Carnet noirDécès du comédien Michel Bouquet à l'âge de 96 ans
bu
13.4.2022 - 20:24
Le comédien Michel Bouquet, monument du théâtre français, est décédé mercredi à l'âge de 96 ans. Il est connu pour avoir joué pas moins de 800 fois «Le roi se meurt» d'Eugène Ionesco et comme acteur sur grand écran chez Chabrol et Truffaut.
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13.04.2022, 20:24
ATS
L'acteur est décédé «en fin de matinée dans un hôpital parisien», a précisé son service de presse à l'AFP. Après 75 ans de carrière, il avait confié en 2019 à l'AFP qu'il ne remonterait plus sur scène.
Sur Twitter, le président Emmanuel Macron a rendu hommage à un homme qui, «sept décennies durant (...) a porté le théâtre et le cinéma au plus haut degré d'incandescence et de vérité, montrant l'homme dans toutes ses contradictions, avec une intensité qui brûlait les planches et crevait l'écran. Un monstre sacré nous a quittés».
Autre monstre sacré, Alain Delon s'est dit «profondément triste. Michel Bouquet était un très grand acteur. Nous avons tourné plusieurs films dont Deux hommes dans la ville et Borsalino. La seule chose qui me reste, ce sont de grands et beaux souvenirs», a-t-il confié à l'AFP.
Un étonnant Mitterrand à l'écran
Inoubliable dans «Le roi se meurt» et dans «L'Avare» de Molière mais tout autant au cinéma, ce géant de la scène a toujours affiché sa préférence pour le théâtre. «Au théâtre, la personnalité de l'auteur est tellement majestueuse, que ce soit Pinter ou Molière, qu'on ne fait qu'essayer de porter la parole le plus docilement possible. C'est l'oubli de soi qui est le plus important», confiait-il en 2019.
Il avait toutefois marqué le grand écran en incarnant un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans «Le Promeneur du Champs-de-Mars» de Robert Guédiguian (2004), avec un mimétisme qui troublera jusqu'aux proches de l'ancien président.
Il recevra le César du meilleur acteur pour ce film, après celui reçu quelques années auparavant pour le film d'Anne Fontaine «Comment j'ai tué mon père» (2002). «Le cinéma français perd aujourd'hui un comédien admirable et admiré», a réagi l'Académie des César.
Film suisse
En 2010, il avait porté le film suisse «La Petite Chambre» des réalisatrices lausannoises Stéphanie Chuat et Véronique Reymond. Ce film a été sacré meilleur film suisse de l'année en 2011.
Le film raconte l'histoire d'un vieil homme à l'indépendance farouche mais dont le coeur n'est plus très solide. Il acceptera pourtant l'aide de Rose, une jeune infirmière qui a connu une très douloureuse perte.
A l'écran, il aura aussi incarné des personnages secrets dans les films de Claude Chabrol ("La femme infidèle», «Poulet au vinaigre"). Il a également joué sous la direction de François Truffaut ("La mariée était en noir», en 1967, et «La Sirène du Mississippi» en 1968) et fut un magistral Javert, l'inspecteur pourchassant Jean Valjean dans «Les Misérables» de Robert Hossein (1982).
Humilité
Né le 6 novembre 1925 à Paris, fils d'un officier qu'il a peu connu car devenu prisonnier de guerre, Michel Bouquet doit son goût du spectacle à sa mère qui l'emmenait régulièrement à l'Opéra Comique.
«A chaque fois que le rideau se levait, il n'y avait plus l'horreur de la guerre, il n'y avait plus les Allemands autour (...), le monde irréel dépassait de très loin le monde réel. Ça a été le meilleur enseignement de ma vie», avait-il raconté.
Théâtre de l'après-guerre
Il a marqué le théâtre de l'après-guerre en faisant connaître en France l'oeuvre d'Harold Pinter et en se mettant au service de grands textes classiques (Molière, Diderot ou Strindberg) et contemporains (Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Albert Camus ou Thomas Bernhard).
«Michel Bouquet était un génie, un immense acteur. Je pense aussi au professeur de comédie qu'il était et qui a révélé des générations de comédiens», a réagi auprès de l'AFP l'acteur et le metteur en scène Nicolas Briançon.
«Il défendait une grande réflexion sur le jeu du comédien, dans le respect des auteurs, avec une grande humilité par rapport au texte. Il avait un discours d'exigence passionnée, avec un engagement permanent et à la fois beaucoup de sobriété dans le jeu».
«Il est de cette tradition, de cette race d'acteurs où quand ils évoquent quelque chose, immédiatement, les images nous parviennent», a pour sa part souligné Fabrice Luchini qui lui avait remis son Molière d'honneur en 2014.