Cuquettes, totché, cougnarde...Connaissez-vous les spécialités culinaires de votre canton?
Valérie Passello
14.2.2025
Le Suisse est gourmand, c'est connu, et vu le nombre de spécialités cantonales, impossible de faire le tour du pays sans se régaler! Mais êtes-vous vraiment incollables sur le patrimoine culinaire helvétique ou, tout au moins, sur celui de votre canton? Petit tour d'horizon non exhaustif, pour se mettre en appétit et en apprendre davantage sur l'histoire de ces produits.
Il existe en Suisse de nombreuses variantes de gâteaux à la crème.
Le patrimoine culinaire suisse est riche. Nombreux sont les produits du cru qui font partie de notre paysage, à tel point qu'on a tendance à oublier qu'il s'agit de mets typiques de notre coin de pays. Voici quelques-unes des spécialités des cantons romands. Les connaissiez-vous?
Vaud
Pas moins de 31 produitsvaudois figurent dans le patrimoine culinaire helvétique. Notons par exemple le gâteau à la papette: il s'agit d'une tarte de pâte brisée garnie d'un mélange de pruneaux et de raisins secs cuits et broyés. Cette spécialité, que l'on l'appelle aussi «gâteau noir», vient de la Vallée de Joux et était traditionnellement consommé à Nouvel-An ou la semaine suivante.
Dans les Ormonts, les habitants connaissent bien ce grand pain rond et plat: la flange. Il se raconte que cette galette de 50 cm de diamètre pour 3 cm d'épaisseur, trouée en son centre, était surtout confectionnée lorsque l'on faisait boucherie, puisque le boucher amenait alors le saindoux au boulanger. Le trou servait à entreposer les flanges en les suspendant dans les greniers, hors de portée des rongeurs. Aujourd'hui néanmoins, ce pain a presque disparu de la circulation.
Côté boissons, le Bitter des Diablerets est unique en son genre. On ne sait pas exactement de quoi il est composé, puisque sa recette est «top secrète». On sait toutefois qu'il contient de la gentiane, de l'écorce d’orange, des herbes des montagnes, et une quinzaine de racines diverses. Selon la légende, les survivants de l'éboulis de Derborence, coincés sous les rochers, auraient survécu en suçant des racines: ainsi serait né cet apéritif amer!
Genève
Elles ne sont que 8 spécialités genevoises à figurer, à ce jour, au patrimoine culinaire suisse. Parmi celles-ci, il y a la Longeole. Au bénéfice d'une Indication géographique protégée (IGP), cette sorte de saucisson bien gras est long à préparer: la longeole doit être cuite entre 2 et 3 heures dans une eau à peine frémissante. Malgré sa valeur patrimoniale incontestée, elle a perdu en popularité avec le temps. Pourtant, dans les années 1930, les Foires aux Longeoles attiraient les foules!
Typiques de Genève, il y a les rissoles aux poires. Ces chaussons de pâte (feuilletée ou brisée, selon les recettes) sont fourrés avec... des poires à rissoles, bien sûr! Il s'agit de variétés de poires à la chair très dure et longue à cuire.
Et si vous êtes genevois (mais aussi vaudois ou valaisan), peut-être avez-vous déjà dégusté la chèvre? Aussi connue comme étant le «champagne du pauvre», cette mixture est décrite ainsi sur le site du patrimoine culinaire suisse: «Une boisson à base de jus de pommes ou de raisin fermenté, servie sous forme de mousse à la sortie du tonneau. Le nom du produit provient peut-être de la ressemblance entre l’aspect du lait sortant du pis de la chèvre et celui de cette boisson mousseuse qui sort du tonneau par un robinet spécial».
Valais
Chez les Valaisans, 23 produits sont listés dans le patrimoine culinaire suisse. Avez-vous, par exemple, déjà entendu parler du Lammlidji? C'est une spécialité haut-valaisanne: du gigot d'agneau séché. Le séchage de la viande, en Valais, est le fruit d'une longue tradition. Mais celui de la viande ovine est plus rare.
Voilà un gâteau fort réconfortant: la Salée du Val-d'Illiez. Contrairement à ce que laisse entendre son nom, c'est une spécialité sucrée. C'est un gâteau de pâte levée, recouvert de sablé. Il est assez différent de la salée au sucre vaudoise, qui, elle, appartient à la grande famille des gâteaux à la crème (gâteau du Vully, taillé de Goumoens, totché...).
La Cressin est aussi une spécialité du Valais. Il en existe de multiples variantes. C'est un produit de boulangerie rond, fait à base de pâte à tresse, dans lequel on glisse différentes épices en fonction des recettes locales. La Cressin peut se présenter sous forme de brioche ou plutôt comme un pain. Elle pourrait s'apparenter à la cuchaule des Fribourgeois, mais sans le safran!
Fribourg
Avec 30 spécialités inscrites au patrimoine culinaire suisse, les Fribourgeois comptent parmi les Romands les plus gourmands et les plus créatifs en matière de spécialités du cru, juste derrière les Vaudois. Plusieurs produits sont directement liés à la fête de la Bénichon, tradition incontournable célébrant la fin des récoltes et la descente des troupeaux de l’alpage.
