Prisonniers de l’hôpital Des cliniques enferment des patients jusqu’à ce qu’ils payent

AP

8.2.2019

Dans environ 30 pays du globe, des patients peuvent être gardés captifs dans des établissements de soins lorsqu'ils ne peuvent pas payer la facture, et ce jusqu’à ce que le traitement soit réglé. Ce sont principalement des cliniques asiatiques et africaines qui retiennent les patients démunis, tandis que les autorités et les bailleurs de fonds internationaux détournent le regard.

Robert Wanyonyi souffre de paralysie en raison d’une attaque menée sur son commerce. Il y a plus d’un an, il a été déposé à l’hôpital national Kenyatta de Nairobi (Kenya), alors qu’il souffrait de blessures par balles. Les médecins ne peuvent plus rien faire pour lui, mais il se trouve cependant toujours alité au quatrième étage de la clinique. En effet, il ne peut pas régler la facture d’environ 35'000 euros. À l’instar de beaucoup d’hôpitaux à travers le monde, c’est la devise suivante qui est appliquée: celui qui ne paye pas, ne sort pas.

L’agence de presse AP a découvert des preuves de ces emprisonnements dans plus de 30 pays du globe. Pour ce faire, elle a passé au crible des documents hospitaliers, des listes de patients et mené des entretiens avec des dizaines de médecins, d’infirmiers, de chercheurs en médecine, de patients et d’administrateurs.

Parmi ces pays figurent les Philippines, l’Inde, la Chine, la Thaïlande, la Lituanie, la Bulgarie, la Bolivie et l’Iran. Pour mettre en œuvre ces mesures, les cliniques s’arment, verrouillent les portes et vont même parfois jusqu’à poser des chaînes. Même la mort ne libère pas forcément. Selon des données officielles, certains hôpitaux kenyans, ainsi que des morgues, entreposent des centaines des cadavres jusqu’à ce que leurs familles puissent payer les factures.

Des millions de patients sont probablement concernés

En RDC (République démocratique du Congo), parmi les 20 établissements visités, il n’y avait qu’une seule clinique qui ne retenait pas les patients. «Il est évident que plus nous chercherons, plus nous en trouverons», déplore Ashish Jha, directeur du Harvard Global Health Institute. «Nous parlons ici de centaines de milliers de patients, si ce n’est des millions, touchés à travers le monde.»

Lors de plusieurs visites à l’hôpital national Kenyatta, une grande clinique que le Centre pour le contrôle et la protection des maladies des États-Unis a qualifié de centre d’excellence, il a été constaté que de nombreux ex-patients dans l’incapacité de payer étaient surveillés par des hommes armés en uniforme. Ces patients devaient dormir sur des draps à même le sol dans des salles closes. Un père n’a pas été autorisé à voir son jeune enfant enfermé. Le Ministre de la santé kenyan ainsi que la direction de la clinique n’ont pas voulu commenter.

Des experts de la santé qualifient de telles incarcérations de violations des droits humains. Toutefois, les Nations Unies, les autorités sanitaires des États-Unis et du monde entier, les organisations caritatives et les bailleurs de fonds demeurent silencieux.

Entre-temps, ces institutions injectent des milliards de dollars dans ces pays afin qu’ils luttent contre le SIDA et le paludisme ou renforcent leur système de soins de santé. «Les gens savent que des patients sont emprisonnés, néanmoins, ils se disent sans doute qu’il y a des problèmes plus graves à régler en matière de santé. Ils détournent donc le regard», explique Sophie Harman, experte en santé internationale de la Queen Mary University, à Londres.

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