Procès en France Les mots déchirants de la mère: «Ce n'était pas un bébé Destop. C'était une fillette...»

Valérie Passello

2.4.2025

Ils veulent que le procès reste celui du «monstre» qui a tué leur fille, une ancienne employée de crèche, pas en faire celui des crèches privées: les parents de Lisa, empoisonnée au Destop en 2022 à Lyon (centre-est de la France), ont laissé entendre mercredi leur souffrance et une colère sourde.

Sidonie Leblanc, avocate de l'association L'Enfant Bleu, s'adresse à la presse à la cour d'assises, en marge du procès de Myriam Jaouen, une ancienne employée d'une micro-crèche lyonnaise du groupe « People and Baby » accusée d'avoir tué un nourrisson en lui faisant avaler un produit chimique caustique de débouchage de canalisations, au palais de justice de Lyon, dans le centre-est de la France, le 1er avril 2025. Myriam Jaouen, 30 ans, est jugée pour le meurtre d'une mineure, suite au décès de Lisa, 11 mois, à la crèche en juin 2022. Après des dénégations initiales, Myriam Jaouen a admis en garde à vue avoir empoisonné la petite fille parce qu'elle en avait « marre de ses pleurs ». (Photo par OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)
Sidonie Leblanc, avocate de l'association L'Enfant Bleu, s'adresse à la presse à la cour d'assises, en marge du procès de Myriam Jaouen, une ancienne employée d'une micro-crèche lyonnaise du groupe « People and Baby » accusée d'avoir tué un nourrisson en lui faisant avaler un produit chimique caustique de débouchage de canalisations, au palais de justice de Lyon, dans le centre-est de la France, le 1er avril 2025. Myriam Jaouen, 30 ans, est jugée pour le meurtre d'une mineure, suite au décès de Lisa, 11 mois, à la crèche en juin 2022. Après des dénégations initiales, Myriam Jaouen a admis en garde à vue avoir empoisonné la petite fille parce qu'elle en avait « marre de ses pleurs ». (Photo par OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)
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Agence France-Presse

«Moi je veux parler de la monstruosité. Je veux parler d'un monstre». La voix s'élève dans l'immense salle du palais de justice. C'est celle de la mère de Lisa. Appelée à la barre des témoins, elle parle d'un trait. On sent l'émotion, mais aussi la colère, qui monte.

«Ce n'était pas un bébé Destop», s'insurge-t-elle. «Ce n'est pas le bébé assassiné dans une crèche. C'était une fille, une petite fille, une nièce, une cousine...», une fillette «qui riait tout le temps».

En 2022, à quelques jours de son premier anniversaire, Lisa a succombé à de graves brûlures parce que l'employée de la crèche où elle était gardée lui a fait ingérer un produit caustique.

Sa mère, très affectée depuis l'ouverture mardi du procès de cette employée, se tient droite. Elle s'offusque du qualificatif de «souffrance» associée à l'accusée, Myriam Jaouen, lors de l'évocation de ses conditions de vie en prison.

«La souffrance c'est d'aller dire au revoir à son enfant sur un lit d'hôpital. C'est choisir un cercueil tout petit pour son tout petit bébé», rétorque-t-elle.

«Mauvais sujet»

La mère de Lisa dit ne rien attendre de Myriam Jaouen, qu'elle souhaite voir condamnée «et qu'elle ne sorte pas». «Prenez votre responsabilité», lui lance-t-elle par deux fois en la fixant du regard. Sur le banc des accusés, la jeune femme qui encourt la réclusion à perpétuité, garde les yeux baissés.

«On est là pour débattre d'un acte monstrueux, commis par un monstre. Parler des crèches c'est un mauvais sujet, l'accusée elle est ici», s'exclame encore la mère de Lisa. La mort de la petite fille avait suscité la sidération et enclenché une série d'enquêtes qui ont jeté une lumière crue sur les failles des crèches privées.

Deux associations de protection de l'enfance se sont portées parties civiles au procès. Même si la responsabilité du groupe People & Baby qui gérait la micro-crèche où s'est jouée cette tragédie n'est pas engagée, son ancienne directrice a été questionnée avec vigueur mercredi par leurs avocats.

Sous le feu de questions, elle a reconnu avoir commis une «erreur de recrutement», en embauchant une jeune femme avec peu d'expérience qui s'est vite montré «mal à l'aise» avec les bébés et impatiente.

«Pas confiance»

Le 22 juin 2022, Myriam Jaouen est pourtant seule à l'ouverture de la micro-crèche quand le père de Lisa est venue déposer la fillette.

Appelé lui aussi à la barre des témoins, il s'exprime avec un fort accent italien, sa langue maternelle. «Elle l'a laissée au sol agoniser seule. Elle a menti. Elle a dissimulé les preuves», s'étrangle-t-il en parlant de Myriam Jaouen. Il dit qu'il n'avait «pas confiance» en cette employée qui ne répondait jamais que par «oui, non, je sais pas».

Quand il est parti juste avant 08H00, sa fille «ne pleurait pas». «Je n'aurais pas laissé ma fille comme ça», assure-t-il. Quelques minutes plus tard, deux femmes venues déposer leur fils ont trouvé l'employée en panique, et l'enfant en train de vomir. La fillette est décédée en fin de matinée à l'hôpital où elle avait été transportée.

L'accusée a reconnu avoir administré le produit mais nie avoir voulu donné la mort. Au cours de l'enquête, elle a expliqué avoir été exaspéré par les pleurs de l'enfant. Elle doit être entendue sur les faits par la cour mercredi après-midi.

Le verdict est prévu jeudi.

mla/chp/mpm/lrb