Affaire Khashoggi Cinq peines de mort prononcées

ATS

23.12.2019 - 21:11

Cinq Saoudiens poursuivis pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi ont été condamnés à mort par un tribunal de Ryad. La justice saoudienne a en revanche disculpé deux des principaux suspects, un conseiller royal et un chef du renseignement.

Jamal Khashoggi, un collaborateur du Washington Post, a été assassiné à 59 ans, en octobre 2018 lors d'une opération qui a plongé l'Arabie saoudite dans l'une de ses pires crises diplomatiques. Elle a terni l'image du prince héritier Mohammed ben Salmane, soupçonné d'être le commanditaire du meurtre.

Critique du régime saoudien après en avoir été proche, le journaliste a été étranglé et son corps découpé en morceaux par une équipe de 15 hommes venus de Ryad dans le consulat du royaume à Istanbul, selon les responsables turcs. Ses restes n'ont jamais été retrouvés. Après avoir donné plusieurs versions du meurtre, les autorités de Ryad avaient fini d'admettre qu'il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls et sans ordre de hauts dirigeants.

«Le tribunal a condamné à mort cinq hommes qui ont directement participé à l'assassinat», a indiqué le procureur dans un communiqué. Aucune accusation n'a été retenue contre Saoud al-Qahtani, un proche conseiller du prince héritier, a ajouté le procureur, indiquant que l'ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, a été acquitté.

Qui a supervisé l'assassinat?

Le général Assiri était soupçonné d'avoir supervisé l'assassinat du chroniqueur du Washington Post et d'avoir été conseillé par Saoud al-Qahtani, confident du prince héritier. Saoud al-Qahtani a été interrogé mais n'a pas été inculpé «faute de preuves» et le général Assiri a été inculpé mais acquitté pour les mêmes raisons, selon le communiqué du procureur général.

Conseiller royal, Saoud al-Qahtani qui a dirigé de violentes campagnes sur les réseaux sociaux contre les opposants saoudiens, n'est pas apparu en public depuis le début de l'affaire.

Maher Mutreb, un agent du renseignement qui voyageait fréquemment avec le prince héritier lors de ses déplacements à l'étranger, l'expert médico-légal Salah al-Tubaigy et Fahad al-Balawi, un membre de la garde royale saoudienne, faisaient partie des personnes inculpées dans l'affaire, ont indiqué des sources proches du dossier à l'AFP. Il n'est pas clair s'ils faisaient partie ou non des condamnés à mort.

Ces sources ont indiqué que beaucoup de ces accusés se sont défendus devant le tribunal en affirmant qu'ils exécutaient les ordres d'Assiri, le décrivant comme le «chef de file» de l'opération. Sur les onze personnes qui ont été inculpées dans cette affaire, cinq ont été condamnées à mort, trois à des peines de prison totalisant 24 ans, et les autres ont été acquittées. Les condamnés peuvent interjeter appel, selon le texte du communiqué.

«Pas prémédité»

Le tribunal de Ryad chargé de l'affaire a tenu au total neuf audiences en présence de représentants de la communauté internationale ainsi que de proches de Jamal Khashoggi selon le communiqué. «Nous avons conclu que le meurtre de Khashoggi n'a pas été prémédité», précise le texte.

La CIA et une experte de l'ONU ont mis en cause dans l'assassinat le prince héritier saoudien et homme fort du pays qui dément avoir ordonné l'assassinat du journaliste critique même s'il dit en porter la responsabilité en tant que dirigeant du royaume.

Le meurtre de Khashoggi a choqué le monde à un moment où l'Arabie saoudite et son homme fort, le prince Mohammed, menaient une campagne de relations publiques pour donner au royaume ultraconservateur l'image d'un Etat moderne. Les Nations unies et les groupes de défense des droits humains ont demandé qu'une enquête indépendante soit menée sur ce meurtre.

Verdict fortement critiqué

Le verdict a suscité de nombreuses réactions. «Le verdict sert à blanchir et n'apporte ni la justice ni la vérité pour Jamal Khashoggi et ses proches», a dénoncé Lynn Maalouf, directrice des recherches sur le Moyen-Orient pour Amnesty International, évoquant un «procès tout à fait injuste».

Pour le secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières, Christophe Deloire, ces cinq condamnations à mort pourraient être «un moyen de faire taire à jamais des témoins de l'assassinat». De son côté, Agnès Callamard, rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions sommaires, a jugé lundi que le meurtre de M. Khashoggi est une «exécution extrajudiciaire dont l'Arabie saoudite est responsable».

A Londres, le Foreign Office a demandé au gouvernement saoudien de «s'assurer que tous les responsables (de ce meurtre) rendent des comptes». La Turquie a estimé que le verdict est «loin de répondre aux attentes de notre pays et de la communauté internationale».

Un pas important selon Washington

Les Etats-Unis se sont quant à eux bornés à considérer cette condamnation «de pas important». «Les verdicts d'aujourd'hui sont un pas important pour faire payer tous ceux qui sont responsables de ce crime terrible», a dit un haut responsable américain.

«Nous avons encouragé l'Arabie saoudite à engager un processus judiciaire juste et transparent et nous continuerons à le faire», a-t-il ajouté. Le gouvernement de Donald Trump a toujours pris soin de ne pas imputer une telle responsabilité à Mohammed ben Salmane, donnant ostenstiblement la priorité au maintien de bonnes relations avec le royaume saoudien.

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