EspaceDe l'espace aux abysses, la saga mouvementée de la fusée Ariane
AFP
2.7.2024
La fusée Ariane 6, qui doit effectuer son vol inaugural le 9 juillet depuis Kourou, est l'héritière d'une longue histoire de lanceurs européens, qui comporte, comme toute bonne saga, des hauts et des bas.
AFP
02.07.2024, 07:37
Gregoire Galley
Une veille de Noël 1979
La première née de la lignée s'appelle, en toute logique, Ariane 1. Il est 14H13 le 24 décembre 1979 quand la fusée décolle du pas de tir de Kourou, en Guyane française, pour la toute première fois. Initiée par le président français Georges Pompidou, dix ans plus tôt, la route fut longue avant cette veille de Noël historique pour l'espace européen.
Au début des années 1970, Américains et Soviétiques se partagent jalousement l’accès à l'espace. L'Europe, qui tente de se remettre de l'échec dans les années 1960 de son projet de lanceurs Europa, assiste, en spectateur, aux lancements de satellites et à l'alunissage de Luna 9 et des Apollo.
Dernier coup de pouce
C'est sous l'impulsion - et avec le financement à hauteur de 60% - de la France, forte de son expérience avec sa fusée Diamant, que le programme Ariane est adopté en 1973 à Bruxelles. Un nom en référence au récit mythologique selon lequel le fil donné par Ariane permit au héros Thésée de sortir du labyrinthe. Mais malgré la création en 1975 de l'ESA (Agence Spatiale Européenne), les doutes subsistent.
Le dernier coup de pouce au programme viendra involontairement d'Outre-Atlantique: les Etats-Unis acceptent de placer sur orbite le satellite franco-allemand de télécommunications Symphonie mais à une condition : pas d'utilisation commerciale. Un accès indépendant à l'espace devient une nécessité pour l'Europe, le programme Ariane aussi.
Dans l'Atlantique
Le 15 décembre 1979, une première tentative de décollage échoue mais neuf jours plus tard, Ariane 1 et ses 47,4 mètres de technologie s'envolent. L'année d'après, Arianespace est créé pour commercialiser ses vols. Ariane 2, Ariane 3 et Ariane 4, plus puissantes, succèdent à la fusée pionnière et effectuent leur premier vol respectivement en 1986, 1984 et 1988.
Malgré certains échecs, dont celui d'Ariane 3, qui finit dans l'Atlantique en 1985 sous les yeux du président François Mitterrand, le lanceur européen s'impose sur le marché.
Pour faire face à l'augmentation de la masse des satellites, le programme Ariane 5 est voté en 1987 au conseil européen de La Haye et le lanceur est entièrement refondu.
De Rosetta à Juice
La nouvelle Ariane explose après le décollage lors de son vol inaugural en 1996 et rejoint son aînée dans l'océan en 2002 mais enchaîne ensuite 82 succès d'affilée et devient la fusée phare de Kourou.
Elle accumulera 27 ans de carrière, 117 vols et des passagers prestigieux comme la sonde Rosetta en 2004 qui lâcha Philae sur la comète «Tchouri». Ou encore le télescope James Webb en 2021, joyau de la Nasa qui ne cesse depuis d'éblouir les astronomes et en 2023, la sonde Juice, toujours en chemin vers Jupiter.
Rapidement leader sur le marché commercial des satellites - les autres Etats disposant d'un accès à l'espace se focalisant alors sur leurs besoins nationaux - Ariane 5 souffre ensuite de la montée en puissance de l'Américain SpaceX.
Elon Musk et Falcon 9
Dès 2015, il décolle plus de Falcon-9 que d'Ariane 5 et en 2023, l'année de la mise à la retraite du lanceur européen, la société d'Elon Musk écrase le marché mondial avec 96 lancements de son gros lanceur (contre deux pour Ariane 5). De nouveaux concurrents, comme la Chine ou l'Inde, sont également entrés en scène.
Les Européens espèrent retrouver un accès autonome à l'espace et relancer la saga aux 261 vols avec le vol inaugural d'Ariane 6, prévu le 9 juillet.