«Faillite de l'État, de la loi» En plein scandale des poupées sexuelles, Shein s'apprête à s'installer à Paris

Alix Maillefer

4.11.2025

Visé par une enquête pour la vente de poupées sexuelles à l'effigie d'enfants, le géant de l'e-commerce asiatique Shein dit collaborer à 100% avec la justice française et s'installera bien mercredi au sein du BHV, grand magasin historique de Paris.

Shein s'installera demain, mercredi 5 novembre, au BHV à Paris (archives).
Shein s'installera demain, mercredi 5 novembre, au BHV à Paris (archives).
IMAGO/ABACAPRESS

S'il dit avoir «réfléchi à arrêter» sa collaboration avec Shein après les révélations concernant la vente de poupées sexuelles à caractère pédocriminel, le patron du Bazar de l'Hôtel de ville (BHV), Frédéric Merlin, persiste: le magasin ouvrira bien mercredi à 12h00 GMT.

Le président exécutif de Shein, Donald Tang, affirme que les produits concernés ont été retirés de la plateforme et que le groupe remonte «à la source» pour prendre «des mesures rapides et décisives à l'encontre des responsables».

Le géant de la mode ultra-éphémère dit avoir mis en place une interdiction totale des produits de type «poupées sexuelles», temporairement déréférencé la catégorie «produits pour adultes», et «également étendu sa liste noire de mots-clés».

Régulièrement accusé de concurrence déloyale, de pollution environnementale et de conditions de travail indignes, Shein se défend sur ce nouveau front ouvert samedi par la Répression des fraudes française (DGCCRF), qui a signalé à la justice la commercialisation de ces poupées à caractère pédopornographique - également retrouvées sur le site AliExpress.

AliExpress a également affirmé les avoir retirées.

- Enquêtes du parquet de Paris -

Lundi, le parquet de Paris a annoncé avoir confié quatre enquêtes à l'Office des mineurs (Ofmin), sur quatre plateformes (Shein, AliExpress, Temu, Wish). Ces investigations portent sur la «diffusion de message violent, pornographique, ou contraire à la dignité accessible à un mineur», mais aussi, pour Shein et AliExpress, sur la «diffusion de l'image ou la représentation d'un mineur présentant un caractère pornographique».

Sur l'identité des acheteurs, «nous serons en totale transparence avec la justice, s'ils nous demandent une telle chose, nous le ferons», a affirmé mardi le porte-parole de Shein en France, Quentin Ruffat.

«Remonter jusqu'aux acheteurs, c'est remonter à des pédocriminels potentiels», a réagi auprès de l'AFP Solène Podevin Favre, présidente de l'association Face à l'inceste. «Cela pourrait permettre de détecter des victimes».

Comment ces poupées ont-elles pu se retrouver sur Shein? Quentin Ruffat évoque «un dysfonctionnement interne».

Le ministre français du Travail Jean-Pierre Farandou, s'est dit «scandalisé» et son homologue à l'Économie Roland Lescure avait déclaré lundi qu'en cas de récidive, l'accès à Shein serait interdit en France.

- «Récupération» -

En attendant, Shein ouvrira comme prévu sa première boutique physique pérenne, un espace de 1.200 m2, au sixième étage du BHV, où l'événement était sur toutes les lèvres mardi.

«Ce qui me rend triste, c'est que ça va marcher», anticipe auprès de l'AFP Julie (le prénom a été changé), vendeuse d'une marque d'épicerie au BHV, souvent sollicitée par des clients à la recherche de produits Shein.

Katia, cliente parisienne de 45 ans, qualifie de «catastrophe» l'arrivée d'une marque d'"ultra fast-fashion" au BHV qu'elle envisage de boycotter. Déplorant qu'une telle «responsabilité retombe toujours sur le consommateur», elle dénonce la «faillite de l'État, de la loi».

Salariée du BHV depuis plus de 20 ans, Mélissa (prénom d'emprunt) regrette, elle, la «récupération» de l'affaire Shein au détriment d'"autres revendications" du personnel, alors que de nombreux fournisseurs ont quitté le magasin en raison d'impayés.

Allongeant la liste des mécontents, la maison française de mode agnès b. a annoncé mardi son départ du BHV, déplorant l'implantation de Shein.

Face à la déferlante de produits bon marché conçus généralement dans des usines chinoises, «c'est toute la filière textile qui est menacée», comme «les petits commerçants», déplore Jean-Pierre Farandou, appelant à une «riposte».

Après de premières actions d'associations lundi devant le BHV, Patrice Faure, le préfet de police de Paris, assure suivre l'inauguration avec une «attention toute particulière» afin d'assurer «la sécurité à la fois de nos concitoyens» mais aussi «des infrastructures».