«Vols avec ruse» Ces faux policiers qui détroussent les seniors - procès à Paris

AFP

27.3.2024

Ils se déguisent en policier, plombier ou agent des eaux et détroussent à la chaîne des personnes âgées chez elles, en leur présence. Chaque mois en France ont lieu en moyenne plus de 730 de ces vols dits «avec ruse».

Les malfrats se présentent chez leur victime, déguisés en policiers ou en plombiers. (image d'illustration)
Les malfrats se présentent chez leur victime, déguisés en policiers ou en plombiers. (image d'illustration)
IMAGO/Panthermedia

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En France en 2022, 7860 vols de ce type ont été recensés, selon une source policière, pour les deux tiers en milieu urbain.

À ce bilan s'ajoute pour la seule zone de Paris et sa petite couronne un millier de vols chez l'habitant ou dans un entrepôt, selon la préfecture de police.

Mardi devant le tribunal correctionnel de Paris, c'est un quatuor d'escrocs présumés qui comparaît: Nicolas D., artisan, Tony D. qui fait les marchés, Marcel, paysagiste, et son père Georges V., un retraité malvoyant et large d'épaules. Tous sont sous contrôle judiciaire, et taiseux.

Ils sont poursuivis pour complicité ou vols aggravés par trois circonstances: en réunion, avec usurpation de la qualité d'un dépositaire de l'autorité publique et dans un lieu d'habitation.

Les victimes ont entre 83 et 96 ans au moment des faits, en 2019. Parmi elles, une dame «un peu sourde», un homme vouté par l'arthrose et une figure de l'émission «Cinq colonnes à la Une». L'une a été abordée au retour de courses, d'autres sont sollicitées directement dans leur appartement.

Une mécanique bien huilée

A chaque fois, un même modus operandi. Un premier homme, en uniforme, s'introduit dans l'immeuble de la victime. Suivent deux complices, têtes baissées avec lunettes de soleil et casquettes, ou abritées sous un grand parapluie de golf noir. Dans la rue, le quatrième larron attend, au volant d'une voiture.

Sur le palier de la victime, le premier prétexte un relevé de compteur d'eau, ou une suspicion de fuite dans la salle de bain en raison de travaux dans le quartier, et s'introduit dans l'appartement.

Quelques minutes plus tard les deux prétendus policiers se présentent, d'«assez grandes» cartes de fonctionnaires à l'appui, d'ancien modèle. Ils assurent rechercher un faux agent et invitent la victime à vérifier que rien de valeur n'a été dérobé.

A leur départ, après parfois une simulation d'arrestation, la victime ne peut que constater la duperie. Ici un vase, une carte bancaire, une pièce en or napoléon envolés, là une enveloppe avec 10'000 euros ou une bague de fiançailles sertie d'un saphir.

Les images de vidéosurveillance permettront de remonter jusqu'aux quatre hommes, qui nient en bloc.

Victime «extrêmement traumatisée»

La fille d'un couple réclame plusieurs milliers d'euros pour les préjudices moraux subis par ses parents, sa mère «terrorisée à l'idée d'être séquestrée par des hommes», son père «obsédé par la fermeture des portes».

«Ma cliente est extrêmement traumatisée» après le passage de «ces pieds nickelés» dont l'intrusion «bouleverse la confiance» et «la qualité de vie», a plaidé Me Carole Delestrade pour une autre victime.

Dans ce genre d'affaire, «on vient profiter de l'âge des victimes» et de «leur  vulnérabilité», des «personnes qui font confiance» et sont abusées, a souligné le procureur Alexandre Le Bideau dans ses réquisitions.

«Professionnalisation»

Ce type de vols se déroule pendant la journée, notamment entre 10H30 et 13H00. Il survient surtout en début de semaine, et pratiquement jamais le samedi et le dimanche, décrypte le service d'information et de communication de la police nationale.

La fausse qualité présentée par les malfaiteurs s'est élargie: faux policiers, agents des Postes, Engie, Enedis, ramoneurs... Selon la police, sont particulièrement ciblées des personnes âgées de plus de 70 ans, vivant seules et dans des quartiers cossus.

Grâce à la diversité des fausses qualités présentées, les scénarios possibles sont multiples et «une certaine professionnalisation des malfaiteurs a été constatée», selon la même source qui mentionne des préjudices de «niveaux très différents», allant de plusieurs centaines d'euros à plusieurs centaines de milliers d'euros.

De la Corrèze à la Normandie, mairies et préfectures mettent donc régulièrement en garde. À Paris, la préfecture de police organise avec des associations et compagnies d'assureurs des rencontres avec les seniors, dans les mairies ou les marchés, avec la participation de soignants, pour sensibiliser au phénomène.

al/bfa/or