France voisine Cimetières juifs profanés en Alsace: toujours pas de suspect

ATS

9.12.2020 - 15:08

Herrlisheim, Quatzenheim, Westhoffen: entre décembre 2018 et décembre 2019, la profanation de 240 tombes dans ces trois cimetières juifs alsaciens, maculées de tags néonazis, avait sidéré. Depuis, les investigations méticuleuses n'ont pas encore permis d'identifier les auteurs mais les enquêteurs assurent ne «rien lâcher».

Première de cette funeste série, la profanation de Herrlisheim, au nord de Strasbourg: le 11 décembre 2018, 37 stèles ainsi qu'un mémorial de la Shoah sont retrouvés couverts de croix gammées.

Deux mois plus tard, le 19 février 2019, 96 tombes sont découvertes taguées de croix gammées jaunes et bleues au cimetière de Quatzenheim, à l'ouest de la capitale alsacienne. Le président Emmanuel Macron se rend sur place le jour même.

Enfin, le 3 décembre 2019 à Westhoffen, non loin de Quatzenheim: là encore, 107 tombes juives souillées par la svastika nazie.

«Objectif raciste»

En l'espace d'un an, trois profanations majeures dans une région, l'Alsace, déjà frappée par plusieurs faits similaires par le passé.

Et qui s'inscrivent dans une longue série de dégradations qui frappent alors le Bas-Rhin: à la même période, de nombreux tags antisémites, antimigrants, xénophobes ou haineux apparaissent en effet sur les murs de mairies, de maisons, sur des wagons... Au total, une cinquantaine de cas sera recensée entre juin 2018 et janvier 2020. Depuis, plus rien.

Rapidement, les investigations privilégient la piste néonazie, avec une pluralité de scripteurs. Chargés des investigations, les enquêteurs de la gendarmerie passent la mouvance au crible: les profils de centaines de personnes sont décortiqués, sans résultat pour le moment.

Ces enquêtes sont souvent «très complexes» à mener et «nous n'avons à ce stade identifié aucune personne susceptible de se voir reprocher les faits», explique à l'AFP Aline Clérot, procureure de la République de Saverne, où la profanation de Westhoffen est instruite. Celles de Herrlisheim et Quatzenheim le sont au tribunal judiciaire de Strasbourg, dont le parquet n'a pas souhaité communiquer.

Les auteurs des profanations, idéologiquement structurés et prudents dans leur mode opératoire, ont laissé peu de traces. «Ils ont voulu marquer les esprits» et avaient un «objectif politique et raciste», note Me Raphaël Nisand, l'avocat du Consistoire israélite du Bas-Rhin, chargé du patrimoine juif dans le département (45 cimetières et 27 synagogues).

«Unique en France»

Les relevés de police scientifique n'ont rien donné «de probant à ce stade», a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. Mais la «grande quantité d'informations» engrangée pourra «se révéler utile le moment venu».

Car, si deux ans après la première profanation d'Herrlisheim, aucun suspect n'a encore été arrêté, les enquêteurs demeurent déterminés à ne «rien lâcher. (...) Ce sont des faits graves qui portent atteinte à certains principes de la République», insiste cette source.

Chargée de l'enquête, la cellule de la section de recherches (SR) de la gendarmerie de Strasbourg, baptisée «Tags 67», poursuit ses investigations.

«Toute la 'machine gendarmerie' s'est mise en branle» pour cette enquête «hors norme et unique en France», ajoute cette même source. Une «mobilisation exceptionnelle» mêlant des moyens à la fois «locaux» et «nationaux», comme l'Institut de Recherche Criminelle de la gendarmerie (IRCGN) et l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH).

Le président du Consistoire israélite du Bas-Rhin, Maurice Dahan, «salue» notamment «le travail des enquêteurs totalement impliqués», même si ces derniers rencontrent de «grandes difficultés par rapport à une enquête plus classique», constate la source proche du dossier. Le manque de témoignages, notamment, complique leur tâche.

«Veilleurs de mémoires»

«Les gens sont honnêtes: s'ils disent qu'ils n'ont rien vu, c'est qu'ils n'ont rien vu», balaye le maire de Westhoffen, Pierre Geist. Celui-ci rappelle que le cimetière juif de son village «n'est pas éclairé» et a «sans doute» été profané «de nuit», à un moment où les témoins potentiels sont plutôt rares. «Si des gens avaient vu ou su quelque chose, ils l'auraient dit», abonde Jacky Wagner, maire de Quatzenheim.

Responsable du patrimoine au Consistoire, Yoav Rosano insiste lui sur l'implication des «veilleurs de mémoires», un réseau de bénévoles, juifs et non-juifs, qui surveillent depuis fin 2019 les cimetières israélites en Alsace.

«Ca marche très bien, les gens viennent spontanément», explique M. Rosano, qui se réjouit que la majorité des cimetières juifs alsaciens soient désormais «veillés».

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ATS