Les cuquettes, par exemple, font partie des gourmandises confectionnées à cette occasion. Ces biscuits feuilletés en forme de disque et saupoudrés de sucre n'existent que dans le canton de Fribourg. On les consomme avec les croquets, des biscuits secs traditionnels très croustillants et les pains d'anis fribourgeois, des biscuits en forme d'anneau.
N'oublions pas, non plus, l'inimitable moutarde de Bénichon, un produit à tartiner à base de moutarde, de vin blanc, de vin cuit et d'épices, au goût piquant et épicé. Un produit qui se consomme généralement sur une tranche de cuchaule, célèbre brioche au safran, au bénéfice d'une appellation d’origine protégée (AOP) depuis 2018.
En-dehors de la Bénichon, le canton de Fribourg a encore bien d'autres délices à proposer, comme le gâteau bullois, un gâteau fourré aux noix caramélisées, similaire à celui des Grisons mais enrobé de chocolat, ou encore l'Agathabrötli (oui, Fribourg est bilingue!), un petit pain en forme de bretzel originaire de Plaffeien, qui a la particularité d'être béni le 5 février, jour de la Sainte Agathe.
Jura
13 spécialités jurassiennes figurent à ce jour au patrimoine culinaire suisse. Mais s'il n'y en a pas beaucoup, certaines sont célèbres bien au-delà des frontières du canton. C'est le cas du totché, un gâteau à la crème aigre, élaboré à partir de pâte levée. Consommé toute l'année, il fait partie intégrante du repas de la Saint-Martin.
La damassine n'est pas en reste en termes de célébrité. Cette eau-de-vie est confectionnée à partir de damassons rouges, des petites prunes typiques du canton du Jura. Elle a obtenu son AOP au début des années 2000.
Le Jura est aussi producteur du fameux pâté des princes-évêques: un pâté en croûte de forme rectangulaire, toujours plus large que haut, pesant plusieurs kilos et «caractérisé par une farce à base de foie et de cervelle, de pain trempé, d’œufs, d’oignons et éventuellement d’un peu de poireaux étuvés», dit la description du patrimoine culinaire. Ce produit, originaire de Porrentruy, n'a pas changé de nom depuis 700 ans!
Neuchâtel
Les Neuchâtelois peuvent se targuer d'avoir 19 spécialités inscrites au patrimoine culinaire helvétique. D'abord, cela peut paraître étrange pour les non-initiés, il y a le jambon cuit dans l'asphalte! C'est un jambon normal, mais c'est sa cuisson qui en fait la particularité. Et cette coutume puise son origine dans l'exploitation des mines d’asphalte du Val-de-Travers, où ce plat représentait à l’époque un repas de fête lors de la Sainte-Barbe, la fête des mineurs. Si les mines ne sont plus exploitées aujourd'hui, le jambon cuit dans l'asphalte se déguste toujours.
Autre gourmandise propre au canton: le gâteau aux noisettes. S'il en existe de multiples variantes dans toute la Suisse, celui de Neuchâtel est garni d’une pâte de noisettes grillées et concassées et recouvert d’une couche de glaçage. Pour ce qui est de son histoire, apprend-on sur le site du patrimoine culinaire suisse, ce gâteau serait l’invention de la confiserie Zürcher, à Colombier: «Selon Philippe Zürcher, l’actuel héritier, il s’en faisait déjà à l’ouverture de la boulangerie en 1832; mais c’est son grand père qui a développé la production à l’aube de la Première Guerre mondiale».
Neuchâtel partage en outre une spécialité avec les cantons de Vaud et Fribourg: la cougnarde, raisinée ou vin cuit. Cette préparation est un jus concentré de pommes, poires ou raisins, que l'on utilise surtout pour faire des tartes, de nos jours. Mais dans des temps plus anciens, on la consommait sur du pain ou des pommes de terre.
Berne
Avec 34 spécialités enregistrées au patrimoine culinaire suisse, Berne est le champion de la gourmandise! À noter que beaucoup de produits bernois partagent leur origine avec d'autres cantons.
Typiquement bernois, le Blauer Kuchen ne se trouve nulle part ailleurs. Il s'agit d'une pâtisserie ronde entaillée sur le dessus, à base de pâte feuilletée au beurre, spécialité du Frutigtal bernois. Sa particularité, c'est qu'il ne contient aucune garniture. Mais on le mange avec du fromage, du beurre et de la confiture ou un bon café au lait.
Autre curiosité: une espèce d'eau-de-vie... sans alcool, le Chörbliwasser. C'est un liquide distillé à base d’eau et de cerfeuil anisé frais, à l'aspect laiteux. Le Chörbliwasser se déguste frais et pur, on peut aussi le diluer avec de l’eau. Et cet étrange produit s’emploie aussi en usage externe, sur des plaies ou pour certaines affections de la peau, comme le psoriasis ou le pus. Il purifierait le sang et ferait baisser la pression artérielle!
Et pour terminer, vous prendrez bien une petite tranche de Gumpesel: cette saucisse fumée à base de porc et de boeuf fait partie des spécialités de Meiringen. Selon le site du patrimoine culinaire suisse, l’armée commande volontiers les Gumpesel pour son assortiment de «survie». Les soldats apprécient ce produit lorsqu’ils n’ont pas la possibilité de manger les plats préparés par la cuisine de la troupe.