Alsace«La capitale de la choucroute» craint pour ses choux assoiffés
ATS
1.9.2023 - 07:46
Précipitations en baisse et coûts de production en hausse: en Alsace, la capitale autoproclamée de la choucroute s'inquiète pour ses choux, assoiffés par le changement climatique.
Keystone-SDA
01.09.2023, 07:46
01.09.2023, 07:54
ATS
A une vingtaine de kilomètres au sud de Strasbourg, Krautergersheim la bien nommée ("Kraut» signifie «chou» dans les langues germaniques), déroule ses champs de choux à choucroute au pied des Vosges.
Le village de 1700 habitants s'enorgueillit d'une fontaine surmontée d'un chou vert. Il organise chaque année fin septembre une Fête de la choucroute, célébrant un plat qui remonte au moins au Moyen-Age, lorsque la fermentation naturelle permettait de conserver le chou plus longtemps.
Si la réputation de la choucroute garnie alsacienne n'est plus à faire, le végétal dont elle est issue reste mal connu: à la différence du petit chou légume que l'on trouve dans le commerce, le chou à choucroute est un mastodonte de quatre à cinq kilos, de la taille d'un ballon de basket.
Manque de pluie
Et le pépère a soif, très soif. Au point que le changement climatique donne des sueurs froides à Joseph Bick, qui en possède des dizaines d'hectares à Krautergersheim.
«Toute l'année on manque de pluie», déplore M. Bick, alors que ses employés déterrent les choux à l'aide d'une récolteuse qui les charge dans une benne via un tapis élévateur. Cette année, «sur deux mois, on n'a pas eu d'eau», en mai et juin, au moment où le végétal en avait le plus besoin pour sa croissance.
«On a donc été obligés d'irriguer. Aujourd'hui, on est à cinq tours d'eau sur chaque parcelle», témoigne le cultivateur de 54 ans.
Or arroser coûte cher. Pour faire marcher ses pompes, Joseph Bick compte 12 litres de gazole non routier (GNR) à l'hectare par heure d'arrosage, et 25 heures en moyenne annuelle à l'hectare. Et le prix du GNR, un carburant très utilisé par les agriculteurs, s'envole, passant en moyenne nationale de 1,12 euro le litre en mai à 1,35 actuellement.
«Un chou, ça pousse bien en dessous de 30 degrés. Au-dessus, il faut qu'on travaille sur d'autres variétés», suggère Sébastien Muller, président de l'Association pour la valorisation de la choucroute d'Alsace (AVCA), qui a obtenu de Bruxelles en 2018 une Indication géographique protégée (IGP).
«Il faut des variétés qui supportent mieux la chaleur, qui soient robustes et résistent aux maladies, tout en produisant de fines lanières longues et blanches, conformes au cahier des charges de l'IGP», explique-t-il.
L'AVCA réunit une cinquantaine de producteurs et seulement neuf transformateurs, les «choucroutiers», qui assurent 70% de la production française.
Déclin de la profession
Les champs de Joseph Bick encerclent l'usine de la choucrouterie Meyer Wagner, où ses choux sont transformés en lanières, salées et plongées dans des cuves de fermentation étanches. Joseph Bick n'a pas loin à aller pour livrer sa production, 50 tonnes en une seule journée, soit 10'000 choux.
Ces derniers temps, producteurs et transformateurs sont en bisbille pour huit euros: en réponse à la hausse de leurs coûts de production, les premiers voudraient facturer leur chou 128 euros la tonne, au lieu de 120 actuellement.
Joseph Bick s'alarme du déclin de la profession: «Il y a 20 ans, on était plus de 200 producteurs. Si nous aussi on s'arrête, c'est un savoir-faire de l'Alsace qui va être perdu».