Relations détériorées«C'est très triste» - En Finlande, la mort lente du russe
AFP
1.5.2024
Près de la frontière avec la Russie, deux villes finlandaises vont fermer des écoles proposant des cours de langue et de culture russes, au grand dam de parents et de responsables scolaires qui plaident pour le maintien d'un lien culturel.
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01.05.2024, 07:46
Gregoire Galley
Située à quelque 30 kilomètres de la Russie, l'école de Lappeenranta, dont la cour se remplit peu à peu des premières fleurs du printemps, grouille de salles de classe remplies d'élèves discutant tantôt en finnois, tantôt en russe. Des affiches colorées ornent les murs dans les deux langues. «J'ai été choqué quand j'ai entendu que le lycée allait fermer», confie à l'AFP Eetu Varis, 18 ans.
L'école fait partie du groupe scolaire Itä-Suomen koulu, qui détient trois établissements dans les villes de Lappeenranta, d'Imatra et de Joensuu, les seules en dehors de la capitale Helsinki à offrir, en plus du curriculum finlandais, des cours de culture et de langue russes. Fondées en 1997 et financées par l'Etat, ces écoles primaires et secondaires comptent au total 700 élèves âgés de six à 18 ans.
Quand les villes de Lappeenranta et de Joensuu ont annoncé en début d'année la fermeture des établissements d'Itä-Suomen koulu, évoquant un manque de financements, des représentants scolaires y ont plutôt vu le signe d'un sentiment hostile envers la Russie qui a émergé en Finlande au début de la guerre en Ukraine.
Selon Katri Anttila, la directrice du groupe scolaire, les responsables politiques locaux ne sont plus intéressés par le maintien des programmes de langue russe dans l'enseignement élémentaire et secondaire.
Le russe n'est pas Vladimir Poutine
«C'est très triste. Je suis heureuse qu'il y ait des parents et des élèves qui n'associent pas la langue russe au président (Vladimir) Poutine et à son gouvernement car la langue ne devrait jamais être liée à la politique», dit-elle à l'AFP.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, les relations entre la Finlande et la Russie se sont considérablement détériorées. Abandonnant des décennies de non-alignement militaire, ce pays nordique a rejoint l'Otan en avril 2023, provoquant l'ire de Moscou.
Interrogé par l'AFP sur la raison de ces fermetures, un responsable de la ville de Lappeenranta chargé des services scolaires, Juhani Junnilainen, évoque «un manque de ressources».
En outre, «l'intérêt pour la langue russe diminue depuis plus d'une décennie», tandis que «l'espagnol a gagné en popularité» parmi les élèves, fait-il valoir.
De son côté, la ville de Turku (sud-ouest) a aussi décidé de mettre un terme à son programme de langues finno-russe dans l'unique école qui en proposait, invoquant un baisse du nombre des élèves inscrits.
Avant la pandémie du coronavirus et la guerre en Ukraine, environ deux millions de touristes russes passaient chaque année la frontière pour visiter Lappeenranta, générant plus de 300 millions d'euros de revenus pour la région. «On entendait du russe partout», se remémore Eetu Varis.
«La Finlande doit comprendre son voisin»
Désormais, il est rare de voir des plaques d'immatriculation russes dans les rues de Lappeenranta. A l'image de la majorité de ses camarades de classe, Varis a pour langue maternelle le finnois mais souhaite découvrir d'autres langues et d'autres cultures.
Et la culture russe est particulièrement importante à connaître, argue Tuomas Laitinien, le père de deux enfants scolarisés à l'école de Lappeenranta. «La Finlande est connue depuis des décennies pour sa connaissance de la Russie, ce qui profite à l'UE et l'Otan», souligne-t-il. «Géographiquement, nous ne bougeons pas. La Russie est à côté de nous et nous devons connaître sa culture».
Un autre épisode est venu envenimer les relations entre les deux voisins ces derniers mois. Mi-décembre, la Finlande a fermé sa frontière terrestre longue de 1.340 kilomètres avec son grand voisin après un afflux de quelque 1.000 migrants sans visa en provenance du territoire russe depuis la mi-août. Helsinki accuse Moscou d'avoir orchestré l'arrivée de ces migrants, ce que les autorités russes démentent.
La directrice Katri Anttila souligne, quant à elle, qu'il est important pour la Finlande de «comprendre le langage de l'opposition» politique au Kremlin, affirmant qu'elle se battra pour que l'école reste ouverte.