les groupes armés et la violence. Il y régnerait en maître sur ses codétenus. «Tout est géré depuis Tocorón», estime Mme Risquez.

Le démembrement est une pratique courante dans les prisons vénézuéliennes, selon le criminologue Mario Mármol. «Ils ont cet entraînement, ce trait de caractère pervers, et quand la situation le justifie, ils le mettent en oeuvre: mutilation, décapitation, corps criblés de balles. C'est leur marque de fabrique».

La brutalité démontrée en Colombie répond à «l'expérience criminelle de longue date» dans ce pays, qui «nécessite beaucoup de force, d'impact et de démonstration de cette cruauté» pour s'imposer, note Roberto Briceño-León, directeur de l'observatoire vénézuélien de la violence (OVV).

Plus discrets que Tren de Aragua, les Maracuchos sont arrivés en Colombie en 2019. La police colombienne a capturé cette semaine dix de ses membres présumés et réclame par l'intermédiaire d'Interpol cinq autres qui ont fui au Venezuela.