Un ancien haut fonctionnaire rwandais a été reconnu coupable d'avoir pris part au génocide des Tutsis en 1994 dans son pays. Il a été condamné pour «crime de génocide», jeudi soir par la cour d'assises de Bruxelles, ce qui est une première en Belgique.
Fabien Neretsé, Hutu de 71 ans, qui clame son innocence, a également été condamné pour neuf «crimes de guerre» commis à Kigali en avril 1994, et deux autres au cours des semaines suivantes dans des zones rurales loin de la capitale. Il encourait la perpétuité.
Il est resté impassible à l'énoncé du verdict. Sa peine fera l'objet d'une seconde décision, vraisemblablement vendredi, à l'issue d'un dernier échange entre le représentant du parquet fédéral et la défense de l'accusé.
La qualification de «crime de génocide» n'avait pas été retenue lors des quatre premiers procès de génocidaires rwandais organisés à Bruxelles, en 2001, 2005, 2007 et 2009.
Volonté de «détruire» une ethnie
«La principale défense de Fabien Neretsé, c'est de contester la crédibilité des nombreux témoins qui l'accablent», a lancé le procureur Arnaud d'Oultremont. Or «évidemment non» les témoins ne mentent pas, selon le magistrat. «C'est M. Neretsé qui vit dans le mensonge depuis 25 ans», a-t-il fustigé lors de son réquisitoire le 13 décembre.
Dans ce procès, entamé début novembre, les «crimes de guerre» reprochés à M. Neretsé étaient les meurtres de treize civils identifiés: onze à Kigali et deux dans des zones rurales loin de la capitale. En définitive, après 48 heures de délibérations, la cour et les jurés ont acquitté l'accusé pour deux des onze meurtres de Kigali.
Quant à l'accusation de «crime de génocide», elle recouvrait le fait de s'en être pris à un nombre indéterminé de personnes au nom de la volonté de «détruire» le groupe ethnique tutsi.
Sur ce point le jury a suivi entièrement la thèse de l'accusation. Le procureur fédéral avait assuré que ce crime était établi par la participation de M. Neretsé à des réunions publiques appelant à attaquer les Tutsi, et par le fait d'avoir fourni des armes à des miliciens extrémistes hutu.
Un ami des Tutsi
M. Neretsé, ingénieur agronome ayant fondé une école à Mataba, dans son Nord natal, a aussi dirigé entre 1989 et 1992 l'OCIR-Café, l'Office national de promotion de la caféiculture, un poste clé concernant une des ressources les plus exportées du Rwanda.
Il était considéré, d'après l'accusation, comme «un seigneur local» dans sa région, son influence étant notamment due à son activité au sein du MRND, l'ex-parti unique fondé par le président Juvénal Habyarimana.
Lui a assuré toutefois n'avoir été qu'«un membre non actif» du parti. Il s'est présenté comme l'ami des Tutsi. «Je ne cesserai de le répéter: je n'ai pas planifié, ni participé à ce génocide», avait-il martelé mardi, avant que le jury ne parte délibérer.
Arrêté en 2011 en France, où il avait refait sa vie professionnelle et bénéficiait du statut de réfugié, l'accusé n'a effectué que quelques mois de détention provisoire dans ce dossier.
Une plaignante déterminée
Sa comparution aux assises est en bonne partie due à la détermination de Martine Beckers, une Belge dont la soeur, le beau-frère tutsi et la nièce de 20 ans ont été abattus le 9 avril 1994 à Kigali avec des voisins tutsi.
M. Neretsé était un de leurs voisins dans la capitale rwandaise. Selon l'accusation, il a fait intervenir des hommes armés pour empêcher le groupe de se mettre à l'abri alors que les massacres avaient commencé.
La scène se passe trois jours après l'assassinat du président Habyarimana, considéré comme l'événement déclencheur du génocide qui a fait au moins 800'000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés.
Dès l'été 1994, Martine Beckers avait déposé plainte auprès de la police fédérale belge. Avec l'aide de témoins rwandais et de militants des droits de l'homme, elle est parvenue à remonter le fil des responsabilités présumées.
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