Poussé sur les voies du métro «Ce que vous pensez, c'est: 'Je vais être heurté par le train et je vais mourir'»

Valérie Passello

11.2.2025

Lorsque Joseph Lynskey est poussé sur les voies du métro de New York le soir du Nouvel An, il comprend immédiatement qu'il est victime d'un de ces actes de violence extraordinaire qui hantent la mégalopole américaine. Le miraculé peut maintenant témoigner.

Joseph Lynskey, qui a survécu après avoir été poussé sur les voies du métro devant un train qui arrivait en sens inverse le 31 décembre 2024, tient les chaussures qu'il portait ce jour-là, à New York, le 4 février 2025.
Joseph Lynskey, qui a survécu après avoir été poussé sur les voies du métro devant un train qui arrivait en sens inverse le 31 décembre 2024, tient les chaussures qu'il portait ce jour-là, à New York, le 4 février 2025.
AFP

Agence France-Presse

«On ne pense jamais qu'une chose pareille puisse vous arriver», raconte-t-il à l'AFP à son domicile, durant sa convalescence après cet événement qui lui a causé une fracture du crâne, quatre côtes cassées et une rupture de la rate. «Ca va tellement vite que ce que vous pensez c'est : +J'ai été poussé, je vais être heurté par le train et je vais mourir+», ajoute ce producteur musical et DJ de 45 ans.

Quand il ouvre les yeux après la chute, son corps plaqué au sol sous un train, dans une station de Manhattan, il voit du sang sur le sol. Mais il est toujours vivant. «Je savais que je devais rester calme». Il appelle à l'aide, sans savoir si le conducteur du train ou un usager sur le quai l'a vu.

Puis il entend la voix d'une «bonne samaritaine» qui lui demande son nom et s'il peut remuer ses doigts et ses orteils. «Je pense qu'elle essayait de me tenir éveillé», dit-il.

«Quatre minutes plus tard», des secours arrivent. Les deux pompiers qui l'extraient avaient été formés la veille à l'exercice. Un jeune homme connu de la police pour des actes de violence et souffrant de problèmes mentaux a été arrêté et inculpé. Il a plaidé non coupable.

Joseph Lynksey n'a pas eu la force, depuis, de s'engouffrer dans le tentaculaire réseau de 472 stations et plus de 1.000 km de voies, ouvert jour et nuit et emprunté par quatre millions d'usagers quotidiens.

«Se placer dos au mur»

Son histoire est devenue un symbole pour beaucoup de New-Yorkais, hantés à l'idée de devenir l'une de ces victimes aléatoires. Selon la police, 26 personnes sont tombées sur les voies du métro en 2024, dont une a été tuée. Neuf de plus que l'année précédente.

D'autres épisodes ont choqué, comme la mort en mai 2023 d'un jeune homme souffrant de problèmes mentaux, tué par un ancien marine qui l'a asphyxié en le maîtrisant -- il a récemment été relaxé -- ou d'une femme brûlée vive à la veille de Noël après qu'un homme a mis le feu à ses vêtements.

Au début de l'année, la police et le maire de New York se sont félicités d'une baisse de 5,4% de tous les crimes et délits dans le métro en 2024 par rapport à l'année précédente. Mais le nombre de meurtres, une dizaine en 2024, a doublé.

Janno Lieber, le président de la MTA, l'autorité chargée du métro, a concédé que si les statistiques de sécurité se sont globalement améliorées, «ces événements très médiatisés sont franchement effrayants pour de nombreux New-Yorkais».

«Quand j'attends le métro, je me place dos au mur, et je me mets près d'une autre femme (...) à côté de gens qui n'ont pas l'air menaçants», explique Marissa Keary, une usagère de 24 ans.

«Se sentir en sécurité»

Pour Joseph Lynskey, la MTA doit mieux faire. «Tout le monde mérite de se sentir en sécurité lorsqu'il se rend au travail», affirme-t-il.

Le métro, souvent vieillissant et sale, de la plus grande ville américaine (huit à neuf millions d'habitants) reste le moyen de transport le plus rapide, même s'il a perdu 1,5 million d'usagers quotidiens depuis la pandémie de Covid.

Mi-janvier, les autorités ont annoncé des renforts policiers dans les stations et les wagons et des moyens supplémentaires pour la santé mentale. Dans certaines stations, des barrières sont installées pour protéger les usagers des quais.

Avec une dette de 48 milliards de dollars et des besoins de financement de 65 milliards pour se rénover dans la période 2025-2029, les autorités du métro espèrent que le président Donald Trump ne va pas torpiller le péage urbain fraîchement instauré sur les voitures entrant dans le quartier congestionné de Manhattan. Car le produit de ce nouvel impôt doit renflouer les caisses de la MTA.

En attendant, elles espèrent que le parlement local approuvera des moyens supplémentaires.