Drame de l'OTS à Salvan et Cheiry30 ans après – «Plus personne n'en parle dans le village»
lp, ats
23.9.2024 - 10:06
Il y a 30 ans, se déroulait le drame de la secte ésotérique de l'Ordre du temple solaire (OTS). Vingt-cinq personnes mouraient empoisonnées et carbonisées à Salvan (VS), 23 étouffées ou criblées de balles à Cheiry (FR) et cinq autres au Québec.
lp, ats
23.09.2024, 10:06
23.09.2024, 11:15
ATS
Dans la nuit du 5 octobre 1994, peu avant l'aube, 23 cadavres sont découverts dans une ferme en feu du village de Cheiry, dans le district de la Broye. Les corps sont enveloppés dans des habits de cérémonie. A peu près au même moment, un chalet en feu à Salvan, sur les hauteurs de Vernayaz, livre 25 cadavres.
L'ampleur du drame frappe les esprits, la plupart des gens en âge de l'avoir vécu s'en souviennent aujourd'hui encore. Les policiers et les juges d'instruction sentent d'emblée être confrontés à une affaire hors normes. Une intuition rapidement confirmée rien que par l'emballement médiatique constaté au fil des heures.
Le lendemain, les autorités canadiennes annoncent la découverte de cinq cadavres carbonisés dans un chalet de Morin Heights. Un village qui se trouve à une heure de route de Montréal.
Dénominateur commun
Rapidement l'enquête met un nom sur le dénominateur commun de la tuerie: l'Ordre du temple solaire. Une secte apocalyptique, dont les membres semblent s'être volontairement donné la mort pour atteindre une autre dimension. Les deux fondateurs de la secte, Luc Jouret et Joseph «Jo» di Mambro, périssent avec leurs adeptes.
Mais les questions demeurent. A Salvan, les victimes ont absorbé des médicaments dérivés du curare. Les corps ne présentent pas de trace de violence. A Cheiry en revanche, 20 des 23 victimes portent des impacts de balles, presque tous à la tête. Elles étaient vivantes au moment du premier coup de feu. Une partie des balles a été tirée avec un pistolet retrouvé à Salvan.
Au grand jour
Les motivations sont tout aussi obscures. Tout débute dans les années 1980. Les conférences du naturopathe belge Luc Jouret séduisent des personnes ouvertes à l'ésotérisme, mais craignant l'apocalypse.
Avec Jo di Mambro, un escroc notoire, Luc Jouret met en place les structures d'une communauté. En 1989, la secte de l'OTS compte 442 membres, français, suisses et canadiens pour la plupart.
Le mouvement vit au grand jour. A coup d'articles dans les médias et de spots publicitaires, il présente l'image d'une communauté d'hommes et de femmes proches de la terre, de la nature, vivant dans le bonheur.
Derrière la façade, se cache une réalité plus obscure. Un cercle d'initiés entoure Luc Jouret et Jo di Mambro. Les deux gourous leur font croire qu'ils appartiennent à une élite qui pourra survivre à l'apocalypse dans un lieu spécialement aménagé.
L'argent manque
Le cocktail mystico-ésotérico-religieux servi par Jo di Mambro à grand renfort d'effets spéciaux convainc la plupart des adeptes. Mais la condamnation au Canada de membres de la secte pour détention illégale d'armes dérègle la machine.
Certains pourvoyeurs de fonds prennent leurs distances, l'argent commence à manquer. Les maîtres de la secte préparent alors l'adieu à ce monde. Ils le nomment le «transit vers Sirius», pour rester dans une tradition ésotérique.
Ce «voyage» qui a emporté, de gré ou de force, 53 personnes en Suisse et au Canada le 5 octobre 1994 n'est pas demeuré sans suite. En décembre 1995, seize corps calcinés sont retrouvés dans le Vercors, en France. Et en mars 1997, cinq autres cadavres, calcinés eux aussi, sont découverts au Canada. Tous sont liés à la secte.
Drame du passé
A Salvan, comme à Cheiry, il ne reste plus trace du drame aujourd'hui. Le chalet et la ferme qui ont servi de cadre à la tuerie ont été rasés. Ils ont fait place à de nouvelles constructions. Rien ne vient en rappeler les tragiques événements.
«Plus personne n'en parle dans le village», expliquait le président de Salvan en 2014, à l'occasion des 20 ans du drame. La page est tournée, même si les questions demeurent. Celles des parents et de proches des victimes, qui ont cherché longtemps des réponses à ce qui s'est passé.
Au total, l'ensemble des suicides collectifs a causé le décès de 74 personnes en Suisse, en France et au Canada, en à peine deux ans et demi.
Sur le plan judiciaire, en Suisse, le dossier a été clos le 18 août 1998 par arrêt de l'ex-Chambre d'accusation du Tribunal cantonal fribourgeois. La procédure n'a pas été réouverte depuis cette date, a indiqué à Keystone-ATS le Ministère public du canton de Fribourg. En Valais, l'affaire a été classée en octobre 1995.