Le tribunal correctionnel de Paris, devant lequel s'est ouvert lundi le procès fleuve du Mediator, s'est dit conscient de l'«impatience» et de la «frustration» de l'ensemble des parties. Neuf ans après la révélation du scandale.
Ce procès pénal hors norme s'ouvre «dix ans presque jour pour jour après la suspension de la commercialisation (du Mediator), huit ans après l'ouverture d'une information judiciaire», a rappelé la présidente Sylvie Daunis en ouvrant les débats. «Le tribunal est conscient des sentiments d'impatience et de frustration, (...), des victimes, des témoins, des prévenus étant décédés entretemps, autant de personnes qui ne pourront pas s'exprimer», a-t-elle souligné.
Onze personnes morales et douze personnes physiques doivent comparaître jusqu'à fin avril 2020, dont les laboratoires Servier, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et plusieurs de ses membres mis en cause pour leurs liens avec le groupe pharmaceutique.
Cinq mis en cause sont décédés lors de l'instruction, dont le principal protagoniste, le fondateur des laboratoires Jacques Servier, mort en 2014 à 92 ans, au grand dam des victimes. «Certains se sont posé la question de savoir si ce procès était utile. Il appartient aux sociologues et à chaque citoyen de répondre à cette question, pas au tribunal», a poursuivi Sylvie Daunis.
Débats techniques
Mais «ce procès était incontournable à partir du moment où les juges d'instruction ont décidé qu'il y avait suffisamment de charges contre les prévenus pour les renvoyer devant le tribunal», a-t-elle pointé.
Expliquant quel serait le rôle du tribunal tout au long des débats, elle a indiqué qu'il n'était «pas compétent pour dire combien de morts le Mediator a pu causer» – «un tel travail» appartenant aux experts qui seront auditionnés – mais pour dire si les prévenus sont responsables des infractions qui leur sont reprochées.
«Le tribunal est là pour dire le droit, avec toute l'aridité que cela suppose», a insisté Sylvie Daunis, annonçant des débats «très techniques». Elle a conclu son propos liminaire en citant Mark Twain : «Le danger ce n'est pas ce qu'on ignore. C'est ce qu'on tient pour certain et qui ne l'est pas».
Jusqu'à son retrait du marché le 30 novembre 2009, le Mediator a été utilisé par cinq millions de personnes en France. Présenté comme un antidiabétique mais largement prescrit comme coupe-faim, il est à l'origine de graves lésions cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2100 décès, selon une expertise judiciaire.
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