«Le tourisme aide à maintenir le régime» Des victimes de la dictature critiquent le tourisme nord-coréen

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14.7.2019

Un voyage en Corée du Nord? Rien de plus qu’un endoctrinement des touristes par le régime, soutiennent des détracteurs de la dictature qui ont fui le pays. Les voyagistes s’opposent à ce point de vue.

Au départ, c’était une destination exotique pour les amateurs d’aventure. Cependant, la Corée du Nord se transforme de plus en plus en une destination prisée des touristes lambda. Le pays isolé attire les voyageurs occidentaux, principalement en raison du facteur chair de poule – beaucoup veulent savoir à quoi les choses ressemblent dans les coulisses du régime de Kim Jong-un.

C’est justement ce que critiquent vivement aujourd’hui des transfuges nord-coréens. Les détracteurs en exil de la dictature et les victimes du régime exhortent les touristes à se tenir à l’écart de la Corée du Nord. L’argument principal de ceux dont la famille et les amis sont emprisonnés: en s’ouvrant au tourisme, Pyongyang souhaite non seulement empocher des devises fortes, mais aussi endoctriner les visiteurs.

100'000 touristes l’an dernier

Compte tenu des infrastructures touristiques limitées, notamment en ce qui concerne les hôtels et les restaurants, les autorités nord-coréennes ont annoncé en mars l’instauration d’un nombre maximum de touristes: seules 1000 personnes sont autorisées à passer la frontière chaque jour.

L’écrasante majorité des visiteurs viennent de la Chine voisine. Au total, environ 100'000 touristes se sont rendus en Corée du Nord l’an dernier – presque exclusivement par groupes amenés dans des lieux choisis par le régime, notamment l’immense place Kim Il-sung, que l’on voit généralement remplie de soldats à la télévision.

Les visiteurs apprécient également la tour du Juche ainsi qu’une réplique du chalet où serait né Kim Jong-il, le père du dictateur actuel. Les rassemblements de masse, où des milliers d’enfants exécutent des chorégraphies, bien entendu à la gloire du pays et de ses dirigeants, constituent une autre attraction. Accompagné à chaque étape par des guides spéciaux, le voyage en tant que touriste est assorti de conditions.

Le tourisme critiqué

Les restrictions n’empêchent pas les touristes de visiter le pays. Les détracteurs du régime tentent désormais de lancer des appels: «Les touristes ne doivent pas mettre le pied en Corée du Nord», affirme ainsi Gyungbae Ju dans une interview accordée à «Deutsche Welle». «Quiconque se rend en Corée du Nord se fait manipuler par le régime.»

«Si on n’a pas l’occasion de voir à quel point les gens ordinaires vivent dans la misère, on pourrait penser que la Corée du Nord est un endroit sûr où l’on vit heureux», ajoute ce transfuge qui vit aujourd’hui en Corée du Sud. «Ce n’est pas un endroit sûr et les gens ne sont pas heureux.» Gyungbae Ju, dont le père et la sœur sont emprisonnés, poursuit: «On parle aux voyageurs en visite en Corée du Nord de la grandeur des Kim. Je le sais parce que c’est exactement ce que l’on m’a appris à l’école. Mais c’est un mensonge.»

Lui aussi interrogé par «Deutsche Welle», Kwangil Heo, qui a fui la Corée du Nord en 1985, identifie deux raisons principales pour lesquelles la Corée du Nord souhaite attirer plus de touristes étrangers: il s’agit d’une part de diffuser sa propagande et, d’autre part, d’empocher des devises fortes. «Depuis que les Nations Unies ont instauré des sanctions […], le tourisme est l’un des rares moyens dont ils disposent encore pour gagner de l’argent.»

«L’argent dépensé pour les touristes est directement acheminé vers le régime de Kim [Jong-un] et sert à acheter la loyauté des factions politiques et des chefs militaires. Le tourisme aide à maintenir le régime nord-coréen en vie», explique Kwangil Heo. Selon lui, le tourisme doit également être concerné par les sanctions.

Les arguments en faveur du tourisme

Naturellement, les voyagistes voient cela d’un autre œil: «Le tourisme ne soutient pas le régime nord-coréen», indique à «Deutsche Welle» Simon Cockerell, directeur d’une agence de voyages spécialiste de la Corée du Nord. En outre, poursuit-il, l’argent du secteur du tourisme ne va pas au gouvernement, puisque les hôtels, les restaurants et les autres partenaires touristiques doivent couvrir tous les frais eux-mêmes.

«La plupart des Nord-Coréens n’ont jamais la possibilité d’interagir avec un étranger, argumente-t-il. Ce sont des gens dont la seule perception des étrangers est ce que leur dit leur propre gouvernement. Quand ils rencontrent des étrangers, une perspective complètement différente leur est offerte.»

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