L'Iran a annoncé mardi son intention de «commencer à enrichir l'uranium à 60%», niveau qui le rapprocherait d'une capacité d'utilisation militaire. Cette annonce intervient 2 jours après un «sabotage» de son usine de Natanz, que Téhéran impute à Israël.
Abbas Araghchi, ministre des Affaires étrangères adjoint, a fait cette annonce «dans une lettre à Rafael Grossi», directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), selon l'agence officielle, Irna.
La République islamique enrichit actuellement de l'uranium à 20% en isotope 235, bien au-delà de la limite de 3,67% fixée par l'accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
Un enrichissement à 60% le mettrait en mesure de passer rapidement aux 90% et plus, nécessaires pour une utilisation à des fins militaires. La République islamique a toujours nié vouloir se doter de l'arme nucléaire.
Irna ne précise pas à quelle date commenceraient ces activités qui marqueraient un pas supplémentaire dans la violation des engagements pris par l'Iran en 2015 pour limiter son programme nucléaire, au moment même où des discussions doivent continuer à Vienne pour sauver cet accord. Mais selon PressTV, chaîne d'information en anglais de la télévision d'Etat, cette mesure sera mise en oeuvre dès mercredi.
«Grâce à Netanyahu»
«Grâce au (Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu et à la pression maximale de Washington, l'Iran (...) va maintenant enrichir à des niveaux sans précédent, avec moins de surveillance internationale. Bravo à tous!», a commenté sur Twitter, non sans ironie, Ali Vaez, de l'organisation International Crisis Group.
En riposte au retrait américain en 2018 de l'accord international sur le nucléaire et au rétablissement par Washington de sanctions au nom d'une politique de «pression maximale» à son encontre, l'Iran s'est affranchi depuis 2019 de la plupart des engagements clés limitant ses activités nucléaires.
Dans sa lettre, M. Araghchi déclare que «1000 centrifugeuses supplémentaires d'une capacité 50% supérieure seront ajoutées aux machines présentes à Natanz, en sus du remplacement des machines abîmées» par l'explosion survenue dimanche dans ce complexe nucléaire du centre de l'Iran, ajoute Irna sans plus de précisions.
Rencontre Zarif-Lavrov
Ces annonces surviennent quelques heures après une rencontre à Téhéran entre le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, et son homologue russe, Sergueï Lavrov.
Plus tôt, la télévision d'Etat avait annoncé que M. Araghchi avait quitté Téhéran pour participer mercredi à Vienne à une réunion sur les discussions en cours.
Ces discussions sont destinées à réintégrer les Etats-Unis au sein de l'accord de 2015 et à ramener Téhéran à l'application stricte du texte, en échange de la levée des sanctions américaines.
Front uni
Moscou et Téhéran ont affiché mardi un front uni face à Washington et aux Européens. «Nous tablons sur le fait qu'on pourra sauvegarder l'accord et que Washington reviendra enfin à (sa) mise en oeuvre pleine et entière», a déclaré Sergueï Lavrov, aux côtés de Mohammad Javad Zarif. «Toutes les sanctions unilatérales prises à Washington en violation directe de l'accord doivent être annulées», a-t-il ajouté.
M. Lavrov s'en est pris avec virulence à l'UE et à sa décision de sanctionner huit responsables iraniens pour leur rôle dans la répression violente d'une vague de contestation en novembre 2019. «Si cette décision a été prise de manière volontaire en pleine négociations à Vienne (...), alors c'est une erreur qui serait pire qu'un crime», a-t-il lâché, appelant à «empêcher un échec des négociations».
«Mauvais pari» israélien
Téhéran a accusé Israël d'avoir saboté dimanche son usine d'enrichissement d'uranium de Natanz et a promis une «vengeance» en temps et en heure. Selon l'Iran, une «petite explosion» a entraîné une panne de courant et des dégâts «rapidement» réparables. Washington a nié toute implication.
Le New York Times, selon qui l'opération a été menée par les Israéliens, écrit mardi de Jérusalem, citant «un responsable des renseignements», qu'"un engin explosif a été introduit clandestinement dans l'usine.
«Les Israéliens, s'ils pensaient qu'ils pouvaient stopper les efforts de l'Iran pour faire lever les sanctions contre le peuple iranien, ont fait un très mauvais pari», a dit M. Zarif.