Les réseaux sociaux s'enflammentDésinformation et menace après le meurtre d'un assureur à New York
ATS
24.12.2024 - 07:38
L'assassinat du patron d'un géant de l'assurance santé aux Etats-Unis a déclenché un torrent de désinformation et de menaces en ligne. Cette situation montre l'échec des réseaux sociaux à modérer les contenus et fait craindre un potentiel basculement de certains internautes dans la violence.
Le suspect, Luigi Mangione, a été largement encensé sur Internet.
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24.12.2024, 07:38
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Le 4 décembre à l'aube, Brian Thompson, directeur général d'UnitedHealthcare, a été abattu froidement en pleine rue devant un hôtel à New York. Très vite, les publications ont fleuri sur les réseaux sociaux, entre critiques des assurances santé, soutien à ce crime, voire appels à la violence.
«Même s'il existe des désaccords sur quel contenu doit être modéré, voire s'il faut de la modération tout court, la plupart des gens mettraient en haut de la liste les 'menaces explicites de violence'», explique à l'AFP Jonathan Nagler, professeur à l'université de New York (NYU).
«Donc, voir des publications sur les réseaux sociaux qui encouragent explicitement la violence contre quiconque, notamment des patrons des compagnies d'assurance santé, suggèrent que la modération de contenus a échoué», ajoute-t-il.
Nancy Pelosi
L'entreprise Cyabra, spécialisée dans l'étude de la désinformation, a identifié des centaines de comptes sur X et Facebook, relayant des théories du complot concernant ce meurtre.
Certains vont jusqu'à affirmer que la femme de Brian Thompson était impliquée dans la mort de son mari à cause de tensions dans leur couple. D'autres déclarent, sans preuve, que Nancy Pelosi, ancienne présidente démocrate de la chambre des représentants, était derrière cet assassinat.
Plusieurs influenceurs ont également partagé ces théories sur les réseaux sociaux, avec des centaines de millions de vues à la clé, précise Cyabra. Dans une vidéo, identifiée comme fausse par l'organisme de lutte contre la désinformation NewsGuard, un homme présenté comme M. Thompson admettait avoir travaillé avec Nancy Pelosi.
Mais dans cette ancienne vidéo datant de 2012, l'homme était en réalité un homonyme. Ce Brian Thompson a, par la suite, été obligé de clarifier sur X qu'il n'était pas le patron d'UnitedHealthcare. Son démenti n'a fait qu'environ 150 vues, contre plusieurs centaines de milliers pour les publications relayant la fausse information.
«Haine incontrôlée»
Ce meurtre et les commentaires l'accompagnant a aussi souligné la colère de la population contre les assurances santé privées aux Etats-Unis, accusées de refuser régulièrement de prendre en charge des frais médicaux. De nombreux commentaires visant le système de santé américain se sont ainsi transformés en menaces ciblées à l'encontre de patrons médiatisés.
Des hashtags comme «directeur général assassin» se sont multipliés et sur plusieurs publications on pouvait lire: «Qui sera le prochain Brian Thompson?»
Certains ont également menacé directement le directeur général de l'assureur Humana, Jim Rechtin, et Andrew Witty, d'UnitedHealth Group, la société mère de l'entreprise de M. Thompson.
«Le danger ici est clair: la haine et la désinformation incontrôlées en ligne peuvent déboucher sur de la violence dans le monde réel», alerte auprès de l'AFP Dan Brahmy, directeur de la société Cyabra.
Interrogées sur ces menaces, ces entreprises n'ont pas répondu à l'AFP. Depuis l'assassinat, des sociétés américaines ont renforcé la sécurité aux bureaux comme aux domiciles des dirigeants, certaines allant jusqu'à leur demander de supprimer leur empreinte numérique, ont affirmé des médias américains.
«Pouvoir inquiétant»
Le suspect, Luigi Mangione, a, quant à lui, été largement encensé sur Internet, démontrant, selon M. Brahmy, «le pouvoir inquiétant de réseaux sociaux sans modération», qui amplifient les discours violents.
La modération de contenu a souvent été décriée, notamment aux Etats-Unis, par des élus conservateurs la qualifiant de «censure» sous couvert de lutte contre la désinformation.
Des réseaux sociaux, comme X, ont réduit leurs équipes de modération. Ces décisions, pour les chercheurs, les transforment en foyer de désinformation et de haine.
«Alors que les plateformes sont confrontées à plusieurs défis pour modérer, il est impératif que les entreprises, les gouvernements et les utilisateurs restent vigilants face à l'influence disproportionnée d'acteurs nuisibles, qui exploitent les tensions sociales pour manipuler les perceptions et les conversations publiques», affirme M. Brahmy.