Faits divers En Inde, des funérailles à portée de clic

AFP

28.11.2018 - 07:40

Lorsque Parag Mehta a dû pour la deuxième fois en quinze jours organiser des funérailles familiales, cet Indien était à court de temps pour se procurer tous les objets nécessaires à la cérémonie hindoue. Alors il a acheté en ligne un "kit des derniers rites".

Pour 2.950 roupies (35 euros), cet homme d'affaires de Bombay a reçu le jour même à son domicile tout le matériel nécessaire, des pots en terre aux bâtonnets d'encens en passant par l'urine de vache. "Cela a rendu nos vies plus faciles à un moment extrêmement fort en émotions et stressant", confie-t-il à l'AFP.

Auparavant, la mort d'un proche signifiait pour une famille indienne devoir courir d'un magasin à l'autre. Désormais des startups mettent l'organisation de funérailles à portée de clic, une concurrence qui commence à se ressentir dans les boutiques en dur traditionnelles.

Pour ces jeunes entreprises, il y a un besoin d'accompagnement logistique de la part des personnes en deuil, tiraillées entre les exigences de cérémonies religieuses hindoues très codifiées et le délai court de trois jours dans lequel le corps est généralement incinéré.

Touché par un deuxième décès de personne âgée dans sa famille en un intervalle de temps réduit, Parag Mehta estimait qu'on lui avait vendu cher des produits de mauvaise qualité pour la première cérémonie.

En effectuant des recherches sur internet, il a alors découvert la société Sarvapooja ("prières pour tous" en hindi), qui lui a apporté le colis dans les heures qui ont suivi. L'équipe l'a même aidé à assembler l'équipement et l'a guidé à travers les rites.

"Ils ont créé la dignité dans la mort pour les familles qui ont perdu des êtres aimés", dit-il.

- Réservation de prêtre -

Dans un seul carton se trouvent 38 objets nécessaires à une cérémonie funéraire traditionnelle hindoue, comprenant notamment une civière en bambou à assembler, un linge blanc, de l'eau de rose et des graines de sésame.

Depuis son lancement il y a un peu moins d'un an, Sarvapooja a vendu environ 2.000 de ces kits, rapporte à l'AFP son fondateur Nitesh Mehta - qui n'a aucun lien de parenté avec le client Parag Mehta.

"Nous avons décidé de créer une solution spécifique à un problème très indien", déclare cet ingénieur informatique qui a vécu quinze ans aux États-Unis.

La startup de Bombay n'est pas seule sur le créneau. Des sites comme Mokshshil, dont le siège est à Ahmedabad (ouest), ou Anthyesti à Calcutta (est) offrent eux aussi un accompagnement funéraire personnalisé, comme des kits, la location d'un corbillard ou la réservation d'une salle de prière et d'un prêtre.

Cette irruption sur le marché de sociétés en ligne ne passe pas inaperçue auprès des acteurs traditionnels.

"Nous avons 40 ans d'expérience pour offrir des produits adaptés mais les gens veulent des raccourcis et des solutions rapides de nos jours", déplore Shashi Shinde, qui tient une petite boutique de pompes funèbres jouxtant un crématorium de Bombay.

"Les entreprises sur internet commencent à affecter nos affaires", indique-t-il.

- Exporter -

Patronne de Mokshshil, Bilva Desai Singh aspire à ce que son entreprise pousse les gens à discuter de la mort dans ce pays de 1,25 milliard d'habitants. Car en Inde comme ailleurs dans le monde, nul n'a envie de penser à l'avance à l'organisation de funérailles.

"L'Inde, c'est un milliard de personnes et un milliard de stigmatisations et de préjudices sur des sujets tabous comme la mort...", lance-t-elle.

Mokshshil comme Sarvapooja envisagent d'étendre leurs services à d'autres villes indiennes et de se lancer dans les livraisons pour les Indiens résidant à l'étranger. Ces kits "derniers rites" peuvent servir aussi bien aux hindous traditionnels qu'aux jaïns et aux sikhs.

"La mort est inévitable et nous voulons aider chacun à dire adieu à ses proches avec dignité", dit l'entrepreneur Nitesh Mehta.

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