France Dernière ligne droite dans le procès Tapie

ATS

31.3.2019 - 09:40

Le procès de Bernard Tapie, 76 ans, entre lundi dans la ligne droite. L'ancien patron de l'Olympique Marseille comparaît à Paris pour escroquerie et détournement de fonds publics. Il encourt sept ans d'emprisonnement et 375'000 euros d'amende (archives).
Le procès de Bernard Tapie, 76 ans, entre lundi dans la ligne droite. L'ancien patron de l'Olympique Marseille comparaît à Paris pour escroquerie et détournement de fonds publics. Il encourt sept ans d'emprisonnement et 375'000 euros d'amende (archives).
Source: KEYSTONE/AP/MICHEL EULER

Plus de dix ans après les faits et après trois semaines d'audience, le procès à Paris de Bernard Tapie pour «escroquerie» dans l'affaire de l'arbitrage controversé de 2008 entre lundi dans sa dernière ligne droite, avec le réquisitoire du ministère public.

Ce réquisitoire à deux voix est attendu à partir du milieu d'après-midi, après les plaidoiries des parties civiles.

M. Tapie, qui souffre à 76 ans d'un double cancer, est jugé depuis le 11 mars devant le tribunal correctionnel pour «escroquerie» et «détournement de fonds publics». Il encourt sept ans d'emprisonnement et 375'000 euros d'amende.

Il est reproché à l'homme d'affaires et à son ancien avocat Maurice Lantourne d'avoir organisé un arbitrage «truqué», en concertation avec l'un des trois membres du tribunal arbitral, le haut magistrat Pierre Estoup.

Revente d'Adidas

Ce recours à un tribunal privé, validé par Bercy, avait été mis en place à l'automne 2007 pour solder le feuilleutonesque et tentaculaire contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, lié la revente d'Adidas dans les années 1990.

Le 7 juillet 2008, le trio d'arbitres octroyait 403 millions d'euros à l'ex-patron de l'Olympique de Marseille, dont 45 millions – une somme inédite – pour son préjudice moral. Cette sentence et le fait qu'elle ne soit pas frappée de recours avait été jugée «scandaleuse» par une partie de la classe politique.

Elle a depuis été annulée au civil pour «fraude» et M. Tapie a été définitivement condamné à rembourser les sommes perçues, dont le montant est contesté.

L'absence de recours avait valu fin 2016 à la patronne du Fonds monétaire international (FMI) et ex-ministre de l'Economie Christine Lagarde d'être condamnée – mais dispensée de peine – par la Cour de justice de la République pour «négligence» ayant permis le détournement de fonds publics.

Son ancien directeur de cabinet, l'actuel PDG d'Orange Stéphane Richard, est jugé au côté de M. Tapie pour s'être rendu complice d'une «escroquerie» en faisant peser en faveur d'un arbitrage, tout comme les ex-dirigeants du CDR et de l'EPFR, entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama.

«Rien de nouveau»

M. Richard, dont l'avenir serait menacé à la tête de l'opérateur de téléphonie en cas de condamnation, a contesté devant le tribunal comme il l'a fait tout au long de l'instruction avoir caché à Mme Lagarde des notes hostiles à l'arbitrage et la présence de Bernard Tapie à une réunion cruciale à l'Elysée à l'été 2007.

L'homme d'affaires et son ancien conseil ont quant à eux surtout fait revivre au tribunal la genèse du dossier et ses détails très techniques, soutenant chacun leur tour la thèse d'une «fraude» initiale du Crédit Lyonnais.

Bernard Tapie, qui a insisté sur une instruction menée «à charge», s'est surtout posé en victime, s'attachant à tenter de démontrer que la banque avait coûté bien plus cher aux contribuables que lui.

L'arbitrage en lui-même n'aura été que superficiellement abordé, en l'absence pour raisons médicales de Pierre Estoup, 92 ans, soupçonné d'avoir «manipulé» ses deux co-arbitres pour rendre une décision favorable à Bernard Tapie.

C'est celui qui présidait le tribunal arbitral, l'ancien président du Conseil Constitutionnel Pierre Mazeaud, qui est venu à la barre défendre l'«impartialité» de la sentence, tandis que d'autres témoins, cités eux par le parquet, ont évoqué des «manipulations» lors de l'entrée en arbitrage. Mais les lignes n'ont pas bougé.

«Cette audience n'a rien apporté de nouveau. Chaque prévenu s'est arc-bouté sur ses positions, (...) malgré le fait que la présidence a laissé chacun s'exprimer aussi longtemps qu'il le souhaitait», estime Me Benoît Chabert, l'avocat du CDR (Consortium de réalisation).

Du côté de la défense, un des avocats juge que les trois semaines de débats ont au contraire «mis en évidence toute une série de faits à décharge, qui ne figurent pas dans l'ordonnance de renvoi, ni dans le réquisitoire».

Les plaidoiries de relaxes de la défense débuteront mardi matin et doivent s'échelonner sur trois et éventuellement quatre jours.

Parties civiles, l'Etat et le CDR demandent le paiement solidaire de 525 millions d'euros de dommages et intérêts. Ils réclament en outre respectivement un million et 500'000 euros au titre du préjudice moral.

Le jugement n'est pas attendu avant plusieurs semaines.

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