«Ce serait absurde...»Ce chef brésilien a refusé de préparer un dîner pour le prince William!
Valérie Passello
4.11.2025
Originaire de l'Amazonie, Saulo Jennings est viscéralement attaché aux saveurs de sa région, comme le pirarucu, un grand poisson d'eau douce. A tel point qu'il a refusé de préparer un dîner vegan pour une cérémonie en présence du prince William à Rio de Janeiro.
Le chef Saulo Jennings pose dans son restaurant Casa do Saulo Quinta de Pedras à Belém, dans l'État du Pará, au Brésil, le 1er novembre 2025. Jennings, figure de proue de la cuisine du nord du Brésil, a récemment refusé de préparer le banquet du prix Earthshot à Rio de Janeiro, organisé par le prince William d'Angleterre, après que les organisateurs lui aient demandé un menu entièrement végétalien, ce qu'il a qualifié de « manque de respect » envers les traditions culinaires amazoniennes. Il est toutefois prêt à impressionner les chefs d'État lors de la COP30 qui se tient cette semaine avec des plats mettant en valeur les ingrédients végétaux et animaux de la plus grande forêt tropicale du monde. (Photo de Thiago GOMES / AFP)
AFP
Agence France-Presse
04.11.2025, 07:32
Valérie Passello
Dans un entretien à l'AFP, ce chef brésilien affirme que, pour lui, le développement durable est une question d'équilibre.
Ce Brésilien de 47 ans va mettre en valeur les ingrédients provenant de la plus grande forêt tropicale de la planète dans la ville amazonienne de Belem, lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui précédera la COP30, conférence des Nations unies sur le climat.
Saulo Jennings a grandi sur les rives du fleuve Tapajos, dans le nord du Brésil, où il a ouvert le premier de ses six restaurants il y a 16 ans.
Nommé ambassadeur gastronomique de l'ONU en 2024, il a déjà cuisiné pour des chefs d'Etat par le passé, ainsi que pour des stars comme Maria Carey.
Sollicités par l'AFP, les organisateurs du prix Earthshot n'ont pas souhaité commenter le sujet.
Pourquoi avez-vous refusé de cuisiner pour le prince William et 700 invités lors de la cérémonie des Earthshot Awards, dédiée à la cause environnementale, qui se tient mercredi à Rio?
On m'a demandé de créer un menu 100% vegan, et je ne me sentais pas à l'aise car mon travail consiste précisément à montrer que l'Amazonie est durable, et cela inclut le poisson.
J'ai même suggéré de faire un menu amazonien avec principalement des plats à base de légumes, mais incluant également du poisson issu de la pêche durable, mais cela n'a finalement pas été accepté. Autant que je sache, ce n'était pas une exigence de la famille royale.
Ne craignez-vous pas d'être critiqué par ceux qui pensent que manger vegan est synonyme de consommation éthique?
Je respecte énormément ceux qui choisissent cette voie. Mais je pense qu'il est dangereux de traiter le véganisme comme synonyme de durabilité. Ce sont des choses différentes.
La forêt est un écosystème équilibré, elle a besoin de personnes, d'animaux et de plantes vivant ensemble. Ce qui m'inquiète, c'est lorsque cela devient une imposition culturelle.
En Amazonie, on est vegan, végétarien ou carnivore sans y penser. Nous mangeons ce que la forêt nous offre. Cette relation avec la nourriture est ancestrale.
Que pensez-vous du fait que certains ingrédients ou plats traditionnels d'Amazonie, comme l'açaï, le ragoût indigène de maniçoba ou la soupe tacaca aient été initialement proscrits du menu de la COP30, par crainte de contamination?
J'ai été le premier à remettre cela en question, y compris auprès du ministre brésilien du Tourisme, et nous avons pu rectifier le tir. Ce serait absurde que le monde entier vienne voir l'Amazonie et que nous ne puissions pas servir notre propre nourriture.
Beaucoup d'étrangers ont encore peur de notre nourriture et finissent par commander du poulet ou de la dinde, alors qu'ils pourraient manger du pirarucu (un poisson d'eau douce amazonien qui peut atteindre trois mètres de long, ndlr), qui est noble, savoureux et durable.
Quels saveurs amazoniennes allez-vous présenter lors de la COP30?
Pour moi, la base de tout, c'est le manioc. C'est un symbole de notre identité.
J'aime aussi travailler avec les noix du Brésil, le jambu (une herbe qui crée une sensation de picotement dans la bouche), le miel de melipona (provenant d'abeilles sans dard) ou le tucupi (sauce à base de jus de manioc fermenté et bouilli).
A la COP, je veux que le monde goûte ces saveurs et comprenne que la forêt s'exprime aussi à travers la nourriture.
Pensez-vous que la gastronomie amazonienne peut être synonyme de préservation de l'environnement?
Absolument. La cuisine est l'un des moyens les plus directs de protéger la forêt. Lorsque vous consommez du poisson issu de la pêche durable, de la farine artisanale ou du tucupi authentique, vous soutenez une chaîne qui maintient les populations sur les rives et empêche la déforestation. La gastronomie amazonienne est un acte politique de préservation.