«À qui la faute ?» Au procès du meurtrier de l'ex-mari, la veuve défend l'accusé

Basile Mermoud

17.6.2025

Au procès de l'assassinat de son ex-mari, mardi devant les assises des Landes, la veuve a défendu l'accusé, un ami de son fils suicidé qui aurait été «victime», comme eux, de la «perversité» du défunt.

La sexagénaire, décrite durant l'instruction comme une dépressive chronique enfermée dans un «deuil pathologique», a raconté à la cour sa relation fusionnelle avec son enfant décédé, qui lui a «apporté (s)es vingt plus belles années» (archive).
La sexagénaire, décrite durant l'instruction comme une dépressive chronique enfermée dans un «deuil pathologique», a raconté à la cour sa relation fusionnelle avec son enfant décédé, qui lui a «apporté (s)es vingt plus belles années» (archive).
AFP

Agence France-Presse

Depuis le début du procès lundi, Isabelle Munoz Alvarez, 61 ans, et Samuel Matias Batista, 28 ans, jugé pour avoir poignardé à 32 reprises Guy Lecomte en 2019 à Commensacq, affirment que le temps s'était arrêté quatre ans plus tôt.

En 2015, Danaël Lecomte, fils du couple et ami de l'accusé, s'était jeté sous un train, à 20 ans, après avoir découvert avec sa mère la double vie homosexuelle de son père, adepte du chemsex et de pratiques extrêmes.

La sexagénaire, décrite durant l'instruction comme une dépressive chronique enfermée dans un «deuil pathologique», a raconté à la cour sa relation fusionnelle avec l'enfant décédé, qui lui a «apporté (s)es vingt plus belles années».

Le duo mère-fils avait pisté Guy Lecomte sur des sites pornographiques où il se mettait en scène, Danaël allant jusqu'à se créer un pseudonyme «pour accumuler des preuves».

«Pourquoi ne pas l'avoir freiné dans ses recherches ?», a demandé une avocate des parties civiles. «Mais il fallait qu'on sache qui était cet homme avec qui on avait vécu ! C'était un menteur pathologique !», a répondu Isabelle Munoz Alvarez.

Quand Danaël se suicide, le couple se sépare et la mère tient ouvertement son ex-mari pour responsable. «Il m'a pris mon fils avec sa perversité», a-t-elle répété mardi.

Mausolée

Cette conviction, elle la partage alors avec le groupe d'amis de Danaël, mais aussi en tête-à-tête avec Samuel Matias Batista.

Elle les reçoit dans la maison familiale transformée en mausolée à la mémoire du fils disparu, auquel elle sert un verre fictif en détaillant à ses hôtes l'addiction du père qui pratiquait sadomasochisme, fist-fucking et copulation à l'aveugle.

Interrogée sur l'impact de sa parole sur de jeunes gens, la témoin admet «ne pas en avoir eu conscience» puis ajoute, dans un récit décousu, avoir subi des violences conjugales pendant trente ans.

«Je suis une victime, Danaël est une victime, et Samuel est une victime collatérale, et je le dis, à qui la faute ? Ça vient de qui tout ça ?», lance-t-elle avant d'aller s'asseoir sur le banc de la défense, à côté des frères et sœurs de l'accusé.

Interrogé à son tour, Samuel Matias Batista a expliqué comment son geste a été nourri par l'obsession «d'obtenir des réponses» sur le suicide de son ami et une «souffrance» de plusieurs années.

Le jour des faits, il se réveille «avec la conviction qu'il devait aller voir» Guy Lecomte. Il se rend chez lui à vélo avec son Opinel, «simple mesure de sécurité dans une société violente», argue l'ex-étudiant qui réfute la préméditation depuis son interpellation en 2022.

«Impulsion»

«Je voulais le faire parler, j'ai fait le mec mal dans sa peau qui a besoin d'être conseillé. Il me répète qu'il faut oublier le passé. On parle de tout et de rien», raconte l'accusé.

Quand le père de l'ami suicidé aborde des sujets ésotériques, comme la «projection astrale et la décorporation amplifiée par la prise de drogues et certaines pratiques sexuelles», Samuel Matias Batista dit avoir «compris que les paroles d'Isabelle étaient réelles, que c'était la raison du suicide de Danaël». «J'en tremble, j'en ai des spasmes musculaires», se remémore-t-il.

Au moment de dire au revoir à Guy Lecomte, l'accusé dit avoir vu «quelque chose de hautain, de narquois dans son regard, comme s'il savait le mal qu'il avait fait autour de lui, comme s'il était étranger à la situation». Dans «une impulsion», il sort alors son couteau.

S'ensuit un corps-à-corps au cours duquel Samuel Matias Batista prend le dessus, dans «une situation de vie ou de mort», plaide-t-il. L'autopsie a relevé 32 coups portés avec force, dans une logique «d'overkill» d'après les enquêteurs de police.

L'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Verdict mercredi après réquisitoire et plaidoiries.