Après l'argent caché, les montages offshore virtuoses : le procès des époux Balkany, centré la semaine dernière sur la fraude fiscale, a repris lundi à Paris pour un mois. Il sera consacré aux accusations, bien plus lourdes et complexes, de blanchiment et corruption.
Isabelle Balkany, 71 ans, hospitalisée depuis une tentative de suicide début mai, n'est toujours pas là. Patrick Balkany, 70 ans, maire LR de Levallois-Perret, a perdu de sa superbe de la première semaine.
L'air fatigué, les épaules légèrement voûtées, il est assis au côté de son fils Alexandre, venu répondre du blanchiment de la fraude fiscale reprochée à ses parents.
Le premier acte du procès s'est clos jeudi dernier par un réquisitoire contre un «acharnement à frauder» : le parquet national financier (PNF) a requis quatre ans de prison pour fraude fiscale, avec incarcération immédiate, contre Patrick Balkany, quatre ans dont deux avec sursis contre son épouse. Et l'inéligibilité maximale, dix ans, contre le maire et sa première adjointe.
Monde de l'offshore
L'acte II, qui occupera le tribunal jusqu'au 20 juin et dans lequel les Balkany encourent dix ans de prison, promet une plongée dans l'univers discret de l'offshore, avec ses montages virtuoses, de Suisse au Panama, et ses comptes bancaires nichés au Liechtenstein ou à Singapour.
Mais il faudra attendre encore pour entrer dans le vif du sujet: la journée de lundi a été consacrée à l'examen de recours de la défense – demandes de renvoi du procès, requête en suspicion légitime, sursis à statuer – qui ont été rejetés. Le tribunal a aussi décidé de joindre au fond les requêtes en nullité, c'est-à-dire qu'il se prononcera sur ces recours lors de son jugement final.
Par ailleurs, après le rejet vendredi de la demande de récusation du président du tribunal correctionnel qui juge Patrick Balkany, le parquet général de la cour d'appel a refusé lundi de saisir la cour de cassation d'une requête en dépaysement. La défense a annoncé faire appel de ce refus.
Trois autres prévenus
Outre les Balkany, trois autres prévenus entrent en scène : leur homme de confiance, Jean-Pierre Aubry, et l'ancien avocat Arnaud Claude. Les juges prêtent à ces fidèles un rôle central dans l'acquisition d'un somptueux riad à Marrakech en janvier 2010.
Manque à l'appel le richissime homme d'affaires saoudien Mohamed Al Jaber, représenté par son avocat à ce stade du procès et poursuivi pour corruption active.
Les Balkany, jugés notamment pour «blanchiment habituel de fraude fiscale aggravée», sont poursuivis pour avoir dissimulé au fisc plus de 13 millions d'euros (14,6 millions de francs) d'avoirs entre 2007 et 2014, à l'aide d'un chapelet de sociétés écrans.
En particulier deux luxueuses propriétés déjà au coeur du premier volet : le riad Dar Guycy de Marrakech, dont ils nient être propriétaires, et la villa Pamplemousse de Saint-Martin, qu'Isabelle Balkany a finalement reconnu avoir achetée grâce à un héritage.
«Corruption passive»
Le promoteur Al Jaber est poursuivi pour corruption active, pour avoir réglé une partie du prix de la villa de Marrakech en échange de délais de paiement supplémentaires dans un juteux marché immobilier à Levallois. Ce qui vaut à Patrick Balkany d'être jugé également pour corruption passive.
Jean-Pierre Aubry et Arnaud Claude sont jugés pour avoir mis en place le montage opaque qui entoure le riad, Alexandre Balkany pour avoir «couvert» ses parents en souscrivant des baux fictifs.
Cette enquête pour blanchiment et corruption avait démarré en 2013 après des révélations d'un ancien allié politique du couple, Didier Schuller. Elle avait conduit à l'ouverture d'une seconde enquête, pour fraude fiscale, après une plainte du fisc en 2015.
Dans ce premier dossier, il était reproché aux Balkany de n'avoir pas payé d'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés à 16 millions d'euros, et d'avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014. Le jugement dans ce premier volet est attendu le 13 septembre.
L'audience reprendra mercredi, avec le rapport du président sur le dossier de blanchiment.
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